2: I'll make you feel something.

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"As human, we ruin everything we touch including each other."

Pdv Lilla.

Je relis le mot plusieurs fois, le retourne dans tout les sens en espérant trouver un indice sur l'identité de l'auteur du message.

Rien.

Je décide de ne pas y prêter plus attention et le range dans mon bureau avant de descendre au salon. L'horloge au mur indique dix-sept heure, il n'y a rien à la télévision à cette heure et pas plus de choses à faire dans la maison. Je décide d'aller faire un tour en ville.

Après avoir enfilé mes Vans ainsi que mes écouteurs je verrouille la porte d'entrée et marche au rythme de Robbers de The 1975. Je marche longtemps, la tête dans les nuages. Vers dix-neuf heure je passe devant un parc se trouvant à au moins une heure à pied de chez moi. Quelqu'un me saisi le bras et m'oblige à me retourner pour lui faire face. C'est Robin, mon ex. Il me regarde avec des yeux verts fatigués, bordés de cernes violettes. Bien qu'il fasse deux têtes de plus que moi il me semble bien plus petit qu'avant; il a maigri, ses cheveux sont en pagaille et ses vêtements complètement débraillés.

- Faut qu'on parle, dit- durement.

il parait à la fois furieux et désespéré. J'hésite à accepter. Après tout, c'est sa faute si on en est là. Il me saisi brusquement le poignet et le serre, très fort, trop fort. Je tente de m'extirper de son emprise mais rien à faire.

- Robin, lâche moi. On a rien à se dire.

Son regard se fait tout à coup suppliant. Je remarque ses pupilles dilatées, il est soit drogué soit totalement ivre. Quoi qu'il ai prit il en reste tout aussi dangereux et imprévisible. Je l'ai déjà vu ivre ou drogué ou même une fois les deux. Ce n'était pas quelque chose d'habituel chez lui, bien heureusement. A chaque fois il devenait violent, il criait, brisait des choses ou couchait avec n'importe qui. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons rompus.

- Je t'en supplie, reviens. J'arrive pas à vivre sans toi, j'ai besoin de toi... dit-il en gémissant.

Je tente une dernière fois de m'éloigner de lui, sans succès. Mon cerveau tourne à cent à l'heure. Il faut que je trouve un moyen de le faire partir sans l'énerver, sinon ça risque de mal se passer. Il ne m'a jamais fait de mal, pas physiquement en tout cas, mais je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi imprévisible. Soudain son regard se noircit et son visage se retrouve déformé par la colère.

- Il y a quelqu'un d'autre c'est ça ?! Il commence à crier. Je te préviens, il n'est pas question que je le laisse t'enlever à moi.

Il resserre encore sa prise sur moi alors qu'il se met à pleuvoir.

- Tu m'entends ? Tu es à moi, et à personne d'autres!

Tout à coup, une voiture se gare devant nous et quelqu'un en sort. J'en remercie le ciel car, sans ça, j'allais probablement regretter d'être sortie.  Si on se fie à sa grande taille et sa carrure assez imposante, c'est un homme. Il pleut de plus en plus fort. Robin lâche enfin mon poignet et avance d'un pas vers la voiture. Il est bien trop intoxiqué pour être pleinement conscient de ce qui se passe autour de lui. Il m'a déjà oublié, trop concentré sur les phares.

- Monte dans la voiture, Lilla. dit l'homme assez fort pour être entendu malgré la pluie torrentielle.

