Boogeyman (DISPO POUR HALLOWEEN 🎃)

3.

« Et, parfois, la scène semble exister davantage que le monde, elle est plus présente que nos vies, plus émouvante et vraisemblable que la réalité, plus effrayante que nos cauchemars.

— Eric Vuillard »

11 JANVIER

Une tasse de café encore fumant reposait au bord de la table. Elle ne l'avait pas encore touchée, trop obnubilée par ce qu'elle lisait. Perdue dans ses pensées, ses incertitudes, ses craintes et ses angoisses. Plus elle lisait, plus elle pensait que tout ça était réel, que rien n'était une invention. Plus elle creusait, plus elle s'enfonçait et moins elle trouvait un sens à la réalité.

Des vieux journaux, des vieux livres, des poèmes, des histoires inventées... Elle lisait tout. Peut-être y avait-il une part de vérité dans ces écrits. Elle l'espérait. Tout semblait vrai pour elle, mais est-ce que Paul allait la croire ?

La nuit était tombée, le froid se faisait ressentir, même dans la maison, malgré le chauffage. Il faisait tellement froid dehors qu'elle n'arrivait pas à se réchauffer. Peut-être aussi que la fatigue et la tristesse y étaient pour quelque chose. Allait-elle pouvoir dormir cette nuit ? Elle n'en était pas si sûre. Sans son fils... la vie était différente, plus aucune clarté, il n'y avait rien que l'obscurité et les ténèbres l'envahissant, pourrissant son âme et brisant son cœur.

La tête posée dans sa main, elle sursauta lorsqu'on frappa à trois reprise à la porte d'entrée. Elle s'était habituée au silence, elle savait très bien que ce n'était pas la police qui était venue lui dire qu'ils avaient retrouvé son fils. C'était sûrement Paul. Elle se leva en poussant un faible soupir. Elle avait la sensation d'être courbaturée, sa souffrance intérieure y était forcément pour quelque chose. Au fond d'elle, elle savait que fouiller ainsi pour trouver ne serait-ce qu'une toute petite vérité sur un personnage inventé lui faisait encore plus de mal, elle se torturait l'esprit et se terrait de plus en plus dans ses propres opinions.

Elle ouvrit la porte, elle ne fut pas surprise de voir Paul. Il entra à l'intérieur, se frotta les mains et souffla dessus pour les réchauffer. Il retira ensuite son manteau et son bonnet puis suivit Isabella jusque dans le salon. Là où elle avait étalé tous les documents qu'elle avait trouvé.

Elle partit préparer un café à Paul. Pendant ce temps-là, ce dernier regardait rapidement ce qui était éparpillé sur la table basse. Isabella avait fermé les volets et seule une petite lampe dans un coin éclairait la pièce, ce qui la rendait sombre, à croire qu'elle s'isolait de plus en plus. Bien-sûr, il ne lui ferait jamais la remarque. Il comprenait sa souffrance.

Elle revint quelques minutes après et posa la tasse fumante sur la petite table en bois. Elle s'assit sur le fauteuil en cuir marron et Paul s'installa sur le canapé de la même couleur. Il la considéra quelques instants sans rien dire alors qu'elle s'attachait les cheveux en un chignon négligé, en oubliant d'attraper certaines mèches.

— Ça va ? demanda-t-il, ce qui brisa le silence pourtant appréciable et reposant.

— Pas tant que je ne saurais pas la vérité.

— De quelle vérité tu parles ? Il n'y a aucun mensonge.

— Je veux savoir qui kidnappe les enfants.

— Et tu as eu des réponses dans tous ces bouquins puérils ?

Elle le fixa longuement sans rien dire, peut-être un petit peu vexée par les paroles de Paul. Elle y croyait, du moins elle essayait d'y croire, croire aux choses qu'elle avait lu, aux illustrations qu'elle avait vu et elle voulait se fier aux dessins de son fils et à cette étrange trace de main sur le bord de la fenêtre. Elle faisait tout pour y croire, quitte à paraître folle.