Prologue - Rêve d'ailleurs

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Tandis qu'une silhouette se faufilait dans les sombres rues de New Tesla, la capitale de la planète futuriste Neotek, une pluie diluvienne s'abattit sur la ville. Au fur et à mesure que ces perles d'eau venaient s'écraser sur elle, un profond sentiment de malaise commença à grandir en son cœur. Quelqu'un - ou plutôt quelque chose - semblait vouloir la prévenir qu'un terrible malheur la frapperait prochainement.

Arrêtant brusquement sa course, la silhouette essaya de se concentrer sur cette sensation pour avoir plus de précision. Après tout, ce sixième sens l'avait sauvé à de nombreuses reprises aux cours de ses cinq dernières années. Ce sens si mystérieux qui lui permettait de voir à travers l'énergie composant l'univers lui-même... l'Aura !

Cependant, malgré tous ses efforts, elle n'arriva pas à identifier la nature de son malaise. Autant agacée que pressée par le temps, elle se remit en route tout en tachant de faire abstraction du pressentiment qui la rongeait. Elle devait profiter du fait que les patrouilles n'avaient pas encore commencé leurs rondes pour ramener de quoi nourrir sa famille.

Pressant le pas, la silhouette arriva finalement sur la Grande Place du marché. Marquant une pause pour puiser du courage car l'Aura n'était pas infaillible, elle ferma les yeux et se mêla à la population. Même si elle était aveugle de naissance, ce n'était le cas de ceux qui marchaient autour d'elle. Et ils ne devaient JAMAIS voir ses yeux ! JAMAIS ! Car si jamais quelqu'un voyait ses pupilles azurées, ce sera la mort qui l'attendrait...

Non pas qu'elle ait peur de la mort - l'aveugle azurée savait bien que la Grande Faucheuse viendra un jour la chercher - mais ce dont elle avait peur, c'était de laisser derrière elle son gentil petit-frère malade, son audacieuse grande-sœur aux cheveux verts et sa tendre nourrice. Celle-ci restait constamment dans l'humble logis de ferraille qu'ils nommaient « maison » pour veiller sur le plus jeune, cloué au lit par la maladie. Quant à leur grande-sœur, tout a été dit : elle avait les cheveux verts ! Et sur la planète Neotek, le simple fait d'avoir les cheveux et/ou les yeux d'une autre couleur que noir était passible de mort si on était arrêté par la Neo Garde (la police de Neotek). Donc, si elle venait à mourir, sa famille se retrouverait dans l'incapacité de subvenir à leur besoin et la rejoindraient inévitablement dans la tombe. Or, ce n'était pas ce qu'elle souhaitait... !

Cesse de penser à c'la ! s'ordonna-t-elle à elle-même. Il te faudra toute ta concentration pour dérober notre pitance de la semaine, alors ne laisse pas ton esprit divaguer ! L'aveugle azurée hocha la tête. Vu la quantité de nourriture qu'elle dérobera sous peu, les marchants remarqueront rapidement sa présence et se lanceront à ses trousses. A ce moment, elle aura besoin de toute sa tête et de toute son énergie pour les semer avant de rentrer chez elle.

Silencieusement, elle s'approcha d'un stand, prit le plus de poissons qu'elle put en quelques secondes et fourra sa prise dans son sac en bandoulière. Elle recommença ensuite ce petit manège à chaque stand qu'elle croisa jusqu'à son signal de départ :

- AU VOLEUR ! cria un marchant en s'apercevant (finalement) qu'on lui avait dérobé ses produits.

Pendant que les autres marchants des stands qu'elle était venu voir remarquaient qu'eux aussi avait subi son larcin, la silhouette ne perdit pas de temps et prit ses jambes à son cou, bousculant de nombreuses personnes sur son chemin. Une fois sortie de la foule, elle marqua une micro-pause dans sa course afin de voir si oui ou nan les marchants la poursuivait. Effectivement, ces derniers courraient derrière elle en la traitant de tous les noms et lui promettant mille morts. Ce qui curieusement, lui arracha un sourire en coin. Tellement prévisible..., ricana-t-elle intérieurement.

Reprenant aussitôt sa fuite après ce constat, l'aveugle rouvrit les yeux - deux magnifiques pupilles bleues azurées - et s'enfonça dans le sombre dédale de la capitale planétaire, New Tesla. Elle courut longtemps, très longtemps, en prenant autant de virage que possible. Et lorsqu'elle jugea avoir mit assez de distance entre elle et ses poursuivants, elle s'arrêta et vérifia qu'ils avaient rebroussé chemin. ...C'est bon. Je peux rentrer, maintenant !

Love Banishes LimitsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant