Chapitre 16.2_ Envol

61 8 4
                                    

Je ne trouve rien à lui répondre. Il me dévisage soigneusement un petit moment avant d'observer mes ailes qui battent lentement afin de me laisser en vol stationnaire. Il fixe ensuite la boule de feu qu'il vient de créer. Son regard miroite les flammes, si bien que j'ai l'impression de voir sa détermination même. Une détermination farouche, aussi ardente qu'un brasier. La sensation ne dure pas longtemps. Une demi-seconde plus tard, Sophian se détourne.

-Voilà, fait mon Mentor en reprenant les lames qu'il avait glissé dans une de ses poches afin de faire les Gestes. C'est reparti. On y est presque.

Je lève la tête. En effet, le bord n'est plus qu'à une dizaine de mètres. Je prends une profonde inspiration tandis qu'il recommence à grimper aussi facilement que je marche. Je l'accompagne dans les quelques mètres restant et, enfin, nous nous retrouvons en haut de la falaise. Je me pose et savoure la sensation du sol sous mes pieds.

Sans un mot, Sophian se met en direction de l'Ecole, la boule de feu le suivant tel un petit toutou. Je le suis, chancelante. Mes ailes, épuisées, pendent dans mon dos. Je dois presque courir pour rester à son hauteur. Pourtant j'ai l'impression, d'après ses quelques regards en coin, qu'il se freine exprès pour moi. Je l'observe sans vergogne une nouvelle fois. Le tissu recouvrant son dos est toujours aussi poisseux. Ses cheveux sont recouverts de la terre sableuse de la falaise. Il a des gants en piteux état, sans doute à cause de son ascenssion.

-Je ne paie pas de mine, hein? fait-t-il avec dédain.

-Non, répliqué-je.

Il ne me répond pas. Il s'arrête de marcher pour me dévisager à son tour. Je suis beaucoup présentable, c'est sûr. Je suis assez proche de lui pour sentir son odeur: celle de la sueur, du sang, et... Sophian recule avant que je n'analyse la dernière effluve.

-Un bain, tu as besoin d'un bain, l'informé-je en grimaçant exagérément.

-Je sais.

Il ne bouge pas un moment, avant de se remettre à marcher en me demandant:

-Tu viens d'où?

-De loin, je fais évasivement, ne sachant pas si je peux me confier à lui ou non.

Ne voulant pas m'appesantir sur le sujet, je le questionne à mon tour alors qu'il ouvre la bouche.

-Et toi, tu viens d'où?

-D'ici.

Sa réponse, aussi courte et mais plus sèche que la mienne, me prend au dépourvu.

-Tu as grandi ici?

-Bonne déduction.

-Et ta famille aussi, du coup, je réponds d'un ton convaincu, avant de me souvenir de ma vision, ou j'avais cru voir sa mère, car elle lui ressemble étrangement. Enfin... Oui, non?

Il me jette un regard étrange.

-Oui.

Je me retiens de froncer les sourcils en répondant: "Ah...". Il se détourne de moi subitement et accèlère le pas. Il atteint la porte d'entrée de l'Ecole presque une minute avant moi, et m'attend devant avant de frapper. Une petite trappe s'ouvre sans bruit, un oeil dévisage Sophian sans un mot, puis on nous ouvre. Nous pénètrons dans le réfectoire vide et sinistre. La boule de feu nous suivant toujours, je suis aisément mon Mentor jusqu'à l'étage en dessous. Des dizaines et des dizaines de portes nous font face. Sophian traverse le couloir d'un pas énergique, avant de se figer en fronçant les sourcils. Une ombre est recroquevillée à même le sol, à quelque pas de là. Il fait un Geste en direction de sa boule de feu, dont la luminosité baisse aussitôt jusqu'à être à peine suffisante pour voir à deux mètres. Il m'ordonne ensuite d'être silencieuse.

Aedenia #WTG2017Où les histoires vivent. Découvrez maintenant