Joyeuse Saint-Valentin!

Un Tom de neige

J'entends les roulements du tambour de la machine à laver, je vois que des rayons du soleil traversent déjà les volets. Je ne les ferme jamais, non pas que j'ai peur du noir, mais que j'ai peur de me réveiller trop tard. C'est une habitude que j'ai prise quand maman était trop énervée ou fatiguée pour venir me réveiller le matin. Les oiseaux chantaient et je savais alors que c'était l'heure d'aller à l'école. L'école! Je file devant mon armoire et m'habille avec les vêtements de la veille. Mes manches sont tachées d'herbe à cause des roulades dans l'herbe que j'ai faites avec Tom. J'espère que je le croiserai à l'école, s'il habite dans le quartier il doit être à l'école Sainte-Amande comme moi.

Le bus scolaire est passé devant chez moi au moment où je sortais, et j'ai couru pour que le chauffeur me voit.

- Alors ma belle, on prends son temps pour lasser ses chaussures? Tu es dans un sacré état aujourd'hui!

George, le chauffeur, est le même depuis que je prends seule le bus, comme une grande. L'école est assez loin, mais ce trajet me permet de retrouver tous les enfants de mon quartier chaque matin. Je ne m'assois pas tout de suite, je cherche d'abord quelqu'un des yeux.

- Monsieur, vous n'auriez pas vu un petit garçon avec des yeux dorés monter dans votre bus ce matin?

- Qu'est-ce que tu vas m'inventer là? Des yeux jaunes? Jamais croisé pareil angelot, ma belle! Et puis, à ton âge, on ne s'intéresse pas aux garçons!

J'ai décidé de le bouder ce matin, George. Décidément, les grandes personnes ne comprennent rien du tout. Je voulais juste pouvoir parler à Tom... J'ai pris place à côté de Michaela, on a discuté de la nouvelle portée de chiots que sa chienne Lazzie venait d'avoir. Si seulement maman n'était pas contre les animaux de compagnie.

A l'école, j'ai deviné que je ne trouverai pas Tom, je cherchais un fantôme des yeux, mais ça, je ne m'en suis rendue compte que bien des années plus tard.

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Noël. En Irlande, l'hiver est nécessaire pour découvrir de magnifiques paysages, et passer un Noël sous la neige n'est pas donné à tout le monde, je l'ai appris dans des magazines. Certains n'ont pas cette chance de pouvoir se créer un monde magique avec de la neige. Cette année, je vais faire une énorme statut, un bonhomme de neige avec des yeux dorés, grâce aux vieilles perles de maman. Il me manque, je refuse d'en parler à quelqu'un, c'est une promesse, un secret que je ne veux pas partager, avec qui que ce soit. Maman déteste la fête de Noël, elle n'utilise pas les arguments habituels - "c'est une fête purement commerciale quand on ne se base pas sur la religion pour la fêter" - mais surtout le symbole que représente cette journée. Je suis née un 24 décembre, j'ai peur d'avoir fait vivre une soirée de réveillon un peu difficile à maman, surtout que mon père n'était pas encore remis de la mort de Grand-mère et qu'il a refusé d'assister à ma naissance. Je passe donc la journée chez moi, on ne voit plus la famille qu'en été durant les réunions des Carroll. J'ai cuisiné du poulet spécialement pour maman et on a été acheté des bonbons et du chocolat. L'année dernière, on avait mangé des chamallows devant la télé, et on répondait au téléphone quand un oncle ou une tante appelait pour nous souhaiter un joyeux réveillon. Puis on allait se coucher et je trouvais en général le lendemain matin une botte avec deux cadeaux, un cadeau d'anniversaire et un cadeau de Noël. Je préfère me coucher dans le lit de maman depuis que mon père est parti. Je n'aime pas entendre ses sanglots, mais je ne peux pas dormir seule, ni la laisser dormir seule. Je ne sais pas qui m'empêchera d'enfermer mon père dans une cave loin d'ici quand j'aurai assez de force.

J'ouvre la botte, c'est un assortiment de pinceau et un bracelet violet cette fois-ci. Je me glisse dans les bras de maman pour lui coller un bisou sur la joue, elle pousse un grognement, et je la laisse pour me prêter à mon activité de sculpteure de neige. Tom, où es-tu aujourd'hui? Tu es rentré dans ton pays où il ne neige pas?