1001 façons de se ridiculiser #FreeYourBody

12- Sport Dangeureux

Je dépose bruyamment les tasses dans l'évier et lance un regard noir à mon collègue.

- Samuel, pour la dernière fois, arrête de m'appeller par des surnoms farfelus!

- Ma petite noix de coco...

- STOP.

Vexé, il part servir des clients et je respire enfin.
Ça fait des jours que je ne supporte plus ses surnoms idiots. Ni son style vestimentaire d'ailleurs.
Aujourd'hui il arbore fièrement un jeans jaune fluo avec un T-Shirt rouge bordeau et des converses d'un bleu électrique. J'en ai les yeux qui piquent.

- Eh mademoiselle!
Un grand barbu assis à la tablée d'un groupe d'hommes d'une vingtaine d'années m'appelle en claquant des doigts. Un de ses amis louche sur mes fesses en souriant.
Je me retiens de vomir.
Je ne supporte ce genre de clients.
Mais Cynthia me l'a assez souvent répété, le client est roi, donc pour ne pas faire un scandale, je laisse passer et me dirige vers la table avec un sourire crispé.

- Salut Biscotte!

Je regarde autour de moi mais ne vois personne d'autre.
Attendez, c'est à moi qu'il parle?!

- Ben, tu t'appelle Biscotte, non? Parce que t'es craquante.

Oh noooooooooon.
Juste non.
Ça doit être le genre d'homme qui joue à la pétanque en buvant une bière le dimanche avec son club de beaufs-célibataires-anonymes.
Je tourne rapidement la tête pour vérifier que Cynthia n'est pas là et leur répond en prenant une voix semblable à celle de ma grand-mère Alphonsine. Je décide en passant d'aussi lui emprunter son nom.

- Oh non c'est mon chat qui s'appelle Biscotte, moi, je m'appelle Alphonsine-Bérangère!

Ils se regardent horrifiés. Je ricane intérieurement avant de continuer.

- Vous savez j'a-dore tricoter c'est une graaande passion!
Mais lorsque je commence à m'ennuyer, je joue aux cartes avec mon crapeau Bertrand! Alors que désirez-vous prendre? Un petit thé de fenouil? Ça aide contre les constipations vous savez, j'en souffre souvent et je peux vous ga-ran-tir que c'est trèeees efficace!

Contre toute attente ils se lèvent et sortent du café en s'excusant vaguement.
Bon. Je ne suis pas censée faire fuir des clients mais bon...

Je pars chercher des bouteilles de soda à la cave pour réapprovisionner le stock en feignant un air innocent.

Je suis toujours en train de les ranger dans le réfrigérateur quand Cynthia vient m'annoncer que je peux partir plus tôt.
Je ne me pose pas de questions, prend mon sac et sort du café à la hâte en ignorant le regard insistant de Samuel.

J'avance d'un pas rapide suivie par les filets de lumière du soleil couchant. Éblouie je cligne des yeux et rentre dans quelqu'un.
Quand on parle du destin...
Je croise des yeux v...
Des yeux noirs.
Et un regard noir.
Que je ne connais pas.

- Pouvez pas faire attention, s'écrie l'inconnu en me faisant sentir les relents de poisson pourri de son haleine fétide de chacal.
Non je n'exagère pas.
Et je m'éloigne en fronçant le nez de dégoût. Je râle un peu aussi. Dans les livres, l'héroïne tombe toujours pas hasard sur le héro à tous les coins de rue!
Apparemment pas dans la vraie vie.
C'est triste.

* * *

Je cours dans un champ de blé en tenant la main de quelqu'un. Il est derrière moi et je ne prend même pas la peine de me retourner: je sens que c'est Josh.
Il me sourit et j'oublie tout.
J'oublie qui il est.
J'oublie que je le déteste.
J'oublie qu'il n'est qu'un petit brocoli prétentieux.
Je prend mon élan et le dépasse en riant.
J'agite les bras et décolle soudain. Je glousse et ondule comme un spaghetti trop cuit pour avancer jusqu'à un énorme arc-en-ciel fluorescent. Josh se transforme en dragon et me rejoint. Je plonge dans ses yeux émeraudes mais n'y découvre que des pulls Bob L'éponge violet! J'écarquille les yeux au ralenti et pointe le dragon du doigt.