Joyeuse Saint-Valentin!

La pâte à crêpes

Je n'ai plus besoin d'y croire, je le vois sous mes yeux. Tom est peint, ses yeux jaunes ressortent de la toile. Et il me sourit. Maman passe devant ma porte, j'ai l'impression qu'elle va mieux. Elle me sourit et me demande qui ai-je dessiné. Elle ne connait pas Tom, alors je mens.

- C'est le frère d'une amie, elle m'a demandé de lui faire un portrait pour lui offrir.

- C'est très bien fait, tu es déjà une grande artiste ma fille!

Elle me répond en remplaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille. J'aime énormément les journées où elle sourie, c'est un vrai bonheur de pouvoir tout oublier, même si je ne suis pas sûre que demain matin elle veuille se lever.

- Tu veux m'accompagner au centre commercial? On ira boire un petit chocolat chaud entre filles, et on louera un DVD!

- Génial! m'exclamai-je, je m'habille tout de suite!

La voiture démarra quand je fermais la portière, la journée s'annonçait très agréable. Le soleil perçait à travers les nuages et le vent était froid, mais sous la carcasse de la vieille Renaud de maman je ne craignais pas d'attraper un rhume. Elle s'arrêta devant un magasin de chaussures, je ne m'y attendais pas.

- Ça fait longtemps que ta mère ne t'a pas acheté de paire de bottes dis donc!

- Mais j'utilise celle de l'année dernière, elles sont presque comme neuves. Maman, toi, tu devrais t'acheter de nouvelles chaussures !

- Ne te moque pas de mes talons, ils sont plutôt bons marchés mais tiennent le coup.

Nous nous sommes regardées, puis nous avons fixé les chaussures de l'une et de l'autre. Le rire de ma mère a failli exploser le pare-brise, les gens autour nous regardaient comme si nous sortions de l'hôpital pour les fous, mais ce moment a duré presque une éternité, un temps précieux avec maman. Une fois nos nouvelles bottes achetées, on a décidé de faire les courses. Maman voulait manger des crêpes ce soir, yes!

C'est en observant les vitrines éclairées de cœurs, de rubans et d'étoiles que je me suis rappelée la journée que j'avais passé l'an dernier, jour pour jour. Le creux qui se formait dans ma poitrine me poussait à peindre, à chanter, à dessiner. Je tenais la main de maman quand une poupée derrière une vitre me fit un clin d'œil. Elle pouvait chanter et tenir un crayon, les autres enfants qui passaient devant la montraient du doigt. Quand les parents accéléraient, je me demandais toujours pourquoi ils ne laissaient pas quelques secondes supplémentaires à l'observation. Se souvenir des choses qui nous entourent était tellement important à mes yeux. C'est pourquoi j'ouvrais encore ma fenêtre en plein hiver pour admirer les feuilles gelées, tout en me demandant si la neige ne tombait pas dans certains pays, et lesquels. La poupée me réclamait, mais je ne tirais pas sur la manche de maman pour qu'elle s'arrête, elle allait joyeusement en direction du magasin de bonbons. Je m'entraînais à mémoriser les mouvements que faisait la poupée derrière la vitrine. J'entendais le murmure de sa chanson de là où j'étais, et j'ai eu l'intention à ce moment-là de lui répondre. Je me suis tue et j'ai suivi maman. J'avais bien agi.

En rentrant à la maison, maman se débrouilla pour faire une pâte à crêpes, mais elle n'avait pas l'air d'apprécié le résultat. Elle garda le sourire cependant.

- Je suis sûre qu'une fois reposée, les grumeaux auront disparus.

Si le repos pouvait faire disparaître les problèmes des gens, le monde serait plus heureux. Je pensais que maman avait beau se reposer, elle se réveillait souvent de mauvaise humeur. Le monde entier était une pâte à crêpes.

Je laissais maman dans la cuisine, avec ses grumeaux et ses problèmes pour monter dans ma chambre. L'air était frais au pied de l'escalier, et je me précipitai à l'étage. Il m'attendait peut-être? Il aurait pu passer par la fenêtre comme dans les films!

J'ouvris ma chambre en coup de vent, la porte claqua contre le mur, mais rien ne pouvait m'empêcher de me presser, j'attendais ce moment depuis le début de la journée. Il était là, face à mon lit. Tom me regardait avec son sourire qui semblait venir d'une autre planète. Un sourire qui nous fait penser qu'on est une petite fille importante.

- J'ai besoin de ton aide.