Chapitre 8

8 2 2
                                    


Créon était en train de faire une offrande à Jupiter avec Jason. Ils avaient sacrifié un jeune agneau en lui tranchant la gorge. Le sang de l'animal se répandait sur l'autel à grand flot, teintant la pierre d'un rouge cramoisi. Le roi plissa le nez. Ses rituels, bien qu'ils lui paraissent naturels, lui avaient toujours soulevé le cœur. Alors qu'il s'écartait pour laisser plce à son gendre et lui permettre d'adresser ses prières au roi des Dieux, il se sentit tiré brusquement en arrière. Une main froide armée de longues griffes fut plaquée sur le bas de son visage. Une odeur de charogne lui parvint et il gémit. Mais personne ne semblait se rendre compte qu'on était en train de violenter le roi sous leurs yeux.

- Ô roi stupide, toi qui te prétends sage, mais qui n'est qu'un homme cupide et stupide, chuchota Mégère dans le creux de son oreille. Toi qu'on dit être juste et qui t'acharne sur le sort d'une simple femme... Toi dont l'œil déforme la vérité, toi dont les paroles changent les faits. Deux malheurs vont te frapper. Ton destin s'accomplit, tu ne peux y réchapper...

La main libéra sa bouche. Créon voulut hurler, mais en était incapable. Les portes du temple furent alors violemment écartées par ses esclaves personnels.

- Votre Majesté ! C'est terrible, votre fille... !



Créon et Jason débouchèrent en trombe dans l'appartement de Créuse où elle gisait encore à terre. Aucun esclave n'avait encore osé toucher son cadavre. Jason, livide, n'osa pas pénétrer la chambre de sa fiancée. Accablé, épouvanté, il la contemplait sans pouvoir dire un mot ou esquisser un geste. Créon, lui, tomba aux côtés de sa fille. Ses mains tremblantes caressèrent son visage.

- Pourquoi ? gémit-il. Qu'avez-vous fait ?!

Il se tourna vers Jason, hors de lui.

- Toi ! Tu as amener le fléau dans ma demeure ! Tu es un monstre, tout autant qu'elle !

- Q... Quoi ? parvint seulement à balbutier le jeune homme, encore sous le choc.


- Vous avez tué Créuse ! Vous avez assassiné la chair de ma chair !

Tué, tué, tué, tué, tué, tué, tué ! Jason gémit, la tête comprimée par les reproches. Il se frotta les tempes comme pour espérer soulager la douleur qui l'habitait. Titubant, il se laissa aller contre le portant de la porte.

C'est alors que se produisit le deuxième malheur.

Un hurlement sans fin sortit de la gorge de Créon. Il était extrêmement douloureux, plus douloureux qu'une simple plaie de cœur. Sous les yeux terrifiés de ses esclaves, le bras de Créon venait de prendre feu. Jason, tétanisé, n'osait pas bouger un seul muscle. Les flammes gagnaient du terrain, dévoraient chair et vêtements. Les esclaves balancèrent de l'eau, mais le feu se raviva à son contact. Alors, ils essayèrent de l'éteindre à main nue, mais ils ne se brûlèrent pas.

- Démon ! hurla une esclave avant de tourner de l'œil.

Créon se tordait de douleur sur le sol, hurlant et hurlant encore. Les essais de ses esclaves pour le sauver ne faisaient qu'attiser la souffrance qui le dévorait. Il courait à travers la chambre, entièrement baigné de flammes, souffrant, lui semblait-il de mille maux ! Il voulut hurler le nom de Jason, le supplier de le sauver, mais il ne sortit de ses lèvres qu'un râle d'agonie. Alors, titubant, il se rendit sur le balcon. Tous virent avec horreur son corps basculer dans le vide.

Médée, un monstre d'humanitéWhere stories live. Discover now