"Le sommeil est une forme de protection." Beckett

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Avan se sentit vexé qu'elle refuse de lui répondre de la sorte. Il se sentait écarté d'elle, rejeté par elle. Puis il l'observa. Il l'observa vraiment. Elle était sur la défensive, dans une position qui ne laissait aucun doute sur son état d'esprit. Il comprit alors qu'elle n'aimait pas parler d'elle. Il avait trouvé une faille. La faille qui lui permettrait d'avoir un avantage sur elle ( hormis son statut de vampire, bien sûr ). Il la regarda, serrant l'oreiller contre sa poitrine et il la trouva vulnérable. Jusqu'à présent, il la voyait comme une femme forte, sûre d'elle, distante, inconsciente, maligne et drôle. Elle était tout cela, mais elle était bien plus que cela. Sans le vouloir, elle venait de lui montrer la petite part d'elle qui n'était pas insensible au reste du monde, son coté vulnérable. Avan était content d'avoir été aussi attentif. S'il n'avait pas fait attention, il n'aurait jamais remarqué cela. Il se sentait flatté d'avoir pu voir cet aspect là de la jeune femme. Il connaissait désormais son point faible. Son point faible était en quelque sorte elle-même. Jusqu'à maintenant, elle lui avait paru indifférente à tout. Jamais elle n'était contrariée, jamais elle n'était vexée. Elle restait juste impassible à tout. Il était prêt à parier qu'il parviendrait aisément à l'énerver s'il décidait de lui poser des questions sur elle. Il n'allait pas insister ce soir.

- Tu ne veux pas me donner un indice sur ton prénom ?

Il tentait sa chance. Il savait qu'elle n'allait pas lui faciliter la tâche et lui dévoiler son prénom de but en blanc mais il espérait qu'elle soit d'humeur magnanime et qu'elle lui confie au moins un indice. Qui ne tente rien n'a rien. Il vit qu'elle tergiversait puis il comprit qu'elle abdiquait.

- Il y a quatre lettres, se contenta-t-elle de répondre simplement.

Bon. Il ne voyait pas comment il réussirait à trouver plus rapidement le prénom de son humaine, mais c'était déjà un début. Il récita dans un coin de sa tête tous les prénoms à quatre lettre qui lui venait à l'esprit. Anna. Brie. Cléo. Dina. Ella. Fady. Gwen. Hina. Il continua ainsi, faisant l'alphabet plusieurs fois, avec différents prénoms à chaque fois. Vers la fin de sa réflexion, les prénoms qu'il trouvait étaient tous plus loufoques les uns que les autres, il décida donc d'arrêter. Il disposait de temps pour trouver, autant ne pas se précipiter. De plus, un prénom, ce n'était qu'une identité écrite. Un prénom ne reflétait pas la personnalité d'une personne. Il voulait connaître la femme qu'elle était. Seuls le temps et l'observation pourraient l'aider dans ce domaine. Le prénom n'était qu'abstrait.

La jeune femme reposa l'oreiller sur le matelas, avant de s'allonger. Elle attrapa la couette afin de la rabattre sur elle, faisant ainsi disparaître son corps de sa vue. Il fronça le nez. Avan venait juste de réaliser quelque chose de vraiment ennuyeux. Elle se trouvait dans son lit. Ça il l'avait remarqué bien avant. Le truc, c'était que ses draps retiendraient son odeur au cœur du tissu et ça, c'était la mort. Il mettrait des semaines avant de réussir à faire disparaître le parfum de l'humaine de chez lui. Il ne pourrait pas respirer chaque jour cette odeur si attrayante à ses yeux sans devenir fou, du moins plus qu'il ne l'était déjà. Chaque chose en son temps. Il penserait à cela plus tard.

- Qu'est-ce que tu fais voleuse ? demanda-t-il en la fixant.

