Juliette - Runaway

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Il m'a pris la main.

Alors que je devrais être sidérée par tellement d'autres choses sur ce qui venait de se passer je restais les yeux rivés sur sa main. Sa main qui touchait la mienne sans soucis, alors que ce simple contact aurait dû lui aspirer toute son énergie, ma main qui, malgré tout mon corps qui tremblait restait dans sa main, nos mains qui restaient collées sans que l'un ne puisse enlever la sienne de l'autre.

Nos yeux qui se relevèrent finalement, en même temps. Je sais qu'il comprit au moment même où nos regards se croisaient que j'étais terrifiée de ce soudain contact. Comment avait-il fait ? Il devrait être au sol, raide mort. Mais il m'observait silencieusement. J'essayais de comprendre pourquoi j'y étais arrivée, pourquoi je n'avais ressenti aucune chaleur, aucune boule de feu dans mes mains lorsque je l'avais touché, et pourquoi il était toujours debout, en pleine santé. Là, je vis ses ailes déployées, comme fières de quelque chose, et leur couleur. Bleu glace, bleu comme l'eau gelée, une couleur magnifique, une couleur d'eau qui éteint le feu. Une couleur d'eau qui éteint mes pouvoirs. L'air se bloqua dans ma gorge et je me raidis comme un piquet, alors que toutes les pièces se mettaient en place. La couleur de ses ailes contenaient un pouvoir, elles étaient indépendantes de l'esprit de Steve, elles-seules prenaient les décisions, elles-seules choisissaient quand agir. Voilà pourquoi cet ange spontané ne s'était pas soigné lui-même après le combat contre Stefen, et voilà pourquoi je pris une décision. Il me regardai, prenant mon silence pour de l'admiration, de la joie, avec un sourire fier et confiant. Il pensait qu'à présent nous pourrions être proche l'un de l'autre sans que rien, ni monstre ni pouvoir, ne puisse nous en empêcher. Sauf qu'il ne pourrait pas vraiment empêcher un drame, seules ses ailes le pourraient. Résignée, je retirai ma main, pris une grande inspiration, serra les dents et me reculai. Je baissai les yeux, désolée. Je ne pouvais pas le toucher, ce n'était pas possible. Mes mains étaient un poison, ma peau était un poison pour lui. J'étais un poison pour lui.

- Je... je suis désolée Steve. Je ne peux pas, déclarai-je tandis que ma voix se brisait sur les derniers mots, Mais mains. Moi. Je suis trop dangereuse. Il... Il faut que j'y aille.

Il n'eut le temps de comprendre ce qui se passait mais je partais déjà loin, courant plus vite que je n'avais jamais couru auparavant, fonçant tête baissée dans des rues vidées par la nuit qui tombait. Mon sweat, déchiré par trop de péripéties, pesait sur mes épaules et je l'enlevai et le lançai loin de moi. J'attachai mes cheveux rêches et sales en un chignon décoiffé sans m'arrêter de courir, le vent soufflant sur mon visage humidifié à cause des larmes qui ne cessaient de couler à mon insu. Je m'en voulais de n'avoir mis qu'un simple débardeur pour nettoyer ma maison il y a déjà deux jours. Je me rendis soudain compte de la très basse température environnante et la morsure du froid glacial me prit toute entière. Cette soudaine prise de conscience me coupa le souffle et je m'arrêtai net dans ma course.

Deux jours. Deux jours seulement alors que tout ça s'était passé. Deux jours et tant de bouleversements, de révélations. Deux jours et plus de ''maman'', plus de ''papa''. Deux jours et Stefen, deux jours et Steve. Deux jours et moi. J'avais l'impression que le regard soûl et fou de mon père me parvenait d'une époque très lointaine, alors que voilà une semaine, ma pire peur n'était que le prochain hématome que j'aurais, la prochaine crise de mon père et l'état de santé de ma mère. Aujourd'hui, JE suis ma pire peur, et mon pire ennemi, un homme colossal qui se révèle être mon vrai père est à mes trousses, ayant la possibilité de se transformer en gigantesque guépard en option. Ma peau contient maintenant un poison constant, qui tue quiconque me touche, ami ou ennemi, qui m'empoisonne la vie.

Ma situation actuelle se révéla dans mon esprit, et alors que j'étais debout au beau milieu d'une rue, qui devait la journée être animée, déserte, j'éclatai en sanglots, tremblante de froid et de peur, comme une enfant, comme l'enfant que j'étais avant, l'enfant qui avait une mère aimante toujours là pour sécher ses pleurs. Des images d'enfants pleurant et disant tous la même chose apparurent dans mon esprit. « Je veux ma maman » pleuraient-ils désespérément. Oui, je voulais ma mère. Je pleurai toutes les larmes que je n'avais eu le temps de déverser durant ces deux derniers jours sur la mort de mes parents. Je m'asseyais contre le mur d'un bâtiment proche de moi, les genoux repliés contre la poitrine, la tête posée sur mes bras. Je n'arrivais pas à m'arrêter de pleurer. Je n'avais plus personne, plus personne pour sécher mes larmes, plus personne pour me réconforter, plus personne du tout. Je ne m'étais jamais sentie aussi seule de toute ma vie... Les larmes trempaient à présent mes mains qui tentaient désespérément de les arrêter, et je tremblais de tout mon corps. Mon nez menaçait de couler et je reniflais entre deux sanglots. Je me sentais vide, seule, sans plus aucune raison d'être encore ici. Une vieille envie me démangea, une envie que j'avais avant tous les jours lorsque ma vie avait plus de semblant d'une vie normale, l'envie de disparaître. L'envie de partir, de quitter ma vie, de disparaître de celle des autres. L'envie de m'envoler. Et maintenant que ma vie avait été totalement bouleversée, mon envol ne provoquerai de changement pour personne. Car je n'avais d'importance pour personne. Seule.

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⏰ Dernière mise à jour : May 21, 2016 ⏰

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