Il a une voix grave mais étrangement familière. Je suis sûre de l'avoir déjà entendue auparavant. Je ne réfléchis pas et obéis sans poser de questions, trop pressée de m'éloigner de Robin et de me mettre au sec. Mes vêtements sont trempés et je suis frigorifiée. Je vois Robin à travers la vitre articuler mon nom comme si il se rappelait tout à coup de moi. L'inconnu monte à son tour dans l'auto et allume le chauffage. Je l'en remercie intérieurement. Il se tourne vers moi et j'aperçois enfin son visage et le reconnais immédiatement. Il est dans mon école, j'ai plusieurs cours en commun avec lui. On s'est déjà parlé, une fois. Un jour, alors que j'étais en retard pour aller en cours ( pour changer) on s'est bousculé et j'ai fait tomber tout mes cahiers. Je me suis empressée de ramasser mes affaires et suis partie sans même lui jeter un regard. Quand je suis rentrée chez moi ce soir-là je me suis rendue compte que j'avais oublié quelque chose; mon cahier à dessin. Et c'est bien évidement lui qui l'avait ramassé. Le lendemain il me l'avait rendu alors que j'étais devant l'école occupée à fumer une cigarette. Il m'a tendu le cahier en silence, a allumé sa clope et a simplement dit qu'il aimait une de mes histoires avant de s'éloigner. Il l'avait feuilleté.

Depuis je le croisais tous les jours devant l'école et, à chaque fois, il se plaçait près de moi et nous partagions une cigarette avant de partir chacun de notre coté. C'était devenu une sorte de routine entre nous, nous ne parlions pas, mais c'était sans doute le moment le plus spécial de toute la journée. Il me jette un regard indifférent, passe une main dans ses cheveux trempés et démarre la voiture. Alors qu'il se concentre sur la route j'en profite pour détailler une fois de plus son visage que je connais déjà par coeur.

Il a des yeux d'un bleu profond, des cheveux d'un noir de jais et des lèvres rosée qu'il a l'habitude d'humidifier en passant sa langue dessus. Une cicatrice d'environs deux centimètres orne sa pommette gauche, sûrement une blessure qu'il s'est faite en se battant. Sa peau est claire et ne présente pas la moindre imperfection. Son visage présente toujours la même expression de colère que d'habitude, à croire qu'il ne ressent rien d'autre et qu'il est toujours fâché contre quelque chose. Ses mains, si crispées sur le volant que ses doigts en deviennent blancs, sont couvertes de bleus et d'égratignures. Il fixe la route de ses yeux légèrement plissés. N'importe qui pourrait voir qu'il tente de garder son calme. Nous roulions depuis au moins dix minutes quand je me risque à entamer la conversation.

- Merci, pour tout à l'heure... dis-je en chuchotant.

Il garde les yeux rivés sur la route et ne me répond pas, il ne réagit même pas. C'est seulement lorsque je remarque les coups sur le tableau de bord et les petites gouttes de sang sur le volant que je fais le lien avec ses mains égratignées et la fureur visible dans ses yeux. Je comprend immédiatement qu'il n'est pas furieux à cause de ce qui s'est passé avec Robin, je crois même qu'il s'en fiche. Il était déjà furieux quand il est tombé sur moi, et il l'est toujours. Je fouille dans ma tête à la recherche de signes que j'aurais aperçu cette en cours ou devant l'école et me rappelle qu'il avait eu l'air plus en colère que d'habitude cette semaine. Aussi que ce n'étais pas la première fois ce mois-ci que ses mains étaient couvertes de blessures. Je me risque à une nouvelle tentative de discussion.

- Tu... tu veux en parler?

Je tends doucement la main vers le volant et effleure une des siennes. Sa main est chaude et rugueuse. Il se raidit à mon contact mais ne bouge pas pour autant. Tout en fixant son visage pour tenter d'y déceler le moindre changement, j'attire sa main vers moi et la serre doucement. Elle parait si grande en comparaison avec la mienne que s'en est presque ridicule. Je la caresse doucement avec mon pouce et le sens se détendre petit à petit. Mais il ne parle toujours pas. J'abandonne toute tentative de lui parler et regarde la ville défiler derrière la vitre passager tout en gardant sa main dans la mienne. Soudain, il retire la retire et allume la radio avant de revenir entrecroiser ses doigts avec les miens. Talk me down de Troye Sivan retentit dans l'habitacle. Je me laisse bercer ma la musique et les mouvements de la voiture. J'ai à peine le temps de le sentir attirer ma main vers lui pour l'embrasser doucement avant de sombrer dans le sommeil.


The Girl Who Cried WolfOù les histoires vivent. Découvrez maintenant