1. "Recevoir un journal."

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Ce matin, l'un des gardiens entre dans ma cellule avec le plateau traditionnel, couvert de choses dégoûtantes, puis d'une petite boîte en carton.
Dès qu'il sort, j'ouvre la boîte et en sort un livre. La couverture est en cuir, c'est un bel objet. Quand je l'ouvre, je suis surpris de trouver des pages vierges. Je fronce les sourcils et tourne quelques pages à la recherche d'un seul petit mot. Rien. Il est vide, dénué de tout sentiment.
À côté du livre se trouve un stylo foncé. Je le prends entre mes doigts puis le regarde de plus près.

- Pourquoi m'a-t-on apporté ça ? crié-je en direction du gardien posté devant ma cellule.

- Oh. On s'est dit que tu devais t'ennuyer, c'est quelqu'un qui t'a envoyé ça.

- Qui ?

Il ne répond pas et s'en va. Je suis seul face à un journal dont j'ignore l'expéditeur.
Peut-être que ce bouquin me sortira de mon ennui. Peut-être même que je vais m'y attacher. De toute façon, c'est sûrement la dernière chose à laquelle je pourrais m'attacher avant le dernier jour.
J'ouvre le journal et prends le stylo avant de ne griffonner quelques mots.

Je suis un condamné à mort. Vous savez, la pire chose quand on est un condamné à mort, ce n'est pas de savoir qu'on est sur le point de mourir, c'est de savoir que tout ce qu'on voit, on ne le reverra pas, que c'est la dernière fois. C'est tout ce qui nous manque ; l'illusion d'un futur.

Je repose le stylo et ferme le journal. Je ne sais pas pas pourquoi je me livre à ce truc, il est comme les autres, bientôt loin derrière moi.
Et puis c'est con d'écrire à un livre. Il ne vous comprend pas, ne vous répond pas, se fout complément de vos problèmes... Mais au moins, il ne vous juge pas... C'est peut-être pour ça que les gens s'y attachent. Parce que le journal ne dira rien. Il ne leur dira pas que ce qu'ils racontent est nul à en mourir, le journal écoute, c'est tout.

Le presque-mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant