Origami

25 0 0
                                    

Un sifflement strident. Le sas de la navette EP-01 s'ouvrit sur un ciel d'étoiles immobiles. Quatre silhouettes empâtées de combinaisons gris perle s'avancèrent dans l'ouverture. Maya leva la tête vers l'encre du vide et inspira profondément. Elle ne gonflait pas ses poumons. Elle s'emplissait de l'océan noir au-dessus d'elle. L'instant où tout s'efface. Le désarrimage du vaisseau. Le pilotage euphorique d'Ezia à travers les débris gelés d'une comète. Le rire de Faris, immensément calme, totalement satisfait. Le rire d'exploration.

Dissous dans l'immense.

Pourquoi au fond ? Pourquoi s'épuiser à ces images ? Pourquoi ne pas annuler

« Maya. »

La chaleur à travers le gant d'Ezia. Ses pupilles brunes, le sourire. La réalité s'organisa. Les contours du paysage désertique se redessinèrent. Ainsi que les autres. Faris avait déjà débarqué et sautillait sur place. D'après ses mouvements, la gravité semblait tout à fait acceptable. Un brin plus léger que ce que Maya avait anticipé, mais dans une marge d'erreur correcte. Atis à son tour dévala l'échelle. À grandes enjambées silencieuses, il rejoignit une hauteur rocheuse qui dissimulait le reste du paysage à leurs regards. Une fois qu'il en eut atteint le sommet, la voix d'un môme de douze ans emplit le système audio des explorateurs.

« Venez ! Venez voir ! »

Lentement, laborieusement, Maya quitta l'abri de métal pour le sol. Une pierre lisse, polie par des vents inexistants, des pas fictifs. Le sol d'une cathédrale millénaire. Était-ce pour cela que chaque mètre lui semblait si difficile à parcourir ?

Quant elle parvint à la hauteur de son Capitaine, cependant, toute trace de lassitude quitta ses membres, pulvérisée par le spectacle qui s'offrait à ses yeux.

L'escarpement sur lequel ils se tenaient se prolongeait en une pente douce qui rejoignait un plateau d'une dizaine de kilomètres.

Et transperçant l'armure minérale, les cristaux. Innombrables.

Ils étaient de toutes tailles, les plus massifs dépassant plusieurs fois en taille l'EP-01. Leurs flèches s'étendaient vers le Néant, l'habitant d'une lueur bleutée. La lumière ondoyait doucement, comme soumise aux lois d'une marée invisible, s'étendant dans l'air, puis refluant vers leur source d'origine.

« On dirait qu'ils vibrent, non ? murmura Faris qui pianotait à toute vitesse sur son terminal, malgré les gants épais qui entravaient ses mouvements.
- Et ils émettent de la lumière, enchaîna la jeune femme. Ce qui suppose une source d'énergie. Non. Non, ils sont la source d'énergie.
- Le catalyseur, plutôt, reprit le journaliste. Tu ne crois pas qu'ils la...
- Stockent ? C'est tout à fait possible. Mais dans quel but ?
- À toi de me le dire. Et ensuite je te volerai ta découverte et je la vendrai à un prix prohibitif à l'une de ces revues scientifiques prétentieuses que personne ne lit jamais.
- Question ! »

La conversation s'interrompit aussitôt, tandis Atis s'arrachait à sa contemplation béate du paysage. Ezia s'était hissée sur l'un des gigantesques cristaux, et baissait sur eux un regard intense. Son doigt levé dessinait des cercles dans le vide.

« Deux point deux. Deuxième planète d'un système de soleils jumeaux. Gravité normale, pas d'atmosphère. Pas d'eau, bien sûr. Donc pas de végétation. Pas grand intérêt, le rocher sur lequel vous marchez, c'est du granit, ou presque. Sauf qu'il n'est même pas radioactif. Alors question ! Pourquoi vous ai-je amené ici ? Vous avez trois jours. »

Maya déglutit. Trois jours. Deux de moins que la dernière fois.

« Si ça n'est pas le sol, ça concerne forcément les cristaux. » Atis avait sur le visage un rictus de sale gosse.

Ezia PolarisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant