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La petite fille est partie. Aubrey est maintenant seule avec ses pensées, à moitié allongée sur le banc. Elle lit et relit le mot de T, sans aucune lassitude. Elle essaie de décrypter son écriture. Serait-ce plutôt celle d'un homme ? D'une femme ? D'un adolescent, ou même d'un vieillard ? Les visages défilent sous ses yeux. T pourrait être roux, blonde, brune, châtain, avoir une chevelue noire, rose, bleue, être sans cheveux même, les possibilités sont infinies et c'est une chose qui plaît à Aubrey.

Elle imagine les différentes silhouettes qu'il ou elle pourrait avoir, si sa voix se trouve être plutôt aiguë ou rauque, si sa personnalité se rapproche de la sienne ou non. Peut-être qu'elle aimerait que ce soit un garçon. Ou peut-être pas, car si elle se mettait à l'apprécier, il finirait sûrement par la dégoûter, comme tous les autres.

Aubrey glisse sa main dans le trou de son pull à capuche et en ressort un stylo quatre couleurs, celui qu'elle avait pris avant de partir ce matin. Elle dépose ensuite le papier froissé sur sa cuisse et commence à écrire.

Une bouffée de chaleur l'assaille, et alors qu'elle n'a inscrit que la lettre J, elle pose son stylo et prend le temps de reprendre sa respiration. Aubrey aimerait tout écrire sur ce papier, ses angoisses et la réalité de sa vie. Elle ressent le besoin de se confier à T. Mais il y a tellement à dire et si peu de place...

Elle se laisse une minute de réflexion supplémentaire puis couche les lettres sur le papier. En se relisant, Aubrey les juge bien moins subtiles que ce qu'elle pensait et songe un instant à tout barrer.

"Mange.

-T."

"Pourquoi ?"

"La question n'est pas pourquoi, mais pour qui.

-T."

"Dans ce cas-là, pour qui ?"

"Pour ceux que tu aimes. Et crois-moi, j'en fais partie.

-T."

"C'est un cadeau, juste derrière le banc. Je sais que tu en as besoin en ce moment. -T."

"Je ne sais pas qui tu es mais j'aimerais en savoir plus. Et il est encore trop tôt pour la pomme, je pense que tu sais que le problème ne vient pas de moi."

Finalement, elle ne le fait pas, colle le message sous le banc et en dépit de sa souffrance, repart, l'air de rien. Aubrey réalise qu'elle n'a pas pris sa pomme et après quelques hésitations, fait demi-tour pour la récupérer.   

AubreyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant