Chapitre 3.

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Où Sacha est captivé par la flûte de Pan.

Peter Pan. Les Garçons Perdus. La Guigne. Bon Zigue. Je fais seulement le rapprochement maintenant. Pourtant, Peter Pan est mon dessin animé préféré. Mais j'ai sûrement plusieurs grammes dans le sang, alors j'ai une excuse. Je fronce les sourcils. Ils ont tous l'air parfaitement sérieux, et me jaugent du regard. J'ai la très nette impression qu'ils attendent ma réaction, que c'est une sorte de test. Surtout Eden. Il a les bras croisés et me regarde d'un air impatient, un sourcil relevé. Je n'avais jusqu'alors jamais remarqué à quel point il pouvait avoir l'air intimidant, puisqu'il restait assit sur sa chaise sans parler à longueur de journée, au lycée. Je réfléchis le plus rapidement possible. Je sens que rire n'est pas la bonne solution. Je décide de ne pas me prendre la tête et de rentrer dans leur jeu étrange. Pour ce soir. Et parce que je tiens à rentrer chez moi vivant.

« - La Plume, pour vous servir, je réponds avec un petit sourire. »

Aussitôt, des sourires s'affichent sur les lèvres de ( presque ) tout le monde. La Guigne semble se retenir de sauter partout, et les jumeaux viennent me taper amicalement le dos en me souhaitant la bienvenue parmi eux. Une nouvelle fois, Eden reste stoïque et Aaron ne semble pas content du tout. Jumeau 1 ( ou peut-être 2 ) m'entraîne vers un rondin de bois et me fait asseoir dessus. Aussitôt, La Guigne vient s'asseoir à côté de moi, et tout le monde s'installe sur les places restantes. Jaymi, ou Le Frisé, je ne sais pas comment je dois l'appeler, sort des marshmallows. Jumeau 2 ( ou peut-être 1... merde, quoi ) s'empresse de les planter au bout d'un bâton dans l'intention de les faire griller. Je croise le regard d'Eden, qui me fixe comme s'il lisait à l'intérieur de moi. Gêné, je me tortille sur mon siège de fortune et observe Jumeau 2 préparer les friandises. La Guigne vole à ma rescousse sans le savoir en m'adressant la parole et en me donnant une bonne raison de détourner le regard.

« - Hey, La Plume, c'est quoi ton rêve ? »

Ok, finalement, il me prend plus au dépourvu qu'autre chose.

« - Mon rêve ?

- Ouais, ton rêve. Tu sais, le truc pour lequel tu te battras jusqu'à ce que tu l'obtiennes.

- Oh, bah, tu sais, j'en ai pas tellement..., je vois à son regard que ce n'est pas la bonne réponse. Je finis par trouver un truc, tout en restant dans le « thème ». Je voudrais qu'il n'y ait plus un seul enfant malheureux au monde. Je voudrais qu'ils aient tous tout ce dont ils ont besoin. Je pense que créer des refuges pour enfants en difficulté peut être bien. »

Je réalise que je pense ce que je dis. Je n'y avais jamais pensé avant, mais si je devais décrire mon rêve, ce serait réellement celui-ci, ou un truc dans le genre. Le petit brun semble satisfait de ma réponse, et il se retourne vers Jumeau 2 qui a finit les premiers bonbons. J'en prends un sans hésiter, et l'enfourne tout entier dans ma bouche quand soudain, Ô ! Orgasme gustatif ! Les marshmallows grillés au feu sont définitivement la meilleure chose au monde.

On est resté un long moment ainsi, à manger des marshmallows tous meilleurs les uns que les autres, à discuter de nos rêves, à tenter de refaire le monde. Je me suis senti, petit à petit, me lier à ces garçons étranges et qui semblaient avoir le cœur gros comme l'univers. Je me suis senti à ma place, j'avais l'impression de les connaître depuis une éternité. Et j'ai adoré ça, cette sensation d'appartenir à un groupe. Je me suis senti devenir La Plume un peu plus à chaque instant.

