20 - Le courroux

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Lugan n'avait pas besoin de compter les chevaliers qui les entouraient pour comprendre que leurs chances de survie en cas de combat ne s'élèveraient pas au-dessus de zéro. Si certains ne portaient aucune armure, d'autres avaient revêtu cottes de mailles et plates à même de les protéger partiellement des armes de leurs adversaires. Toutefois, c'était le moindre de leurs problèmes. Le chasseur savait les lycanthropes assez puissants pour se battre contre un homme avec leurs seules armes naturelles. Il s'inquiétait bien plus des arbalètes, le secours des lâches par excellence, comme aimaient lui rappeler certains de ses anciens frères. Curieusement, certains d'entre eux semblaient avoir oublié ce principe. Il lorgna les carreaux. À cette distance, ils n'avaient aucune chance. Attaquer aurait été du suicide. Se rendre aussi.

Le sorcier les avait-il piégés ? Mais pourquoi s'était-il donné tant de mal pour le sauver et pour soigner Cassian si c'était pour mieux les renvoyer dans les griffes de Demetrio ? Plus encore, comment un sorcier aurait-il pu s'allier avec son pire ennemi ? Cela dépassait l'entendement ! Et pourtant... l'inquisiteur avait percé à jour leur camouflage. En y réfléchissant, le Vénitien n'avait-il de nombreuses fois exhibé des objets consacrés par des anges ? Des anges... Des démons, plutôt. Ou, en l'occurrence, un sorcier ! Pourquoi n'avait-il jamais rien deviné ? La foi l'avait-elle aveuglé à ce point ? Était-ce pour cela que la créature lui avait volé ses souvenirs ? Pour l'empêcher de se remémorer son alliance contre nature avec un homme d'Église ?

Si Cassian et Mirelha ressentaient de la peur, ils ne le montrèrent pas. L'un fixait l'inquisiteur avec une farouche détermination, l'autre grognait vers les soldats en dévoilant ses crocs. La menace n'émut pas le religieux. Comment aurait-il pu en être autrement ? Son entourage l'assurait d'une victoire rapide.

— Je suis surpris de te voir en vie, Lugan, déclara-t-il de sa voix grave.

Le guerrier baissa brièvement les yeux sur le chapelet avant de les relever sur son ancien mentor. Il décida de garder le silence. Et d'espérer. Pas pour qu'on vînt les sauver, ce sur quoi il n'avait aucune illusion, mais pour avoir l'occasion de transpercer la gorge du fanatique d'un trait avant de mourir, à son tour criblé par les carreaux de ses anciens compagnons et nouveaux ennemis.

— La solution est simple, hérétiques. Déposez vos armes et rendez-vous.

Mirelha arracha l'épée de son frère à son fourreau et la pointa vers l'inquisiteur. Nul doute qu'elle avait appris à s'en servir même si les lycanthropes avaient la réputation de dédaigner les armes des mortels.

— Pour que tu puisses nous torturer ? Sans façon. Nous ne sommes pas lâches, nous. Regarde-toi, à te sentir tout puissant parce que tes hommes sont là pour te protéger. Seul avec moi, tu pisserais dans tes braies.

— Ne le surestime pas, intervint Cassian. Il en chierait, plutôt.

Lugan garda le silence, mais pointa son arbalète en direction de Demetrio. Le Vénitien esquissa une grimace d'irritation. Pas tant pour les injures, mais parce qu'il aurait préféré une reddition en bonne et due forme au lieu d'autres bravades.

— Alors, que vas-tu faire ? reprit Cassian. Nous ne nous rendrons pas et nous ne te laisserons pas nous capturer vivant. Combien de tes hommes es-tu prêt à sacrifier ?

Demetrio garda les lèvres closes durant de longues secondes. Son hésitation était évidente. S'il tuait ses ennemis, il perdrait par la même occasion la meute, qui aurait largement le temps de fuir. Son bienfaiteur n'apprécierait guère, et il ne doutait pas qu'il tenterait de lui faire payer d'avoir transgressé ses ordres. Mais s'il essayait de les emprisonner à nouveau, nombre de ses disciples en perdraient la vie. Des hommes qu'il lui avait fallu entraîner durant des années, non seulement physiquement, mais aussi mentalement. Il avait façonné leurs esprits pour éteindre en eux toute compassion à l'égard des ennemis de Dieu. N'était-il pas aussi sa meilleure garantie de survie face à son dangereux allié ? Car il ne doutait pas que le sorcier, cette abomination, le trahirait dès qu'il aurait obtenu satisfaction.

Umbrae Proles 1 : L'héritier du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant