Chapitre 1 : La Cité

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La Cité 44. Un foutu bordel. 

Cela va bientôt faire 15 ans que j'y vis. Au milieu des infirmes, des drogués et des indésirables, je fais tâche. Moi, Amydelle,  je suis serveuse au Pep's Bar, l'un des rares endroits fréquentables de la banlieue. Je gagne bien ma vie, et je réside au dernier étage du plus haut building de tous, culminant à plus de 120 mètres. Le plus drôle, c'est que j'ai le vertige.

Je n'ai pas de famille. Je n'en ai jamais eu. Les seuls véritables parents que j'ai pu avoir au cours de mon existence sont mon oncle et ma tante. Tous deux de riches et abjects personnes, méprisants l'existence humaine et les plus démunis. C'est eux qui se sont chargés de mon éducation. Ce fut très rapide : un billet glissé dans la manchette d'un convoyeur et me voilà ici, livrée à moi-même. Je les déteste. Mais au fond, je pense qu'ils ont eu raison de se débarrasser de moi. Sinon, je ne serais jamais devenu la femme que je suis aujourd'hui.

La Cité 44, bien qu'immense dépotoir humain, a ses quelques rares avantages. Ici, ce sont les femmes qui font la loi. Nous sommes supérieures en nombre, et les hommes ne sont là que pour recevoir nos ordres. Personnellement, je ne partage pas cette idée. Mais ma sœur si. 

Je ne vous ai pas parlé d'elle ? Tant mieux. Malheureusement je vais devoir me forcer. C'est à cause d'elle qu'en cet instant, au beau milieu de la nuit, je me retrouve à baigner dans mon propre sang, mon bras droit arraché.

Elle se fait appeler l'Impératrice. Un nom assez classe, pour une personne qui en manque cruellement. C'est ma jumelle. Nous devrions donc bien nous entendre, avoir les mêmes passions, se battre côte à côte pour une seule et même cause, la belle vie quoi. Allez bien vous faire foutre. S'il y a un être à détester avec toute la haine du monde, c'est bien elle. De son vrai nom Sephiea, elle n'a pas hésité à gravir seule les échelons du pouvoir, éliminant tous ceux qui se dressaient sur son chemin. Avant, la cité était régie par un maire. Elle l'a fait jeter du haut de son immeuble, il y a de cela un an. Un coup d'état, qui n'avait jamais été contesté. Jusqu'à il y a deux jours.

A ce moment-là, j'avais encore mes deux bras. Et je n'étais pas en train de mourir. 

Une manifestation exceptionnelle avait été organisée devant le siège du Parlement, l'endroit où toutes les décisions politiques sont prises. Il faut dire que dans la cité, les gens sont plus enclins à se plaindre dans leurs coins qu'à venir exprimer leur désarroi en public. Pas en ce jour. Et vu que c'était pendant l'un de mes rares congés, j'avais eu la bonne idée de participer à la manifestation en hurlant toute la haine que j'avais en moi, comme si cela pouvait changer quelque chose. A cette époque, j'étais sacrément conne. Il faut croire que la perte d'un bras, combiné à un rapport proche avec la Mort peut changer une personne de la tête aux pieds, je peux vous l'assurer. 

Ma sœur m'avait repéré dans la foule. Entourée par ses gardes, les "CS" (pour City Soldier, voyez comme c'est original), elle m'avait pointée du doigt en criant. Cela m'avait fait rire, sur le moment. On ne se voyait quasiment jamais, et je n'avais aucune idée de ce à quoi elle ressemblait. Glauque non ?

Je me souviens très bien de son look en ce jour glorieux. Elle avait ses cheveux teints en rouge, et portait la tenue officielle de commandante des CS, une armure légère renforcée en kevlar qui faisait penser à l'habit parfait d'une super héroïne de bande dessinée. Pourtant, ce n'en était pas une, vous l'auriez compris. 

Prenant le Mégaphone, un appareil infernal qui amplifiait la voix à tel point que toutes les personnes présentes dans la cité, vivantes ou mortes, pouvaient vous entendre, elle avait hurlé à tout le monde qu'elle ferait tuer sur le champ chaque personne qu'elle reconnaîtrait dans cette foule d'opposition. Chaque personne, qu'elle les éliminerai une à une, comme elle avait pu le faire avec le Maire l'année dernière. Tout le monde avait rigolé, je m'en souviens encore.

City 44Où les histoires vivent. Découvrez maintenant