Puis, Aaron interrompt toutes les conversations et se tourne vers Eden, un sourire sur les lèvres. Ce dernier a un truc qui me dérange. Il paraît tellement peu sincère. Sa voix paraît elle aussi empreinte d'une fausse douceur, lorsqu'il demande au blond de jouer un morceau à la flûte. Tout le groupe approuve l'idée, et je ne peux m'empêcher de me sentir tout excité, moi aussi. Le concerné plisse des yeux en fixant Aaron, comme si cette fois, c'était lui qu'il tentait de sonder. Semblant peu satisfait de son analyse, il se résout cependant à sortir sa flûte de son sac. C'est un instrument magnifique, tout en bois clair et dont les tuyaux sont tenus par une bande de métal recouverte de motifs aztèques. Aussitôt, je ne peux plus la lâcher du regard. Et à peine a t-il soufflé les premières notes que je me sens transporté.

Tout le monde se tait. On n'entend plus que le crépitement du feu qui meurt lentement, le vent qui siffle dans les branches et lui. Lui, lui, lui. Lui et sa flûte. Lui et son morceau. Lui et ses yeux gris souris qui me transpercent de part en part. Je suis hypnotisé. Oui, hypnotisé, c'est le mot. Chaque note résonne dans ma tête, me donne envie de fermer les yeux et de me laisser tomber dans le gouffre sans fond de la mélodie qu'il semble connaître par cœur. Puis l'air qui jusque là était lent et envoûtant devient soudainement entraînant et prend des airs celtiques qui donnent terriblement envie de danser. Et visiblement, je ne suis pas le seul à le penser puisqu'en quelques secondes, je me retrouve accroché au bras de Dieu seul sait lequel des garçons à tourner autour du feu, dansant de façon désordonnée et totalement improvisée. Ils poussent tous des petits cris à l'indienne et rapidement, je me surprend à me lâcher à mon tour, profitant simplement de l'instant sans me poser de questions. Je ris, je crie, je danse, je chante. Je suis jeune, con et heureux.

Je n'ai pas la moindre idée de l'heure qu'il est. On vient seulement de s'arrêter de danser et là, on est tous allongés en vrac près des restes du feu. Notre petit relâchement a peut-être duré 5, 10, 30 minutes, ou peut-être bien 2, 3 heures. J'ai perdu toute notion du temps. Je vois juste que l'aube commence à pointer le bout de son nez. Tout le monde est fatigué, seul Eden qui est toujours debout semble dans le même état que d'habitude : neutre, imperturbable, prêt à gravir des montagnes. Fatigué, probablement encore bourré, je me relève difficilement et m'approche de lui avant de lancer d'une voix pâteuse.

« - Mec, est-ce que ça t'arrive de changer, parfois ? De ne pas être le même à longueur de temps ? De présenter des signes de faiblesse ou de fatigue ou de joie ou de...

- Sacha, tu ne dois parler de ce que t'as vu à personne, m'interrompt t-il froidement en m'attrapant par le col. »

Je prends un air boudeur en tentant de repousser sa main. De quel droit il me coupe la parole, lui ?

« - Pourquoi ? Vous avez peur que la facture de marshmallows revienne à trop cher si d'autres gens veulent vous rejoindre ?, je ris de ma propre connerie. Il continue de me fixer sans montrer le moindre signe d'amusement.

- C'est la règle n°1. On ne parle de ce qui se passe ici à personne.

- Bien, chef, marmonnais-je. »

Il me relâche et commence à s'éloigner. Aussitôt, je le rattrape par le bras et le tourne vers moi. Ma tête tourne.

« - Hey, Eden, vous êtes pas les vrais garçons perdus, hein ? Vous vous assignez juste un personnage. Vous êtes qu'une bande de potes, en vrai. Tu peux pas voler et Clochette va pas me déposer dans mon lit où Wendy viendra me border. »

Il se rapproche de moi, et se tient à quelques centimètres à peine de mon corps. Il fait quasiment ma taille, peut-être un peu plus petit, mais je sens tout de même son souffle chaud sur mon visage. Sur mes lèvres.

« - Ce que tu peux être idiot, Hopkins. »

Et il a accompagné sa phrase d'un sourire.

lost boys [bxb]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant