Un vent d'amour

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Quand elle eut fini, et un peu gênée par mon regard qui longtemps était resté figer sur elle, elle baissa les yeux. Je la sentis alors fragile et sensible. C'était assez embarrassant quand-même surtout au milieu de tout ce monde. Je refermai ma bouche qui s'était entre-ouverte depuis peu et entamai la causerie

- Vous êtes très gentille...
- Gentille waaa
- Oh pardon, je voulais dire que vous êtes belle !
- Merci
- Excusez-moi comment vous vous appelez ?
- N'dèye !
- Vous êtes Sénégalaise ?
- Oui ! mais je suis née ici. C'est pourquoi ??
- Non rien. En fait je ne vais pas pouvoir acheter de vos articles parce que je n'ai rien sur moi actuellement mais vous êtes d'une beauté que j'ai rarement vue de toute mon existence. Excusez moi si je vous dévorais des yeux tout à l'heure, c'est juste que je suis émerveillé par ce que je vois! Que vous êtes belle !
- Merci mais toi joli garçon comme ça tu n'as pas l'argent ! Tu veux pas acheter waaaa humm
- (Rire) non non je crois que vous ne vendez rien que je veuille pas acheter mais je n'ai juste pas d'argent sur moi actuellement

Elle baissa les yeux, me sourit puis s'en alla après m'avoir souhaité une bonne journée ! Je la regardai s'en aller jusqu'à la perdre de vue sans pouvoir avoir le cran de demander son contact ! Sa beauté m'avait scotché, c'était comme si le temps s'était figé pour me laisser admirer cette belle créature ! Elle incarnait l'idéale et la perfection de la femme pour moi. N'dèye était exactement le genre de femme que je rêvais d'avoir plus tard comme femme. Mais c'était parti vite, trop vite même que je n'ai pas eu le réflexe de faire quoi ce soit. Je pensai à Didier, ça aurait été lui, il aurait pris le numéro de la fille sans complication aucune. Muss aurait pu avoir un peu plus d'informations sur elle en 2 temps 3 mouvements. Ils étaient habitués à cela, moi qu'est-ce que j'ai pu faire en 10 minutes de causerie ? Rien.

Ces moments où tu viens de voir la femme de tes rêves et ce n'est que quand tu la quittes des yeux que tu commences à repenser à toutes les postures que tu devais adopter, ce que tu aurais dû dire, ce que tu aurais dû faire mais que voilà c'est trop tard maintenant. J'étais envahi de regret et le temps de me reprendre et regarder ma montre, il était 13h35. J'étais en retard de cinq minutes. Je me levai pour me rendre en classe. Dieu merci, le professeur de français était en retard. On avait cour de Français dispensé par Monsieur DIALLO. Un jeune professeur très ouvert qui aimait beaucoup nous donner des conseils sur les relations humaines, notamment les relations amoureuses. Ce jour j'étais comme vide en classe, plus rien n'entrait, mon corps se refusait de penser à autre chose que N'deye !

Muss m'avait demandé de lui ramener des chips. Je ne pense pas que je sois obligé de vous dire que j'ai oublié la commission de mon ami avec ce coup de vent qui m'avait traversé. J'arrivai en classe comme si dehors j'avais vu un ancien demon. Je pris place, Muss ne perdit pas une seconde à me reclamer son chips
- Djo où est mon chips ?
- Quoi ?!
- Kouakou ! Tchrrrr je dis où est mon chips ? Je t'avais dit qu'en montant de me raméner des chips non ?
- Ah ouais ! Désolé j'ai complètement oublié.
- Wallahe toi on peut pas compter sur toi quoi ?! Je suis deçu de toi...
- C'est pas nouveau ça, tu es toujours deçu de moi oh !
- Oui oui tchrrrr et tu penses que c'est bien ?
- Non non papa !
- Voilà j'aime quand tu m'appelles papa, tu deconnes mais tu es respectueux souvent ! Je suis enjaillé* (je suis content en argo ivoirien)
En ce moment precis Didier s'invita à la discussion !
- Ah batard, j'ai vu une go dans le bus que j'ai emprunté aujourd'hui ! Pouaaaah son coffre est blindé
Muss : Eeh Dieu ! délivre ce garçon des filles ! Son avenir risque de se retrouver dans fesses !
Moi : Toi aussi tu parles ?! Prrrrrrrr c'est pas ton asso dans ça !
Muss : Regarde toi la j'aime pas foutaise de garçon hein ! Mouilleur !
Je devins aussitôt calme, car sans le savoir Muss venait de me rappeler mon échec que je jugeais cuisant d'il y a 5 minutes face à N'dèye.
- Vous là vous pouvez pas vous taire un peu ? Orrrh ! (C'était Malika la déléguée de classe)
- Orrh toi gbach là go ennuie ! On ne bavarde pas, on échange ! (répondit Didier)
- C'est ça !

