Un seau d'eau glacé en plein visage la réveilla. Frissonnante, Costia cracha un peu d'eau, puis secoua la tête en clignant furieusement des yeux. Le visage couvert de gouttes qui gelaient presque tant il faisait froid, elle releva la tête. Elle était à genoux au milieu d'un camp, entre deux piquets. Ses poignets étaient attachés et les cordes s'enroulaient autour des piquets. Elles lui sciaient les poignets, et Costia grimaça lorsqu'elle tira dessus et se brûla un peu plus. Elle fit abstraction de la douleur pour tirer un peu plus fort, testant le fil. Des bruits de pas attirèrent son attention, et elle tourna vivement la tête pour scruter d'un œil furieux les nouveaux arrivants. Une femme d'âge mûr, que son maintien et la déférence que lui témoignaient les soldats indiquaient à Costia qu'elle était Nia, la Reine de la Nation des Glaces, s'approchait. Un homme, petit et nerveux, aux longs cheveux bruns nattés et aux yeux bleu nuit, l'accompagnait, ainsi que deux autres hommes, visiblement les gardes du corps de la reine. Le groupe s'approcha de la prisonnière, qui leur jeta un regard de défi, et les apostropha alors qu'ils s'arrêtaient à quelques pas d'elle : « Vous vous torchez le cul avec notre traité de paix, c'est ça ? Si Lexa apprend que vous n'en avez jamais rien eu à faire et qu'en plus vous m'avez capturée, elle vous tuera. Croyez-moi. Et si je me libère, c'est moi qui vous tuerez, bande de traîtres. » Elle cracha au pied de la femme. Son insolence la perdra, mais dans la position dans laquelle elle était, c'était la seule chose qui lui restait. Avec aussi l'espoir qu'Anya retourne assez vite auprès de Lexa pour que cette dernière Lexa vienne la chercher avant qu'un incident diplomatique ne survienne.
Un signe de tête de la femme l'alerta qu'elle avait loupé un élément. Derrière elle, un fouet claqua, et elle hurla de douleur et de surprise en se cabrant. Ah oui, effectivement. Pour se prendre un seau d'eau, il faut d'abord que quelqu'un lui lance le seau. Et ce quelqu'un était actuellement derrière elle, à faire claquer un fouet sur son dos. Le premier coup passé, Costia s'emmura dans un silence accusateur, serrant les dents pour ne pas gémir. Tête baissée, les yeux fermés, elle lâcha une expiration tremblante quand la torture cessa. Deux doigts saisirent son menton et le relevèrent, l'obligeant à fixer son regard dans les prunelles bleu nuit du petit homme. Ce dernier lui tomba d'une voix grave : « Dis-nous comment faire pour que ta Commandante cède à toutes nos exigences.
-Allez vous faire voir. » répliqua Costia, haineuse, avant de lui cracher dans l'œil. Et la torture recommença. Elle finit par s'évanouir, avant d'être ranimée, qu'on ne lui pose la même question, qu'elle donne la même réponse et qu'on ne recommence, encore et encore, selon un schéma répété pendant plusieurs heures. Ils ne lui donnèrent ni à manger, ni à boire, alors elle avala les gouttes d'eau qui perlaient sur son visage. Ils la laissèrent attachée pendant toute la nuit, la laissant presque geler sur place – le feu brûlant à quelques mètres d'elle ne la réchauffait pas beaucoup. Il se mit à pleuvoir, et elle but l'eau qui tombait du ciel, avidement. Au matin, elle était recouverte d'une fine pellicule de givre, et ne bougeait plus. Affaiblie, elle ne réagit pas lorsqu'ils tentèrent de la réveiller avec un nouveau seau d'eau froide. Alors ils essayèrent avec un seau d'eau brûlant, et là, elle bougea, s'agitant soudainement dans l'espoir d'échapper à cette flamme qui ravageait tout son corps. Elle avait l'impression de brûler et de geler dans le même temps, et elle se débattit dans ses liens. Ils recommencèrent la question, la torture, toute la journée. Elle ne leur dit rien, alors ils passèrent à autre chose. Au lieu de la fouetter, ils la brûlèrent. Ils lui appliquèrent un fer brûlant, chauffé à blanc, sur la peau, et elle hurla, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle en perde totalement la voix. Elle voyait son sang couler le long de son dos et sur ses flancs, qui rougissait la neige autour de ses genoux, et elle priait pour qu'ils ne touchent pas son ventre, son si précieux ventre. Et elle priait pour qu'ils ne la tuent pas, pas avant qu'elle n'ait pu donner la vie, pas avant qu'elle n'ait pu revoir Lexa, pas avant qu'elle n'ait pu lui dire au revoir. Elle acceptait de mourir. Mais elle voulait au moins accomplir ces choses-là avant de partir.
Illusion irréelle, désillusion réelle. Le lendemain matin, ils la réveillèrent à nouveau. Cette fois-ci, ils s'en prirent à son ventre. Lorsqu'elle vit le tison s'approcher de son enfant, elle hurla et se débattit tant et si bien qu'un fleuve de sang descendit le long de ses bras, venant de ses poignets sciés par les cordes. Les deux gardes du corps furent obligés de la maintenir. Quand son ventre flamba sous la souffrance, ce fut très différent de lorsqu'il flambait de désir pour Lexa. Elle hurla. Elle hurla au ciel sa rage et sa honte, sa peine et sa haine. Quand ils la lâchèrent, elle se replia sur elle-même, secouée de sanglots irrépressibles. Renfermée, elle refusa d'écouter ce qu'ils disaient, mais elle ne put s'empêcher d'entendre clairement Nia ordonner : « Mettez le couteau à chauffer. » Le petit homme aux yeux bleus s'agenouilla à côté du feu et posa la lame d'un couteau à l'intérieur.
Il se releva, et prit le couteau chauffé à blanc. Il ne le tendit pas au bourreau, préférant s'agenouiller à nouveau aux côtés de la prisonnière. Cette dernière lui lança le regard le plus haineux au monde, avant qu'il ne lui plante brusquement le couteau dans le ventre. Elle se raidit, se sentant brûler de l'intérieur, et retint le cri qui voulait jaillir de ses lèvres. La blessure n'était mortelle qu'à long terme. Mais après ça, elle n'aurait plus jamais d'enfants. Et celui qu'elle portait était perdu. Elle se remit à pleurer, sans se cacher, leur montrant l'étendue de son désespoir sans en avoir quelque chose à faire. Interloquée, Nia demanda : « Mais qu'est-ce qu'elle a ? Ça fait deux fois qu'elle se met à chialer comme un gosse...
-J'étais enceinte ! hurla Costia, J'attendais un enfant ! J'attendais un enfant, et vous l'avez tué, bande de... » Elle ne trouvait même pas de mots assez forts pour les décrire. Elle se remit à déverser toutes les larmes de son corps.
Brusquement, soudainement, le couteau se planta dans sa poitrine. Plus précisément, dans son cœur. Un « Non ! » horrifié parvint à ses oreilles, et elle crut que c'était Lexa. Lexa, qui arrivait trop tard, et ne parvenait pas à la sauver. Elle songea à la douleur qu'elle allait ressentir, à la colère qu'elle allait éprouver. Elle songea qu'elle aurait le cœur brisé. Deux dernières larmes perlant de ses yeux, Costia murmura en Trigedasleng : « Commandant de mon cœur... » Puis son menton heurta sa poitrine. Ses yeux grand ouverts sur le vide ne furent pas fermés par une main compatissante. Ses lèvres entrouvertes sur un ruisselet de sang ne reçurent pas de baiser d'adieu. Pas d'eux. La seule personne qui pouvait faire ça était loin, si loin...