Le fantôme de mon imagination

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Il avait grandi depuis l'an dernier, il avait les joues plus rondes, comme un petit bonhomme de neige. J'ai pensé à la toile sur ma commode, celle où les mêmes yeux jaunes me fixaient. Chaque jour j'ai attendu pour que ma peinture devienne le portrait d'une personne réelle, et non du songe d'une petite fille.

- Jasmine, joyeuse Saint-Valentin! Je t'ai apporté un petit cadeau.

Non. Dans sa main il cachait la poupée du magasin et elle se mit à chanter le début de ce qui était un fredonnement quelques heures plus tôt. Je suis tellement surprise que je n'ai pas le réflexe de la prendre quand il me la tends. Son sourire se reflète dans ses yeux, comme un petit garçon fier de son cadeau.

- Comment tu sais que j'aurai voulu cette poupée? D'ailleurs, je ne t'ai pas vu depuis l'an dernier, où étais-tu?

Son sourire disparaît, il va me dire que je n'ai pas besoin de le savoir. Je le sais car mon père rentrait souvent tard le soir et refusait de dire à maman où il avait passé la soirée. Je m'inquiétais alors pour l'état dans lequel serait maman le lendemain, je devais absolument garder maman dans le bonheur.

Elle va bien en ce moment, j'ai envie de passer un maximum de temps pendant qu'elle est dans cet état et pourtant j'ai attendu Tom toute la journée, et égoïstement, je m'attendais à me retrouver enfin seule pour le retrouver et partir jouer. Cette poupée qu'il m'offrait était la preuve que je ne m'occupais pas de maman, elle était seule en bas, et je lui cachais qu'il y avait un garçon à l'étage. Je suis sûre que si elle entrait dans ma chambre à cet instant, elle se fâcherait très fort, qu'elle ne me parlerait plus. La soirée crêpe était dangereusement menacé.

- Tu ne dois pas parler à ta mère de moi. C'est une adulte, elle ne saura pas voir le bien que je peux t'apporter. Ta mère va mieux c'est le plus important. Je te dirais un jour où j'étais, je te le promets, mais maintenant je ne suis pas autorisé à tout te dire. Jasmine, imagine que ta mère ne veuille pas que je te vois... elle ne m'empêchera pas de te voir! Je viendrais à toutes les Saint-Valentin si tu l'acceptes. Je t'ai promis de te protéger, tu te souviens?

Je souris au souvenir de cette journée. Il avait beau faire froid, rencontrer Tom avait fait entrer le Soleil chez moi. Je me rappelle qu'après le passage de mon père, tout avait changé à la maison, maman se levait un peu plus tôt chaque jour, et l'école me paraissait plus intéressante. J'avais vite compris que Tom n'était pas à l'école primaire. Il était face à moi, je devais en profiter pour le remercier sinon tout ce temps à l'attendre aurait été gâché. Je lui pris la poupée des mains, et je la fis asseoir sur l'étagère.

- Maman ne saura rien. Je te le promets.

- Génial, vous faîtes une soirée crêpe? Je peux m'inviter à votre dîner?

Il avait demandé si naturellement que j'étais prête à courir en bas pour prévenir maman, mais ce n'était pas possible. Comment comptait-il passer dans la cuisine ou dans le salon sans qu'elle le voie? Sous les tables? A travers les murs comme Casper?

- Tant que tu ne dis rien à ta mère, elle ne se rendra compte de rien!

Bien sûr, j'avais huit ans. C'était un jeu d'enfant de se cacher, alors j'ai pris Tom par la main, nous sommes descendus et maman m'a appelé. Tom m'a regardé en bas de l'escalier, il a mis son doigt devant sa bouche pour me faire promettre de ne rien dire. Je suis entrée dans le salon où maman était agenouillé devant le meuble télé, des dizaines de pochettes de DVD autour d'elle. Tom se glissa derrière moi, et j'ai bien cru que maman le remarquerait mais elle se leva, en me fixant d'un air étrange:

- Tu as ouvert la fenêtre de ta chambre ? Il me semble avoir senti un courant d'air.

- Je n'ai pas le droit d'ouvrir les fenêtres, maman, alors je ne le fais pas.

Tom était toujours derrière moi, elle ne l'avait pas vu. Et moi, j'ai gardé le secret. Même quand Tom piquait des crêpes dans l'assiette pendant le repas, maman ne l'a pas découvert. Tom était assis à côté de moi pendant le film - on a regardé Monstres & Cie ! - et il pinçait maman pour me faire rire. Elle m'a demandé d'arrêter, et je rigolais avec mon ami. Comme Tom l'avait dit, elle ne s'est rendu compte de rien. J'ai compris à ce moment-là que Tom avait le pouvoir des fantômes, et que c'était l'ami le plus drôle que j'avais.


Joyeuse Saint-Valentin!Where stories live. Discover now