Chapitre 4 : Effie

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Cela doit faire une bonne heure que j'hésite, que je marche en long et en large devant la maison d'Haymitch. Je ne sais même pas pourquoi je suis ici. J'ai quitté le Capitole sur un coup de tête. Ou peut-être que j'y avais déjà trop réfléchi pour hésiter encore. Je ne sais plus.


Peut-être que je ne veux qu'échapper à ces murmures horribles sur mon passage, peut-être que des vacances me suffiront.


Peut-être qu'en y mettant plus de conviction, j'arriverai en m'en convaincre.


La vérité que je nie de toutes mes forces, c'est qu'à l'exception de quelques séjours de courte durée durant lesquels je n'ai jamais cherché à connaître l'endroit, je suis complètement étrangère au District Douze.


 Les rares personnes que je connais ici ne me portent pas dans leur cœur parce que je viens du Capitole, ou parce que c'est moi qui ai pioché le nom d'un membre de leur famille, ou de leurs amis. 


Ce qui est grandement compréhensible, mais ne change rien au fait que je n'ai pas un seul lien au District Douze.

Alors pourquoi je suis ici, et plus particulièrement à cet endroit précis du douzième District ? Pourquoi devant sa maison à lui ?


Un fracas épouvantable me tire de mes pensées en même temps qu'il étouffe dans l'œuf l'énième soupir qui s'apprêtait à sortir de ma bouche.


Je me précipite vers la maison, et je m'acharne sur la poignée de la porte jusqu'à ce qu'elle s'ouvre. Au « skiiiir » que j'entends, je viens de massacrer la serrure. Je ne m'attarde par sur ce dernier détail, et me rue dans la maison, à la recherche d'Haymitch. Mon cœur bat à cent à l'heure et mes mains devenues moites tremblent. Force est de constater que je me trouve dans un état de nerfs considérablement inquiétant. Mais je m'en fiche. 


Haymitch, où es-tu, espèce d'imbécile ?


Haymitch.


Haymitch !


Le corps de cet imbécile est étendu par terre, au milieu des débris de plusieurs bouteilles. De rhum ? J'ai toujours cru que cet engin ne carburait qu'à la bière et au vin. Il apparaît donc que j'ai sous-estimé l'alcoolique chronique qu'il est. Je lui secoue le bras, il gémit. Mais ses yeux ne se rouvrent pas.  Je me sens paniquer. Mon rythme cardiaque s'accélère encore une fois.


« Haymitch ! »


Ma voix s'est élevée de ma gorge, de mes tripes, sans même que j'y prenne garde. Trop aiguë. J'ai du mal à reconnaître ce son strident qui remplit la maison d'Haymitch.


Enfin, maison... c'est plutôt un taudis.


Le sol comme les meubles sont porteurs de bouteilles vides, et l'évier  montre une vaisselle certes sale, mais également vieille d'une bonne semaine. Je me demande quand est-ce qu'il a mangé pour la dernière fois ? Imbécile.


Je remarque la poussière, et la crasse un peu partout autour de nous. Le ménage n'a pas été fait non plus, et ça date de bien plus d'une semaine. A-t-il seulement été fait un jour ? Espèce d'abruti crado, va.


J'ouvre de force sa bouche pour vérifier qu'il ne s'est pas étouffé en avalant sa langue. Ce n'est pas le cas, et il respire correctement. Qu'est-ce qui ne va pas chez lui ?


Brusquement, un autre bruit se fait une place dans le silence qui avait suivi mon cri. Un bruit très différent, beaucoup moins aigu. Rauque, et idiot. Régulier.


Un ronflement.


Je ne peux pas me retenir et lui décoche une gifle monumentale. Il grogne à peine avant de se remettre à ronfler. Malgré moi, le soupir nerveux que je retenais tout à l'heure se change en soupir de soulagement et franchit mes lèvres. 


Je fais ce que je peux pour le mettre sur le canapé, tout proche, et je lui cherche une couverture. L'état de celle que je trouve au fin fond d'un tiroir – un haillon – me fait renoncer à la lui mettre sur le dos. J'attrape une chaise qui traîne et m'installe dessus, le temps de faire le point. 


Je suis chez Haymitch, qui soit dit en passant vit dans un endroit dont même les rats du Capitole ne voudraient pas, assise sur une chaise branlante qui ne va pas tarder à céder sous mon poids, tandis que le propriétaire des lieux ronfle comme un bienheureux sur son canapé passé de mode depuis une trentaine d'années, après m'avoir fait une frayeur pas possible.


Abruti !


Je devrais être énervée, et je le suis. Mais il y a autre chose. Contradictoirement, je me sens... calme. Et même presque de bonne humeur. J'ignore pourquoi. Ça fait des semaines que je ne me suis pas sentie comme ça. Aussi... sereine.


Mon cœur n'a auparavant jamais battu à un rythme aussi régulièrement lent.


Je regarde de nouveau autour de moi, puis jette un coup d'œil à Haymitch qui dort profondément. J'ai vraisemblablement trois bonnes heures devant moi.


J'en profite pour lui donner un coup de pied.



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