Chapitre 10_ Promesse

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La poigne est si forte que je manque de trébucher. Incapable de savoir quoi faire, je me laisse faire.

La femme à qui appartient la voix est moyennement grande, et a les mêmes cheveux blonds qu'Ido. Elle est mince mais costaude. Je ne vois pas son visage, mais je suis persuadée que cette personne est Eleusis, la tante dont m'a parlé Ido, celle qui est sensée avoir mon flocon.

L'auberge est, comme toutes les habitations ici, toute en hauteur. De très larges plateformes soutenant des tables et des chaises ont été construites le long des murs épais. J'écarquille les yeux en découvrant le centre de la pièce. Un arbre magnifique pousse là. Ses feuilles vertes luisent sous la lumière du soleil, provenant de multiples fenêtres situées aléatoirement. Il n'y a personne, sauf une fillette de l'âge d'Ido qui est assise en tailleur près de ses racines, jouant d'un instrument aux notes mélodieuses. C'est une sorte de lyre. La petite aux ailes transparentes murmure un chant dans une langue inconnue, mais j'ai l'étrange impression qu'elle communique avec l'arbre: les branches de ce dernier vibrent comme si une brise les soulevait, ce qui est impossible dans cet endroit clos. Soudain, la fillette cesse son chant. La pièce semble s'assombrir, et l'arbre se fige.

-Orfé, voici la jeune fille dont je t'ai parlé, dit Eleusis en me lâchant.

La prénommée Orfé se retourne et me sourit. Elle se lève. Ses cheveux aussi bruns que l'écorce de l'arbre forment une épaisse cascade sur son épaule droite. Alors qu'elle se dirige vers moi, je constate que sa démarche est d'une élégance étrange et assurée. La fillette m'embrasse chaleureusement. Beaucoup plus petite que moi, elle se contente de me serrer au niveau de la taille. Une vague de bien-être m'envahit.

-Joyeuse Eos, Lysianassa!

Je tressaille. La voix de cette petite possède le timbre plus grave d'une femme mûre. C'est une voix imposant le respect.

-Comment connaissez-vous mon nom? demandé-je, choquée, tout en me dégageant de son étreinte.

Orfé me dévisage. Ses yeux brillent d'une lueur à la fois vive et ancienne. Elle ébauche un nouveau sourire doux.

-La nature murmure ton nom en permanence depuis deux jours. Il est difficile de ne pas l'entendre!

Elle croise les bras. Habillé d'une robe fine semblant être faite du même feuillage que l'arbre, son petit corps est frêle. Elle porte une énorme sacoche -qui paraît faire le double de son poids- contre sa hanche, d'où le bouchon d'un flacon dépasse.

-Et lorsque la nature m'envoie un message, je me dois d'en avertir les Familles Dirigeantes...

Je reste stupéfaite un instant. Je commence à les trouver agaçant, avec leur envie de me présenter à tout prix à une Famille.

-Lorsque quelque chose sort de l'ordinaire, vous avertissez immédiatement les Dirigeants, on dirait. Vous n'êtes pas obligés, je ne suis qu'une voyageuse.

Orfé a une moue sceptique, montrant qu'elle n'y croit pas un instant.

-Tiens donc. Et où vas-tu?

-Je... Je vais à La Vertigineuse.

-Pour quoi faire?

Je subis un véritable interrogatoire, et je déteste ça. J'ai envie de répondre un truc de genre: "pour nager avec les dauphins", avant de me dire qu'il n'y a sans doute pas de dauphins, en Aedenia.

-Apprendre à me battre pour ensuite partir sereinement à la recherche de mes amis, en étant sûre que je sache me défendre en cas de mauvaise rencontre.

Mon interlocutrice commence à tourner autour de moi. Eleusis m'adresse un regard indéchiffrable.

-Tu n'as pas l'air d'une voyageuse, Lysianassa. Regarde-toi. Tu es pieds nus, avec une arme volée dont tu ne sais pas te servir, et blessée. Tu ignores dans quelle direction est ta destination. Alors, je te prie de m'excuser si je pense que tu as besoin de l'aide d'une Prêtresse.

Aedenia #WTG2017Où les histoires vivent. Découvrez maintenant