Pollux lui avait donné du fil à retordre. Phérès, vacillant, regagna péniblement sa chambre. Le sort dont il avait usé lui avait coûté beaucoup de son énergie... Il s'affala contre sa porte, le cœur battant la chamade. Le moindre effort lui était douloureux. Il entendit soudainement des pas précipités et un verrou qu'on défait. La porte bascula, lui retirant son seul soutien. Entraîné par son poids, le garçon s'affaissa dans les bras de son frère.
- Phérès ! s'inquiéta-t-il. Phérès !
- Merméros, murmura-t-il d'une voix endormie. Retourne te coucher !
Mais son jeune frère ne semblait pas décidé à lui obéir. Ses mains s'agrippèrent au vêtement de son aîné alors qu'il enfouissait son visage dans le creux de son épaule.
- Pourquoi ? s'étrangla-t-il. Si seulement j'avais des pouvoirs, moi aussi...
Phérès se redressa, étonné. C'était bien la première fois que Merméros parlait en ces termes. Serait-il jaloux ? Non... plutôt inquiet. Il lui sourit avec douceur.
- Tu en as un, mon frère, un bien plus grand que n'importe lequel de mes sortilèges.
- C'est vrai ? balbutia Merméros. Qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que c'est ?
Son frère ne répondit pas. Il se contenta de lui sourire et de passer une main sur ses yeux. Quand il la retira, son frère dormait profondément contre lui.
- Ça, tu le découvriras un jour, mon cher frère.
Son regard se porta par delà la fenêtre percée dans le mur du couloir. Il plissa les yeux, gagné par une soudaine mélancolie.
- L'aube est là...
Corinthe tout entier était en fête ! La joie courait dans les rues, planait dans le ciel tel un oiseau d'or dont les ailes saupoudreraient les esprits d'un éclat nouveau. Aujourd'hui, mariage. Aujourd'hui, le vieux roi quittait son trône. Aujourd'hui, une nouvelle page de l'Histoire s'écrivait. Voilà qu'elles étaient les pensées de Jason en voyant les plébéiens danser sur les routes pavées. On frappa à sa porte.
- Entrez ! lança-t-il.
Nérine le salua bien bas. Elle tenait entre ses bras la magnifique tunique de Médée.
- Voici le vêtement exigé par la princesse, sourit-elle avec douleur. Je suis sûre qu'elle ira à merveille à votre nouvelle épouse, seigneur Jason.
Le jeune homme sentit un élan de culpabilité étreindre son cœur. Il voulut parler, mais Nérine lui fit signe de se taire.
- Mon Seigneur, murmura-t-elle, les yeux larmoyants, votre union est bénie par les Dieux. Vous êtes un enfant bon, Jason, mais cruel envers les femmes qui s'éprennent de lui. Soyons bon envers Créuse, je vous en prie. Faites au moins cela.
Ses paroles étaient teintées de solennité, elles sonnaient comme un serment. Jason se promit de ne pas les prendre à la légère. Il cueillit le somptueux vêtement et le remit à un esclave.
- Je respecterai ta volonté, Nérine, promit-il. Oui, je le ferai, je le jure sur le Styx.
- Ne jure pas, doux guerrier. Seul l'avenir nous dira si Créon a eu raison de te confier la vie de sa fille.
- ... Nérine ? Comment va... Médée ?
La vieille servante pâlit. Elle songeait à sa maîtresse, perdue dans sa douleur, enfermée dans sa chambre alors que son exil pesait telle une épée de Damoclès sur sa tête, l'esprit perclus de souffrance, les pensées empoisonnées de mille sortilèges maléfiques. Pourtant, elle cacha sa peur derrière un sourire affable.
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Médée, un monstre d'humanité
FantasyMédée, princesse de Colchide, a tout abandonné pour suivre l'homme qu'elle aimait. En son nom, elle a trahi, tué, massacré, elle a fait appel à des pouvoirs obscurs à en damner son âme. Mais quand cet homme l'abandonne pour une autre femme, alors sa...