- Ben là je fais mon jogging, ça ne se voit pas ? Sérieusement, tu as des questions tellement débiles que je commenceà m'interroger sur ton niveau intellectuel.

Il se mordit l'intérieur des joues. Sa patience avait des limites. Il réalisait pleinement qu'elle cherchait à le mettre hors de lui avec ses répliques sarcastiques. Ce n'était pas le problème, il avait du faire face à bien pire au cours de sa longue vie. Le problème était que ça marchait sacrément bien. Il se pencha sur elle et lui chuchota à l'oreille.

- Non mais tu comptes dormir ici ? Parce que je pourrais te tuer dans ton sommeil, ou pire encore...

- Fais-toi plaisir, répliqua-t-elle en se tournant de l'autre coté.

- À tes ordres, ma douce.

Sur ce, il partit éteindre la lumière. Il revint près d'elle et s'allongea contre son frêle corps d'humaine. Il lui retira la couverture qui l'entourait afin de pouvoir être entièrement collé contre elle, puis ramena la couette sur eux deux. Elle ne bougeait pas et semblait n'en avoir fichtrement rien à faire. Très bien, tant mieux pour lui. Il glissa son bras autour d'elle, sa main venant trouver sa place sur le ventre de la jeune femme. Elle ne bronchait toujours pas. Ils restèrent plusieurs minutes ainsi avant que le changement de respiration de sa voleuse ne lui indique qu'elle s'était endormie. Avan ignorait quoi en penser. Se laisser emporter par le sommeil en présence d'autrui était une marque de confiance. Cependant, il doutait fortement qu'elle lui fasse confiance. Il optait plutôt pour de l'indifférence totale à sa présence. Il ne savait donc pas s'il devait se sentir honoré ou blessé.

La main posée sur le ventre de la jeune femme, il pouvait sentir les va-et-vient de son abdomen qui correspondaient au mouvement de sa respiration. Celle-ci était régulière, légère, pratiquement imperceptible. Il trouvait cela apaisant. Ça devait faire des siècles qu'il n'avait pas dormit à coté d'un être humain. En général, il ne passait pas la nuit avec eux sans les vider de leur sang. Il avait donc oublié tout ça, la respiration, les petits spasmes faisant tressauter le corps endormi ou encore quelques battements de cœur qui se loupaient. C'était agréable. Il devrait le faire plus souvent à l'avenir. Quant à lui, il ne dormait pratiquement jamais. Ce n'était pas quelque chose qu'il appréciait faire. D'une part, étant un vampire, il avait rarement besoin de se reposer. D'autre part, dormir le faisait se sentir vulnérable, faible, et il abhorrait se sentir ainsi. Donc il préférait occuper ses nuits d'une autre manière. Celle-ci serait particulièrement divertissante, avec cette femme à ses cotés. Il y avait peu de chance pour qu'il se lasse de la regarder dormir.

Il réalisa un peu tard que la proximité qu'il avait lui-même instaurée avec la jeune femme posait plus un problème au vampire qu'il était qu'à elle. En effet, ses yeux ne cessaient de se poser sur la gorge dénudée de son humaine. Sa natte s'était défaite et ses longs cheveux noirs étaient éparpillés autour de son visage, découvrant son cou. Il voyait ainsi la carotide ressortir légèrement en dessous de sa peau et vaciller au rythme de ses battements de coeur. C'était un véritable supplice. Malgré le fait qu'il se soit déjà énormément nourri au cours de la nuit, il avait du mal à résister à la tentation d'enfouir ses crocs au fond d'elle et de goûter à sa saveur. Il ignorait ce qui l'empêchait de céder à la tentation. Après tout, elle n'était qu'une simple humaine créée dans le seul but de nourrir les vampires comme lui. Pourtant, il ne pouvait se résigner à faire cela. Il se contenta donc de focaliser son attention sur la respiration de la jeune femme, ce qui rendait son désir de sang plus supportable.

Vol de nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant