Saturday Night

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Londres était toujours un peu plus peuplée en ces jours spéciaux qu'était par exemple la Saint Sylvestre. Il y avait les jeunes qui venaient d'autres pays pour fêter la nouvelle année et qui repartiraient avec une gueule de bois londonienne : bien douloureuse. Il y avait aussi ceux qui venaient de toute l'Angleterre, juste pour venir boire avec des potes qu'ils ne voyaient que rarement parce qu'ils étaient parsemés dans tous les coins du pays. Et puis dans tout ce géant foutoir, il ne fallait pas oublier que les décorations de Noël n'avaient pas été démontées, que les vitrines étaient toujours décorées avec ce gros bonhomme rouge et qu'on voyait encore les fameux Christmas Novalty Jumpers se balader dans les rues. Les routes étaient un peu glissantes, cette année. La neige avait été distribuée inégalement dans les quartiers de Londres mais une couche fine de poudreuse avait été saupoudrée sur la ville, rendant les trottoirs aussi dérapant qu'une patinoire. Plusieurs fois, le bassiste avait récupéré au vol une personne qui était sur le point de s'éclater au sol et plusieurs fois il récolta le « Merci » embarrassé d'une personne qui préférait ne pas croiser son regard par honte et par peur qu'il ne soit en train de se moquer d'eux.

Dougie était un peu dans le même cas qu'eux, mais ça, c'était surtout parce qu'il lui manquait un accessoire pour la fête de ce soir. Il maugréait du débit incessant de touristes qui gueulaient dans les rues et qui marchaient lentement, pour ne pas tomber, alors que lui et ses grosses Timberland était hors de danger. C'est sûr qu'une paire de Converses n'accroche pas à la neige boueuse et sale de Londres, comparée à sa paire de bottines bien chaudes à semelle épaisse. Secrètement, intérieurement, Dougie se moquait bien d'eux tous. Une petite part de lui était toujours assise sur la pelouse de Coachella, à rigoler avec Camille en disant du mal des gens. C'était gratuit, c'était méchant, c'était ridicule, mais c'était resté entre eux et c'était leur petit secret. Bien sûr qu'ils défendaient chacun le droit de faire ce que bon lui semble, mais certaines personnes semblaient tellement inadaptées face au décor qui les entourait qu'ils n'avaient pas pu s'empêcher de rire.

Alors aujourd'hui, quand une bande de touristes norvégiennes passa à côté de lui et manqua presque de se rétamer sur une plaque de givre, il les aida à se relever tout en les traitant d'imbéciles pour marcher en talons aiguilles, intérieurement.

Il ne lui manquait pas grand-chose pour parfaire sa tenue, finalement. Simplement un nouveau fedora parce que le beige qu'il avait prévu de porter avait pris la neige et était complètement ruiné par de grandes tâches grisâtres, caractéristique de la neige salie par la pollution londonienne. Alors il se dirigeait tout droit vers la boutique qu'il connaissait par cœur, en priant pour qu'ils n'aient pas été dévalisés avant son arrivée.

Heureusement, il avait réussi à trouver son bonheur et sa tenue pour la fête de ce soir était désormais finie et prête.

Assez prévoyant, Dougie avait fait suivi l'exemple de Camille et avait confectionné une liste de choses à faire, pour la journée. Ce n'était pas grand-chose mais ça lui permettait de se donner l'impression qu'il avait tout prévu et qu'il était organisé, pour une fois. Ça passait du plus évident (« Se brosser les dents : Check ») au plus farfelu (« Mettre les chaussettes au sale : Check ») mais ça faisait le taf quand il voulait s'impressionner lui-même.

Il ne lui restait plus qu'une grosse chose à faire avant de rentrer chez lui pour se préparer et cela commençait par remonter en voiture et se rendre à la gare.

Comme prévu, les quais de la gare Saint Pancras étaient blindés de monde. Les gens courraient dans tous les sens et se bousculaient, traînant derrière eux d'imposantes valises à roulettes (ou non). Dougie retrouva les touristes qui l'agaçaient tant mais rit en voyant un groupe de chinois se préparer pour le départ, précédé par leur guide qui tenait un parapluie fermé au-dessus de sa tête. Camille aurait probablement ri. Mais pour le moment, Camille était en train de tenter de se frayer un chemin entre les dits touristes et même si Dougie ne la voyait qu'encore de très loin, il voyait clairement qu'elle n'allait pas bien. Alors il pressa le pas, poussa à son tour les gens qui le gênaient et récupéra la jeune femme rapidement avant de l'entraîner vers un coin plus calme de la gare, prenant ses bagages en charge et bloquant sa petite main dans la sienne. Il n'aurait pas dû y penser mais la décharge électrique qu'il reçut le laissa pantelant, une fraction de secondes, avant qu'il ne se souvienne qu'il devait sortir la pauvre Française de ce merdier, histoire qu'elle se sente mieux et rapidement. Alors il laissa les bagages retourner au sol quand il fut sûr qu'ils avaient plus de deux mètres carré d'espace vital et attrapa son amie dans ses bras, la soulevant contre lui, la crashant contre son torse, au point où elle en étouffa un couinement dû à la pression qu'il mettait sur ses côtes.

OverjoyedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant