Chambre 206

Partie 6

Partie 6 :

Youngjae leva les yeux au ciel, perdu dans ses pensées, comme il commençait à en prendre l'habitude. Il s'activait à ranger les magazines exposés à la réception, et ses moindres gestes lui paraissaient monotones, lourds, dépourvus de toute conviction. Son travail lui semblait plus difficile qu'il ne l'avait jamais été. Les clients se révélaient plus arrogants qu'à l'accoutumée, les heures se manifestaient plus lentement que jamais, et ses pensées ne parvenaient à se reposer ne serait-ce qu'une seule seconde. Il n'avait plus goût à rien, et ce fait déteignait sur la qualité de son service. Cependant, il devait veiller à conserver sa place au sein du personnel, surtout qu'à présent, il n'avait plus personne pour le défendre. Il devait soutenir un comportement poli et droit pour éviter de risquer son poste. Que ferait-il s'il se retrouvait à la rue ? Alors qu'il songeait furieusement, il tomba sur un magazine exposant des clichés de la séance photo à laquelle il avait participée. A sa plus grande surprise, quelques images dont il était model avaient été révélées. Les internautes ajoutaient qu'il ne connaissait son identité, mais qu'il avait un avenir certain dans ce domaine. Le brun leva les sourcils, surpris que ces photos aient eu du succès, aussi minime soit-il. Il tourna la page, et son corps se crispa tout entier lorsqu'il vit une photo de son magnifique Daehyun. Ce visage angélique, ces lèvres pulpeuses, et ce regard intense qui l'avait fait craquer dès la première fois... Cela faisait déjà trois semaines. Trois semaines que son unique amour était parti, trois semaines que son cœur peinait à se reconstruire, trois semaines qu'il ne trouvait plus de clarté à sa vie. Que faisait-il en ce moment ? Où était-il ? Pensait-il à lui ? A eux ? Youngjae avait tant pleuré les jours qui avaient suivis le départ du mannequin. Il ne comprenait pas pourquoi cette séparation le déchirait à ce point, mais le jeune homme n'avait ni famille ni ami, et Daehyun avait été son unique et éternel coup de cœur. Il ne pouvait l'oublier si facilement, cela lui était tout bonnement impossible. Il découpa la photo, et la rangea dans sa poche, sans vraiment comprendre ses propres agissements. Il caressa le pendentif accroché à sa chaîne, et qui d'après le mannequin veillait sur lui. Une larme roula. Sa blessure n'avait guère cicatrisée, elle était toujours vive et douloureuse. Le brun ne parvenait à l'oublier, il hantait chacune de ses pensées, il résidait dans chacun de ses mouvements, chacune de ses paroles. Le monde entier semblait tourner autour de Daehyun, et le jeune employé croyait défaillir dès qu'il entendait son prénom. Il se remémorait sans cesse ses souvenirs avec le jeune homme. Ils avaient partagé beaucoup de choses, mais pas assez. Comment une personne pouvait apparaître si brusquement dans sa vie, et changer sa vision des choses ? Le transformer ? Le rendre meilleur ? Il voulait tant le sentir contre lui, humer son parfum, se coller à son corps, entendre sa voix... Le manque avait créé un vide dans son existence, un vide permanent qui ne pouvait être comblé, et qui semblait devoir persister éternellement. Il soupira. Cette situation l'agaçait, il voulait tourner la page, mais il n'y parvenait pas. Les images de l'aéroport lui revenaient constamment en tête. Leur premier baiser... Ce contact avait été si doux, si passionné, si espéré... Youngjae n'aurait jamais cru avoir le privilège de goûter aux lèvres du mannequin. Mais ils s'étaient embrassés, avec amour et fougue. Cet échange avait été si inattendu, que représentait-il aux yeux de Daehyun ? Quel était le message derrière ce geste ? Youngjae n'en savait rien, mais il voulait juste se reposer un peu.

Cependant, son service ne le lui permettait pas, et on lui annonça qu'il était chargé de préparer le bain d'un client. Il s'exécuta lentement, son habituel enthousiasme s'étant totalement dissipé. Il fit couler l'eau chaude dans l'immense baignoire de la chambre 210, versa le savon moussant, alluma quelques bougies parfumées, et installa de nouvelles serviettes propres. Lorsqu'il s'apprêta à sortir, le résident de la suite était déjà arrivé, et sa voix était étrangement familière.