Chapitre 7_ Passage

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J'ai mal. J'ai mal partout. Mon corps tout entier est douloureux. Le moindre de mes os semble chauffé à blanc. C'est encore pire que lors de l'épilation intégrale. Chacune de mes cellules hurle comme si on l'écartèle. J'ai mal. C'est affreux.

L'éternité. Je pourrais rester l'éternité à souffrir ainsi. Toutefois cette idée est si horrible que je la chasse immédiatement. J'ai peut-être mal, mais je dois quitter cet enfer.

Alors, je m'efforce de me réveiller. Je prends soudain conscience non seulement de mon corps, mais aussi de mon environnement.

Mon dos est allongée sur quelque chose de doux, mais aussi d'étrangement osseux. Je force mes paupières à papillonner. Un ciel noir et étoilé apparaît devant mes yeux. Je m'assieds délicatement et tente de me repérer. Je tourne la tête dans tous les sens.

Des arbres, des arbres partout. Je suis dans une forêt. Ou plutôt, dans une clairière entourée d'une forêt. Une odeur semblable à celle du pin flotte dans l'air, mêlée à celle de la nuit. Je respire à plein poumons, tentant de me souvenir des évènements récents. Le silence me frappe de plein fouet.

La voiture, le camion... La main d'Odèle, la voix de Loki... Un accident. Le mot s'imprime dans mon esprit. Obligé, qu'est-ce qui pourrait mieux expliquer tout... Tout ça?

Je sens la panique me serrer la gorge. Je veux bien accepter le fait d'avoir eu un accident... Mais alors, où suis-je? Mon cœur bat la chamade tandis que l'impression d'être loin -très loin- de chez moi me prend. J'ai peur.

Mes mains prennent appui sur la chose douce et osseuse. Je constate vaguement la disparition de mes lunettes, puis sens quelque chose tirer sur mon dos, et une douleur vrille jusque dans mes omoplates. Je sursaute tout en poussant un cri ridicule. Je tombe sur les fesses et écrase la chose. Mon mouvement provoque une nouvelle douleur. Je baisse les yeux.

Je suis nue. Mais genre... toute nue. Si je n'avais pas poussé un premier cri, j'en aurais certainement poussé un autre. Mais il s'étrangle dans ma gorge. Je me roule en position fœtale écrasant la chose, ce qui entraîne une nouvelle sensation désagréable d'étirement.

Je reste ainsi pendant des heures, tentant de ne penser à rien. Pourtant, mes pensées filent à toute allure. Pourquoi suis-je nue dans une forêt, à l'instar d'une Eve désœuvrée qui a été oubliée dans la Bible tellement elle a l'air bête? Ca peut être dangereux! Quelle est cette... chose... qui semble collée à mon dos?

L'éternité s'écoule. Je me demande si rester ici sempiternellement est une bonne idée. Certainement pas.

Après avoir jeté un regard craintif aux alentours, je me lève sans m'appuyer sur la chose qui caresse mes épaules. Je recouvre ma poitrine nue de mes bras. J'ai la chair de poule. Mon regard scrute à nouveau les arbres. Me décidant enfin à découvrir pourquoi quelque chose d'osseux et de doux semble fixé derrière moi, je tourne la tête et dégage mes cheveux pour essayer de voir mon dos.

Je retiens avec difficulté un hurlement d'effroi.

Une aile d'un blanc le plus pur saille de mon épaule gauche. Tremblante, je vérifie de l'autre côté. Une seconde aile, pareille à la première, est sous mon omoplate droite. Elles sont recouvertes d'un duvet par endroit. Je passe une main dessous. La membrane est fine et toute tiède, comme pourrait l'être une couverture douce et pelucheuse. Je sens de minuscules os et la présence de veines et d'artères miniatures. Ma paume effleure le dos de l'aile gauche. Au toucher, je reconnais la présence de petites plumes fines et fragiles.

La panique me saisit. Depuis des années, je rêve de X-men. Et maintenant voilà que j'en deviens une. Je suis une X-woman qui ressemble à un poulet, en plus. Avec un peu de chance, on m'acceptera au casting du prochain Chicken Run, si cette idiotie a une suite.

Aedenia #WTG2017Où les histoires vivent. Découvrez maintenant