L'inconnu

Chapitre 5 :

Bon, je rentre à la maison. Je penserai à ma vue plus tard, et au reste aussi..

L'allée était large, la pelouse bien entretenue, les roses rouges et blanches comme dans ce célèbre dessin animé qu'elle aimait tant regarder étant petite. Toutes les demeures étaient construire de façon similaire, seule la finition et le jardin différaient. D'après elle, c'est ce qui prouvait la rivalité entre les habitants de la résidence la mieux foutue de l'état : Right Hills. C'était du luxe, n'importe qui aurait rêvé d'y vivre. Tout le monde fantasmait sur de magnifiques foyers alignés en face d'une plage privée. De grandes stars venaient vivre ici pour s'éloigner des paparazzis. C'était un emplacement parfait. En pleine Californie, à quarante kilomètres de L.A, dans la ville de Derby. C'était une petite agglomération contenant toutes sortes de milieux sociaux. Néanmoins, le quartier où se situait la résidence était nommé Richdark. Et bien entendu, c'était le quartier des « Grands » de la ville. Les Saxtons étaient au sommet de la pyramide, jalousés par tous.

Aussi insensé que cela puisse vous paraître, il arrivait à Emma de haïr ce lieu vénéré. Mais, comprenez-là. Elle aimait se réveiller à l'odeur fraîche des roses et au bruit des oiseaux, allongée dans un lit doré, disposée de nombreuses domestiques et d'un majordome qu'elle aimait bien. Elle savait pourtant que malgré tous ces privilèges dont rêvaient les petits palestiniens, elle en voulait plus. Une soif de l'extérieur ainsi qu'un manque d'affection la rongeait.

Ce monde n'est pas le mien, se retrouvait-elle à penser très souvent. Je ne veux pas être une simple héritière de la famille des Saxton, je veux être plus que ça. Voir, moins que ça.

Ce qu'elle détestait vraiment par-dessus tout, c'était la rivalité du voisinage. Leurs regards et discours hypocrites à propos de politique, de commerce et j'en passe. C'était une bande d'égoïstes. Emma détestait croiser ses voisins, elle préférait de loin être avec ses bons amis rastaniens. Ils ne vivaient pas là-bas et n'allaient pas au lycée des grands mais ne la jugeaient pas suite à son argent, à l'histoire de sa famille ou à quoi que ce soit du genre. En réalité, ils ne le savaient même pas au moment de leur rencontre.

C'est cela qui la laissait se sentir étouffée comme un oiseau enfermé dans une cage. C'est également parce que dès le plus jeune âge, ses parents s'étaient toujours préoccupés de leurs affaire et en oubliaient qu'elle existait. Ils ramenaient des majordomes, lui achetaient tout ce dont elle rêvait mais ... A quoi bon avoir des milliards de cadeaux pour un anniversaire non fêté ? Ils en avaient manqué plein quand elle était petite. Une fois plus âgée, elle commença à inviter des amis et essaya d'oublier l'absence de ses parents que certains qualifiaient d'avantageuse parce qu'il était plus facile de faire ce qu'elle voulait pendant ses fêtes.

Elle vit que tout était comme elle l'avait laissé. Dans le grand jardin, la pelouse bien coupée, la fontaine d'eau et la piscine lui souhaitaient la bienvenue. La porte était ouverte, elle entra et vit un immense salon qui bizarrement, lui avait manqué. Elle monta aussitôt les escaliers, entra dans sa chambre et se jeta sur son lit.

- « Aaaaah ! que tu m'as manqué. » Souffla-elle d'un air amusé. Elle en oublia presque toutes les choses bizarres s'étant passé ce matin.

Sur une table de chevet se trouvait l'un de ses livres préférés. La Guitare de Michel Del Castillo. Elle l'empoigna en une main et l'ouvrit sur une certaines page, relit pour la énième fois une citation surlignée en jaune fluorescent.

« Je souffrais de la gaieté de ces inconnus. »

Cette phrase la touchait car c'était son cas. Elle en souffrait énormément et seuls ceux qui éprouvent également cela peuvent comprendre. C'est un sentiment lourd, un réel fardeaux qu'on trimbale partout. Il est juste terrifiant de penser qu'où qu'on aille, on n'est pas au bon endroit. Pas à la bonne adresse. Mais ce qui est bien plus effrayant est de penser que même si on tourne à gauche ou qu'on prend la première à droite, cette arrière-pensée sera encore là, pensant des tonnes sur nos épaules. Nous laissant effondrés au milieu d'une route.