En ce moment précis Monsieur DIALLO fit son entrée ! Le cours se passa sous mon plus grand désintérêt. J'écoutais sans entendre, j'entendais sans comprendre. Le professeur parlait encore et encore et moi j'étais ailleurs jusqu'à la fin de l'heure. Mes amis l'avaient remarqué, j'étais le plus attentionné en classe, de temps en temps je me lâchais mais comparé à eux j'étais le plus attentionné. Ils avaient pu voir que j'étais complètement ailleurs ce jour ! On avait 2 heures de cours de 13h30 à 15h30 et une heure d'Anglais et c'était tout pour ce jour.
A la fin de l'heure M. DIALLO annonça qu'on aurait un devoir la semaine prochaine, je n'en avais cure.
Didier : Djo kessia t'étais ailleurs pendant le cour, tu pensais à ta femme de nuit ?
Muss : Laisse le, bête là tu sais pas que c'est toi qui doit nous expliquer après ? tchrr
- Non non je pensais à ma nuit de femme !
- (rire) Bon explique nous, kessia ?!
- Y' a rien ! Ça arrive comme ça qu'on soit distrait...
En fait j'avais honte de leur dire ce que j'avais de peur qu'ils ne se moquent de moi. On se dirigea vers la l'arrêt de bus juste après ce n'était pas loin de l'école. Muss et Didier prenaient le 04, la ligne de bus qui assure le trajet Marcory - Attecoube en passant par Adjamé à la grande gare de bus nommée « GARE NORD ». C'est là qu'eux descendaient pour ensuite prendre un autre bus pour Yopougon car c'est là qu'ils habitaient. Moi je prenais le 14, ligne assurant le trajet Marcory-Adjamé Williamsville, c'est là que j'habitais ! Souvent pour bavarder je montais avec Muss et Didier et vice versa. Les bus de leur ligne étaient assez réguliers contrairement aux miens. Alors ils s'en allèrent très souvent me lassant là-bas attendant mon bus qui à force de retard qu'il accusait donnait droit à des bousculades pour monter car les usagers devenaint beaucoup trop nombreux pour le bus. Ce jour là on a eu droit à notre bousculade quotidienne, je pus cependant avoir une place assise. Pendant tout le trajet l'image de cette fille me revenait. Je rentrai glacer comme ça depuis la minute où N'deye m'avait quitté des yeux. Je commençai à me conforter derrière mon idée selon laquelle l'amour, la femme étaient des choses que je ne devrais pas rencontrer maintenant, à plus forte raison dire m'y attacher, ça nous rendait dépendant, on n'était plus maitre de nous même. Voilà le pouvoir maléfique de la femme, elle nous dépossède de nous-mêmes, nous affaiblit.

La semaine se termina ainsi et j'étais de plus en plus méconnaissable jusqu'à ce devoir où je me suis tapé 02/20. C'était trop là, Muss et Didier m'ont fait cracher le mot.
- Toi là c'est quoi même ?
- Comment ça ?
- Depuis quand tu es devenu bête ?
- Ahiiiii...
- Fiainhiii ! On demande depuis quand tu es devenu bête ?
- Je vous comprend pas hein ! Tchrr et puis toi-même bête
- Tu es distrait en classe depuis bientôt une semaine, tu parles peu en classe, tu t'isoles, tu es devenu comme un scientifique raté.
- (rire)
- Nous on parle tu ris ?! Eh Dieu ! Sérieux regarde ta note ! Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Rien, y a rien oorh
- Regarde je n'aime pas ça hein (Didier), si tu veux t'enfoncer au moins informe-nous, on va te laisser en paix mais au moins on aura de quoi raconter à tes parents quand ils vont nous demander ce qui t'est arrivé !
- C'est bon c'est bon. J'ai rencontré une fille mardi dernier, je ne sais pas si je dois l'appeler une fille...
- Quooiiiiii ??! Toi aussi tu bandes ?? (Didier) il se met déjà à rire
- Imbécile, j'suis pas garçon ou bien !
- Apparemment... Bon parle
- Tchrrrrr. Bon je disais, c'était pas une fille ordinaire, c'était un ange. Elle a réveillé tout ce que j'avais pu tuer en moi comme émotion ou sentiment. Je me souviens pas avoir rencontré une fille comme elle auparavant !
- Et alors, c'est où qui te rend comme ça ?
- Didier ferme la pourquoi t'es chaud chaud cohan même ?!
Le truc c'est que je n'ai pas eu le courage de prendre son numéro, ce qui me donnerai une chance ne serait-ce qu'infime de la rencontrer une autre fois. Mais je n'ai pas pu et depuis je n'arrive pas à me la sortir de la tête, j'ai toujours son image en tête, je n'arrive à rien comme si elle m'avait lancé un sort.
Pendant 30 secondes ils n'ont rien dit ! Et soudain comme un chœur ils ont éclaté de rire et bonjour la moquerie..
- Voilà Pffff c'est à cause de ça je ne voulais rien vous dire la !
- (Didier en riant) regarde sa tête comment il parle de la fille gnin gnin gnin ange tchrrrrr tu es bête dèh ! Djaaaaaa toi aussi tu bandes
- ....
- On va lancer avis de recherche sur elle, vaurien là il peut même pas prendre numéro (Muss)

Je peux pas vous dire les moqueries que j'ai essuyées cette semaine de mes deux amis. Chaque fois qu'on dépassait une fille ils recommençaient, pire encore ils allaient voir des gens en leur demandant s'ils n'avaient pas vu une fille noire jolie comme un ange passer ici ? Parce que leur ami (moi) cherchait son amoureuse qu'il avait égarée. Au bout d'un moment moi-même ça me faisait rire et je crois que c'est ce qu'il me fallait vu que je pus très vite me reprendre en main et je refis mon retard pour redevenir l'élève que j'étais avant et petit à petit les images de N'Dèye s'éffaçaient de ma tête.

Les Épines De L'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant