La rencontre

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Les lumières de la ville. Signe de vie.
Et qui dit vie, dit mort.

Je trainais tranquillement dans les rues et boulevards. Pendant assez longtemps en tout cas pour commencer à me sentir fatiguée.

Au bout d'un moment, je tombais nez à nez avec un jeune garçon. Un voleur apparemment.

Je pouvais toujours entendre les cris du marchand au loin. Ayant semé son poursuivant, il prit refuge dans cette rue dans l'espoir de passer par une de ces ruelles abandonnée.

Ce dernier tentait désespérément d'avoir un rythme régulier. La respiration haletante, le regard furtif, il finit par s'éclipser.

Je crois que c'est à mon tour de jouer !

Je me faufilai jusqu'à sa cachette, le sourire aux lèvres. Mais ce sourire disparut lorsque je fus face à lui.

Je devais le tuer, mais j'en avais perdu toute envie. Comme si quelque chose m'en empêchait.

Ses petits yeux bleus me fixaient, terrifiés. Tel un agneau traqué et pris au piège par le grand méchant loup.

Sans réfléchir une seconde de plus, je l'entraînais avec moi. En d'autres termes, mon plan tombe à l'eau. J'avais juste... Failli à ma mission.

J'avais décidé de l'aider, contrairement à mes habitudes. On arpenta les rues, les unes après les autres. Mon refuge apparut finalement face à nous.

Il s'agissait d'une vieille usine abandonnée.

On s'y introduisit par une des fenêtres brisées. Je lui présentais les lieux de manière à ce qu'il se familiarise avec l'endroit.

Je crois que ce jour me marquera pour toujours. Le jour où j'ai partagé mon abri avec un inconnu. Une sorte d'ami disons ?

Je n'y croyais pas vraiment.

De toute façon, je n'ai pas confiance en lui. Il a l'air tout faible, fragile et si dépendant. Le profil parfait du traître hypocrite.

C'est ainsi que j'imposais une condition. Facile à deviner n'est-ce pas ?

Il ne devait me suivre en aucun cas, peu importe où je vais. Cela ne le regardait pas, ce que je faisais à l'extérieur.

Autrement, il devra en payer les conséquences. Et ça coûte assez cher le fait de découvrir un secret fatal. À ce niveau, je crois qu'on peut mettre sa vie en jeu.

Pour faire simple, s'il le découvre, il meurt. Point final. Je n'ai pas besoin de complications supplémentaires. Merci bien !

-" Je suis Neass et toi ?"

Il n'obtint pas de réponse et je crois l'avoir vu trembler.

De peur ou de froid qui sait ?

--

Les jours passèrent, nos vies changeaient petit à petit. On apprit à travailler en équipe pour assurer notre survie dans notre abri.

En ce qui concerne l'alimentation, on en était tous deux responsables. Comme ça au moins, on mangeait à notre faim.

Moi, je revenais chaque soir avec quelques provisions récupérées par-ci et par-là.

Remercions infiniment ces gentilles personnes qui se laissaient se faire tuer et me prêtaient l'argent dont il n'auront plus besoin dans l'au-delà.

Neass de son côté s'améliorait pas à pas. Le vol à l'étalage, ça devenait son fort !

Grâce à nos efforts, on mangeait à notre faim, à l'abri sous un toit. Presque au chaud !

Les provisions s'accumulaient de jour en jour, on pouvait survivre tout un mois avec toute cette nourriture. Sauf que, un mois sans bouger, c'est dangereux vu mes activités. Il fallait impérativement changer d'abri et effacer nos traces. Toutes ces réserves ne nous servaient pas à grand chose si ce n'est un poids en plus.

On ne pouvait sûrement pas tout emporter. Ni laisser quoi que ce soit. Il fallait s'en débarrasser.

Neass, comme bon connaisseur des points de rapatriement des SDF, m'indiqua quelques lieux où déposer toute ces provision. Cela ne me dérangeait pas vraiment, tant que je me débarrassais de pistes.

Ceci fait, il ne nous restait plus qu'à nous chercher une nouvelle base. Et grâce à Neass, on allait s'en trouver une illico presto ! Remarque l'ironie.

Il est toujours à la traine, ne fait rien correctement. Il est tout simplement mou. Il essayait tout de même. Essayait. Cela ne change pas grand chose au fait qu'il reste un lourd poids sur mes frêles épaules.

Pourtant je ne pouvais pas lui en vouloir, il n'est pas habitué à tout cela. C'est tout nouveau pour lui. Et malgré cela, il fait de son mieux pour s'adapter à mon rythme. Pour subvenir à nos besoins primaires respectifs, notamment en ce qui concerne la nourriture. Pour ne pas briser notre accord, notre contrat. Je ne pouvais pas m'énerver, juste comme ça et balayer d'un geste tout ces efforts.

Et grâce à je ne sais quel miracle, on avait réussi. On avait quitté la ville et on pouvait survivre sans trop s'inquiéter à propos du lendemain. On était assez loin pour être pistés.

Dire que j'avais toujours tout fait toute seule, survécu à l'aide de mes forces sans compter sur qui que ce soit. Si ce n'est la chance de temps à autres.. Comment pourrais-je supporter un être humain de sexe opposé dont je ne connais rien si ce n'est le nom. Je ne dis pas que si c'était une fille cela aurait été plus facile. Loin de là.

Il va juste falloir faire avec..

Un lourd poids qui va sûrement m'écraser avec le temps. Et mener à ma perte...

--

La nuit nous enveloppait de son obscurité et son silence. La lueur des lampes allait peut-être nous mener vers un nouveau chemin, une nouvelle voie à suivre. Qui sait ?

Un abri. On avait besoin d'un abri. La fatigue l'emportait sur notre conscience. Il fallait qu'on se repose, d'urgence. Neass était à deux doigts de s'écrouler.

On passa tout près d'un pont et on s'y réfugia.

Dès que sa tête entra en contact avec le ciment qui constituait sa structure, le jeune garçon s'endormit, se perdit dans le monde des rêves.

Je le regardais dormir un moment. Ses traits détendus adoucissaient son visage couvert de crasse accumulée durant le voyage. Un visage si innocent. Ses cheveux noirs ébouriffés ne faisaient qu'accentuer cet aspect de lui.

Ses yeux.. Ces moments où je l'avais confronté, ses yeux pétillaient. D'espoir, de vie...

C'est tout à fait mon total opposé. Je ne devrais pas l'entraîner dans tout cela. Surtout pas..

Tant qu'il ne le sait pas, je crois que ça passe.

Je ne le souille pas.. Il est toujours innocent, tout comme il en a l'air maintenant. Il le...

Sera pour toujours.

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Deux corps embrassés sous un pont. La lune veillait sur eux. Les protéger ? Les trahir ?

On verra bien ce qu'il en adviendra.

Journal d'une psychopatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant