Chapitre 5

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(1) musique à écouter sur la vidéo intégrée en haut de page  


J'ai passé tout mon dimanche au lit, mangeant des guimauves trempées dans du chocolat chaud, l'ordinateur sur les genoux, à regarder de vieux films en noir et blanc. J'ai terminé la soirée par Caroline Chérie avec la sublime Martine Carol qui a le don d'obtenir tous les hommes qu'elle veut avec son œil de biche et son décolleté plongeant et elle semble n'éprouver aucun cas de conscience à passer de l'un à l'autre. La vérité c'est que, non, nous ne sommes pas tous égaux à la naissance! L'Univers ou Dieu ou la nature, je-ne-sais-qui, est plus ou moins généreux avec certains. Je me fiche d'être la plus jolie et de faire tourner les têtes! Moi il n'y a qu'un homme que je veux... Juste un... Un seul et je ne demanderai plus rien...

*

Le lundi matin j'arrive à la fac en écoutant "Quiet Fire", la voix envoûtante de Melody Gardot me transporte dans une autre dimension. Tout semble s'effacer autour de moi... 

"Je brûle dans un feu calme

Prends, prends ma main et fais-en ce que tu souhaites

Je suis dans un terrible besoin 

Car

Tout ce que je veux c'est quelqu'un pour m'aimer comme je le fais

Tout ce que je veux c'est quelqu'un pour m'aimer comme je le fais..." (1)

Les gens ne sont plus qu'un défilé incessant et anonyme ; bien malgré eux mes pieds tapent le sol au rythme de la chanson jazzy qui caresse mes oreilles ; le soleil printanier parcourt ma peau de sa tiède douceur. Je ferme les yeux quelques secondes pour mieux apprécier cet état de sérénité, puis je me rappelle que je suis en train de marcher et que je zigzague sans doute dangereusement. 

Au moment où je les rouvre, je percute quelqu'un de plein fouet et me retrouve les quatre fers en l'air tandis que la blondinette que j'ai heurté me regarde d'en haut, toujours bien campée sur ses longues jambes. Elle me tend la main pour m'aider à me relever.

- Le choc a été rude! Tu as un sacré bon équilibre, je dis en riant pour dissimuler ma gêne.

- C'est parce que je fais de la danse classique, me répond t-elle d'une voix claire, presque musicale.

Enfin face à elle, je la dévisage et la reconnait, je dois avoir les yeux comme deux ronds de flans. Edith! Sans aucun doute possible. Si je la trouvais jolie sur la photographie de mon père, en chair et en os, je dois admettre qu'elle a un charme magnétique. Ses grandes prunelles chocolats me toisent avec intensité et je ne crois pas que ce soit parce que je l'intéresse, mais je devine qu'elle regarde tout le monde de cette façon.

Je connais déjà la réponse mais je demande avec une assurance que je n'ai pas:

- Tu ne serais pas Edith?

Elle me fixe avec plus d'insistance encore, j'ai l'impression qu'elle va me trouer la peau rien que par la force de ses pupilles. Son nez se plisse et ses lèvres se retroussent dans une sorte de mimique pleine d'insolence que je ne peux m'empêcher de trouver charmante bien que flippante.

- On t'a parlé de moi?

- Euh non... Enfin oui... D'une certaine façon, on peut dire que oui.

Son visage se décontracte soudain, son expression affiche une sorte d'innocence presque enfantine tandis que la compréhension se fait sur ses traits.

IndicibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant