Umbrae Proles 1 : L'héritier du loup

13 - Le piège

Malgré la confusion dans laquelle son esprit baignait, Lugan perçut un mouvement. Il entrouvrit les paupières et saisit le bras de la personne qui se trouvait juste à côté de lui. Il serra avec force tout en se redressant sur un coude. Le novice trembla et lui jeta un regard effrayé. Il tenait entre ses mains une cruche et un morceau de pain rassis.

— Va-t'en... siffla Lugan entre ses dents.

Il le relâcha. Le novice s'empressa de poser le chiche repas sur l'unique table et rebroussa chemin sans demander son reste.

Lugan s'assit dans le lit avec une grimace. Son dos lui brûlait malgré les bandages dont on avait enroulé son torse. Il avait perdu connaissance sous la violence des coups, ce qui n'était pas la première fois, même s'il espérait qu'il s'agirait de la dernière. Il avisa la miche desséchée et esquissa une grimace. Cela faisait certainement partie de sa punition, puisqu'il avait osé défier, après quelques années de soumission, celui qui lui avait appris à devenir un tueur de démons. Demetrio aimait que ses agents obéissent sans exprimer la moindre objection. Guilhem, zélé dans son travail, avait suscité l'appréciation de l'inquisiteur. Lugan, lui, ne devait la vie qu'à son talent. Il représentait encore un intérêt pour l'ordre. Lorsque cela ne serait plus le cas...

Le chasseur se leva avec maladresse et balaya la cruche au sol. Il préférait mourir de faim plutôt que d'accepter le châtiment. Quelques semaines plus tôt, il ne s'en serait jamais cru capable. Mais quelques semaines plus tôt, il n'éprouvait aucun doute, si ce n'était lorsque ses camarades s'attaquaient à des personnes qu'ils savaient tous innocentes. Vis-à-vis des démons, il se montrait impitoyable. Depuis, il avait appris que sa sœur vivait. Depuis, il avait rencontré Cassian.

Malgré la douleur qui distillait son poison dans tout son corps, il envoya un coup de pied dans la table. Puis un second. Jusqu'à ce qu'elle se brise. Il passa sa rage sur le restant du mobilier, mais personne ne se souciait du bruit. Ordre de Demetrio, sans doute.

Il s'écroula d'épuisement sur le lit et maudit Dieu pour avoir rendu son existence, tout à coup, aussi compliquée. Il ne s'imaginait plus aucun avenir dans l'ordre des Chevaliers de Saint George. Sa foi se délitait. Au fond, la seule chose qu'il souhaitait, c'était retrouver Mirelha. Retrouver Mirelha et... Non, il repoussa cette image fugace avec un frisson de dégoût.

Il sombra de longues heures dans un sommeil agité. Lorsqu'il retrouva ses sens, il fut à peine surpris de découvrir Demetrio dans la chambre, assis sur un tabouret, en train de l'observer avec intérêt. Lugan lui jeta un regard brûlant de haine ; il ne servait plus à rien de la cacher.

— Tu ressembles aux loups que tu es censé traquer, déclara Demetrio en se caressant le menton.

— Et vous, au diable, rétorqua Lugan.

Un sourire étira les lèvres fines du Vénitien.

— Pour dire cela, c'est que tu ne l'as jamais rencontré.

— Et vous ?

— Autrefois, tu étais capable de repentir, fit Demetrio en éludant sa question. Tu rampais comme les autres pour réclamer mon pardon.

Il se leva sans effacer ce sourire qui irritait de plus en plus Lugan.

— Heureusement, tu auras tout l'hiver pour réfléchir à tes actions.

— Vous ne pourrez pas me garder enfermé ici, protesta le chasseur.

Demetrio, proche de la porte, se retourna pour le regarder d'un air moqueur. Il revint vers lui et, d'un geste rapide, l'attrapa par les cheveux pour l'extirper du lit. Lugan laissa échapper un cri de douleur bien malgré lui lorsque l'inquisiteur lui envoya un coup de genou dans le dos. La souffrance menaça de lui faire tourner de l'œil. Satisfait, Demetrio le poussa au sol et s'éloigna.