Daryl était un ami d'enfance de mon père. Quand Derya est née, ils ont directement imaginé notre possible union. C'était un plan parfait ; deux enfants, deux amis, deux voisins, se mariaient. Mais ça, c'était avant que je ne me mette à boire.
J'ai commencé à dix-neuf ans, à force de misère. Derya était folle de moi et moi, j'étais fou de la bouteille. Tous les jours, en rentrant du port, je buvais une bouteille de scotch. Ma mère criait, en vain. Mon père, lui, pestait contre moi toute la journée, même au travail. Nous n'étions que de pauvres pêcheurs, une bouteille était une dépense superflue pour la famille. De plus, ma mère venait de mettre au monde ma soeur, Karlina.
C'est mon goût pour la beuverie qui a tout foutu en l'air.- Ta mère est là.
Je me lève et regarde Daryl à travers la grille.
- Ma mère ? Mon père l'empêche de venir.
- Bouge-toi.
Je me colle à la grille et sourit à ma mère.
- Tu remercieras Daryl. Je n'avais pas le droit de venir.
- Je ne remercierai jamais un homme comme lui. Que me veux-tu ?
- Je t'ai amené un peu de pain, et des fruits !
- Comment va Karlina ?
- Oh, elle va bien. Elle est partie en mer avec ton père.
J'acquiesce et tente de faire passer le pain par les trous dans la grille qui nous sépare.
- Tu sauras tout passer ?
- Ouai, c'est bon. Merci.
Elle sourit légèrement, juste pour me dire que ce n'est rien, que c'est normal.
- Et comment tu vas ?
- Comme quelqu'un sur le point de mourir, je suppose...
Elle détourne le regard et soupire.
- Tu sais que c'est de ta faute, dit-elle à voix basse.
- Je n'ai tué personne !
- Tu avais bu, tu ne peux pas te souvenir !
- Je ne suis pas un meurtrier, tu le sais !
Je shoot dans les murs en pierre de ma cellule.
- Oh, tu as un livre ? demande ma mère en regardant dans la cellule.
- C'est un journal, quelqu'un me l'a fait envoyer. Mais je ne sais pas qui c'est...
- Oh...
Elle marque un temps d'arrêt puis me fixe quelques secondes.
- Je vais rentrer, ton père croit que je suis au marché.
- D'accord. Merci d'être venue.
- C'était le minimum.
- Maman, attends ! Comment va Derya ?
Elle me regarde silencieusement puis me tourne le dos pour quitter la prison.
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Le presque-mort
General FictionAdam est un prisonnier qui attend son exécution. Pour s'occuper, il rédige un journal relatant sa vie et ses derniers jours en prison. Couverture par Chloé.S.