Chapitre 5

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Quelle situation... délectable. La surprise, la peur, l'incrédulité, Médée avait savouré chacune des expressions sur le visage de ses ennemis. La venue d'Egée pourrait bien changer le cours de l'histoire... Qu'allait-il se passer dorénavant ? Et comment pouvait-elle en tirer avantage ? Quand

Nérine pénétra dans la chambre, elle trouva sa maîtresse allongée dans son lit, toujours vêtue de sa tenue de prêtresse. Trois jours avaient passé, mais Médée était demeurée immobile, elle n'avait pas bougé, toute à sa réflexion, toute à sa folie. Réellement inquiète pour la jeune femme, la nourrice avait fini par s'adresser à la seule personne susceptible de lui venir en aide.

- Madame... Madame... l'appela-t-elle doucement.

- Laissez, Nérine, intervint le visiteur. Je vais m'en charger.

A l'entente de cette voix, une foule d'émotions contradictoires passèrent sur le visage de la jeune femme. Soulagement, stupéfaction, colère, surprise, colère, amour, colère, tristesse, colère, colère, colère... Au centre de la pièce, le visage blême, les traits tirés et les yeux cernés, se tenait Jason. Il avait l'air las, fort las, tant et si bien que Médée sentit une nouvelle émotion poindre dans le tumulte sentimental qui hantait son esprit. Inquiétude... Elle se redressa, mais ses membres engourdis faillirent la lâcher. Elle tituba et sa nourrice vint à son secours. La magicienne la repoussa violemment.

- Ne me touche pas, traîtresse, siffla-t-elle d'une voix grave.

- Médée ! s'indigna Jason. Ne lui parle pas ainsi ! Si elle m'a fait venir jusqu'à toi, c'est que ton état l'affolait. Elle ne savait plus quoi faire.

- Seigneur Jason, laissez, intervint la vieille nourrice. Ma maîtresse a raison d'être en colère... Je vais vous laisser.

Elle s'inclina profondément malgré son vieux dos puis quitta la chambre à pas feutrés. Médée laissa planer un moment son regard puis se laissa tomber sur son lit, le visage dissimulé par le rideau noir de ses cheveux. Un pénible silence s'installa. Jason, gêné, voulut ouvrir la bouche, mais, ne trouvant pas les mots, la referma. Une fraîche brise vint soulever les rideaux.

Le prince déchu profita de cet instant pour détailler la mère de ses enfants. Il n'était pas sans ignorer qu'il avait joué un jeu très dangereux avec elle. Elle était redoutable, bien plus que les autres femmes dont il s'était joué autrefois. Bien plus dangereuse... mais bien plus utile aussi. Dire qu'il ne possédait aucun sentiment envers cette femme serait mensonge. Elle avait été sa compagne ces dix dernières années, il avait été heureux à ses côtés. Médée était une femme amoureuse, belle, attentionnée, douce et fiable. Jason avait pu toujours pu se reposer sur elle en cas de besoin, il le savait. Admiration... Reconnaissance, des liens très forts. C'est pourquoi il avait tout de suite répondu présent à l'appel de Nérine. Car même s'il considérait déjà Médée comme son passé, il ne pouvait pas tout simplement railler de sa mémoire tout ce qu'elle avait accompli dans son intérêt.

- Pourquoi... es-tu ici ?

Jason sursauta violemment à l'entente de la voix de la magicienne. Elle était grave et comme... dédoublée ? Oui, comme si plusieurs personnes parlaient en même temps qu'elle ! C'était étrange et très dérangeant...

- Nérine était vraiment inquiète à ton sujet, expliqua-t-il en s'avançant. Elle s'est peut-être dit que je parviendrai à te raisonner, moi.

- Me... raisonner ?

Le ton était surpris, comme celui d'une enfant qui ne parvient pas à saisir le sens d'une phrase.

Médée, un monstre d'humanitéWhere stories live. Discover now