"Chacun a en lui son petit monstre à nourrir." Ferron

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Il retira ses crocs de la gorge qu'il venait de saigner sans aucun scrupule. Ce n'était que la quatrième fois de la nuit, pas encore de quoi éprouver de quelconques remords. D'ailleurs, maintenant qu'il y pensait, Avan n'avait jamais de remords. Ces choses là, c'était pour les faibles, pas pour lui. Jamais d'hésitations, jamais de regrets, jamais rien. Il n'était plus un humain. Il regarda le corps sans vie de cette blonde siliconée s'écrouler à ses pieds. Il se lécha les lèvres, goûtant pour la dernière fois les restes de cette femme au goût si sucré. La vie humaine... Chose si fragile et flexible, avec laquelle il pouvait jouer comme il l'entendait. Il éprouvait un certain respect pour la vie humaine, parce qu'il en avait jadis été un, mais ça n'allait pas très loin. Ses pulsions de vampires prenaient souvent le dessus sur sa raison, sur le reste d'humanité qui persistait en lui. Il le savait, et l'acceptait. Il ne cherchait pas à le combattre, parce qu'il n'en avait pas envie. Il était à la frontière de son humanité et de sa monstruosité. Il était un homme monstrueux, et un monstre humain.

Il avait vaguement conscience d'être couvert de sang. Ça ne le dérangeait pas plus que cela. Il ne trouvait pas cela sale, il était un vampire et le sang représentait pour lui tout ce qu'il aimait. Tout était appréciable dans le sang, qu'il s'agisse de l'odeur, de la texture, ou du goût... Pour lui, rien n'était plus jouissif que de sentir ses canines transpercer une fine couche de peau soyeuse puis de sentir le goût du sang se développer sur le bout de sa langue, puis le long de sa gorge et enfin au fin fond de son être. Le simple fait d'y songer le faisait frémir.

Petit à petit, il revint à lui, à l'homme qui s'éveillait plus qu'à la bête qui se rendormait. La fatigue le prit. Souvent, après s'être nourrit copieusement, le sommeil le guettait. Tel un humain après un repas un peu trop lourd en quête d'une petite sieste durant l'après-midi. D'ailleurs, en général, si Avan décidait de laisser la vie à l'humain en question, celui-ci était également emporté par le sommeil, suite à une perte importante de sang. Vampire et humain se trouvaient complémentaires, mais bien évidemment ça dépendait de la situation. Pour l'heure, l'humaine avait trouvé une autre forme de sommeil qui n'appelait pas le réveil. Avan la repoussa du bout du pied et le corps dévala le talus pour finir par plonger dans l'eau avec un ''splash'' très élégant. Il ne prit pas la peine de regarder la scène, il était déjà en mouvement, courant à travers les bois pour rentrer chez lui. La police retrouverait le corps de cette femme d'ici quelques jours, mais il leur serait impossible de faire le lien avec lui. Aucun indice, aucun mobile, ils pataugeraient un moment puis classeraient l'affaire, comme tant autres furent classées avant celle-ci. La famille de cette humaine ne saurait jamais comment sa vie s'était pitoyablement terminée, ils ne feraient jamais entièrement leur deuil, ils n'oublieraient jamais vraiment que le tueur rôdait toujours dans la nature. Avan n'en avait strictement rien à foutre. Il avait emporté cette vie parce qu'il était le plus fort, parce que c'était comme ça, parce qu'elle se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment, parce que la chance l'avait déserté cette nuit-là.

Avan était toujours profondément plongé dans ses pensées, oscillant entre ses deux natures, lorsqu'il la sentit. Elle. Il n'était même pas encore arriver chez lui, il se trouvait à plusieurs kilomètres. Pourtant, il pouvait sentir sa présence, son odeur. Il ressentit des picotements lui parcourir le corps sans parvenir à comprendre pourquoi. Excitation ? Curiosité ? Anxiété ? Instincts vampiriques ? Il devait se reprendre. Il ne voulait pas faire de mal à sa voleuse. Pas tout de suite. Pas encore. Peut-être jamais. Il devait absolument, nécessairement se calmer. Enfouir ses instincts de bête au plus profond de lui ou cette nuit se clôturait sur une mort de plus. Il prit une profonde inspiration. L'air qui vint s'engouffrer dans ses poumons lui fit du bien, lui éclaircit l'esprit. Il accéléra, histoire de se vider l'esprit des atrocités qu'il venait de commettre et de laisser partir le monstre qui l'habitait.

Il arriva devant chez lui. Il s'arrêta, tous les sens aux aguets. Son parfum était partout autour de lui, enivrant. Alors qu'il pensait que ça empirerait son comportement, cette fragrance eut l'effet opposé. Il se calma, subitement. Il venait de se retrouver entièrement, de retrouver sa place, son divertissement. L'énervement qu'il ressentait jusqu'à présent et dont il n'avait pas eu conscience, disparu instantanément. Son regard accrocha la baie vitrée. C'était par là qu'elle avait du passer car il n'avait pas le souvenir d'avoir laissé une autre fenêtre ouverte. Il se remit en mouvement et pénétra chez lui avec la discrétion d'un fantôme. Ses yeux la trouvèrent sans qu'il n'ait eu le temps de faire quoi que se soit. Assise dans le fauteuil près de la cheminée, le tapotement de ses doigts sur le velours du siège trahissait son impatience. Il comprit aussitôt qu'elle était là depuis un moment, qu'elle l'attendait. Elle devait avoir une envie très pressante de récupérer son pendentif. Il s'approcha d'elle et alluma la lumière, la faisant de ce fait sursauter.

- Je t'ai fais peur ? demanda-t-il avec un sourire mesquin.

Vol de nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant