|| Prologue || Tempête

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Ce vendredi avait commencé comme une journée ordinaire. Mais quand j'y repensais, c'était tout sauf une journée normale. Ce jour là, j'avais découvert la terrible vérité. La face cachée de ma meilleure amie, Lauren. Son plus grand, son plus inavouable secret. A présent, j'en étais la gardienne. Enfin bon, passons. Il est tant que je vous raconte le pourquoi du comment.

Nous étions tranquillement en cours d'histoire, quand le CPE a débarqué. Il avait l'air très choqué, et il a demandé à Lauren de bien vouloir le suivre... Avec son sac et son manteau. Avec son calme habituel, Lauren a rapidement rassemblé ses affaires, avant de suivre le CPE, sans même un regard pour moi.    J'ai froncé les sourcils, intriguée. Que lui voulait-il ? Lauren était sûrement la personne la plus douce et sage que je connaisse. Elle n'avait jamais d'ennuis avec personne, ne se disputait jamais, ne s'énervait jamais... Et n'avait eu aucun mot dans son carnet en trois années de collège. Alors que moi, rien que ce mois-ci, je culminais déjà à trois mots. Lauren était un peut être un robot, finalement. Non mais c'est vrai ! 18/20 de moyenne générale, aucun mot, jamais en colère, jamais triste, jamais vraiment heureuse, vous connaissez beaucoup de gens comme ça ? Mais qu'importaient ses différences. Elle restait ma meilleure amie. Même si souvent, je ne la comprenais pas.
" Juliette ! tonna le prof d'histoire, Arrête de rêvasser. Rappelle-moi plutôt ce qui s'est passé le 14 juillet 1789.
- La prise de la Bastille par les Sans-Culottes parisiens, répondis-je du tac au tac.
- Eh bien... dit-il, surpris, Il semblerait que l'histoire soit à la portée de tout le monde, finalement.
- Merci, mais je suis pas complètement stupide non plus ! J'ai un minimum de culture générale, quand même. grognais-je.
- Ton carnet ! Tout de suite ! rugit-il.
Finalement, je m'étais trompée. Je ne culminais pas à trois mots, ce mois-ci, mais quatre.

Lauren n'était pas venue en maths. Ni en anglais. Inquiète, je passais chez le CPE. Je tombais sur Josiane, la pionne la plus sèche et psychorigide de toute l'histoire du collège Victor Hugo. Tellement psychorigide qu'il fallait l'appeler madame et la vouvoyer.
" Bonjour, je voudrais savoir si Lauren Hale est...
- Elle est partie il y a deux heures, me coupa-t-elle.
- Que se passe-t-il ? demandais-je.
- Ca ne te regarde pas, jeune fille. Allez, du vent, maintenant ! J'ai du travail. "
Non mais j'y crois pas ! Elle m'avait mise à la porte !
Finalement, je décidais de rentrer chez moi. Je laissais au moins une dizaine de messages vocaux à Lauren, et c'était sans compter les nombreux sms. J'étais inquiète. Je sentais que quelque chose n'allait pas.
En rentrant chez moi, j'eus la surprise de découvrir que ma treeees chère sœur Amandine était là. Pour une fois !
" Tu peux promener promener Topaze ? me lança-t-elle.
- C'est pas parce que t'es mon aînée de deux ans que tu dois me donner des ordres !
- Ca me paraît une très bonne raison. Quand tu seras un peu plus mature, tu pourras protester." rétorqua-t-elle
Zen. Reste zen, Juliette. Je posais mon sac sur le canapé et partis à la recherche de Topaze, notre chien. C'était un beau husky avec des yeux d'un bleu magnifique ( d'où son prénom ) et une fourrure douce et soyeuse.
" Topaze ! T'es où ?" lançais- je.
Je le trouvais finalement à roupiller dans la cuisine. Je le réveillais, lui passais la laisse et me dirigeais vers l'entrée.
" Tu vas le promener, finalement ? se moqua Amandine.
- Je préfère sa compagnie à la tienne. rétorquais-je. Lui au moins, il évite de m'insulter ou de me donner des ordres toutes les deux phrases !"
Et je sortis en claquant la porte. Sans trop réfléchir, je me dirigeais vers la forêt. Il faisait beau, et j'aimais bien me balader dans la forêt par ce temps.

Le vent s'était levé. Je regrettais de ne pas avoir pris de veste. Les arbres de la forêt étaient malmenés par le vent. Les feuilles volaient autour de moi. C'est alors que j'entendis un cri. Intriguée, je cherchais à le localiser. Ca venait de ma droite. Un deuxième cri déchira la forêt. Mais cette fois, mon sang se glaça ; c'était la voix de Lauren. Je courus dans sa direction, Topaze à mes côtés. Lauren était la, à une dizaine de mètres de moi. Elle était à terre. Ses vêtements étaient salis, déchirés, son visage ravagé de larmes. Un nouveau sanglot la secoua, et le vent souffla de plus belle. Je ne la voyais que rarement pleurer. La voir ainsi me choqua énormément.
" Lauren ! criais-je. Qu'est-ce qu'il t'arrive ??
- Pars ! me hurla-t-elle en retour. Tout de suite !!
- Hors de question ! Pourquoi tu pleures ??? Je t'ai laissé au moins une dizaine de messages ! Qu'est-ce que le CPE t'a dit ? Tu as fait une connerie ?"
L'incrédulité se peint sur son visage. Le vent se calma un peu. J'en profitais pour m'approcher d'elle.
" Non. dit-elle. Ce n'est certainement pas cet abruti de CPE qui m'a mise dans cet état. C'est ce qu'IL m'a dit. Ce que mon père m'a dit.
- Ton père ? Mais pourquoi il est la ?"
Elle vivait seule avec sa mère depuis que celui-ci avait l'avait quittée. Je ne l'avais jamais rencontré, mais de ce que Lauren me racontait, j'en avais déduit que c'était le dernier des salauds.
" Ma mère a eu un accident de voiture. Elle est à l'hôpital ! Et cet abruti de CPE n'a rien trouvé de mieux que d'appeler à la rescousse mon connard de père ! Je le hais ! Il m'a dit que c'était ma faute ! hurla-t-elle, et le sol trembla.
- Ta mère va bien ?
- Pardon ? Évidement que non, sinon il n'aurait pas appelé mon père ! Elle est dans le coma, entre la vie et la mort ! La vie et la mort ! Tu comprends, Juliette ?"
Ses sanglots redoublèrent. Son ton agressif me surpris ; elle était si calme, d'habitude ! Le vent souffla encore, faisant voler les feuilles. La pluie commença à tomber. Elle ferma les yeux, et quand elle les rouvrit, ils étaient noirs comme la nuit. Bouche bée, je la fixais. Mon poil se hérissa.
" Tes... Tes yeux ! balbutiais-je. Ils sont noirs ! Ils sont plus bleus ! Lauren, qu'est-ce qu'il t'arrive ?
- Pars ! Vite ! Avant que je perde le contrôle ! hurla-t-elle.
- De quoi ?" criais-je bêtement.
Alors, je compris. Le vent, la pluie, c'était elle. Je ne sais pas comment, mais c'était elle. Ma meilleure amie n'était pas normale. Je ne sais pas ce que son père lui avait dit pour la mettre dans cet état, mais ça ne devait pas être joli.
" Juliette, casse-toi ! beugla-t-elle. Je contrôle plus rien ! Dépêche toi avant qu'il t'arrive quelque chose !"
Ses yeux avaient viré au rouge. Mon cœur battait la chamade, une vague de peur m'envahit. Topaze paniqua. Elle aboya, tenta de s'enfuir. Lauren tapa du point par terre en hurlant, et le sol trembla. Effrayée, je partis en courant sans me retourner, et Topaze me suivit sans demander son reste.

Voilà. C'est comme ça que tout avait commencé. Lauren n'était pas comme nous. Et si ce soir j'avais lâchement fui, je n'avais pas l'intention de récidiver. Ma meilleure amie avait besoin de moi. Et j'allais l'aider. En attendant, ce fut lessivée et trempée que je rentrais chez moi. Cette journée fut sûrement la plus étrange de ma vie.

Héritage - La tempête de son cœur Où les histoires vivent. Découvrez maintenant