J'ai l'impression que mon âme vient de m'abandonner. Je monte ces marches avec la mort dans la peau et dans le cœur. Je vais croiser un flingue qui m'achèvera. À quoi bon se démener contre l'Etat même ? S'il veut nous anéantir, il n'a qu'à le demander. Qui l'arrêtera ?
J'arrive à l'étage du massacre. Je tremble, traîne des pieds, essuie le vomit qui perle encore à mes lèvres. Le cadavre d'un soldat me surprend à un détour, près de la fameuse salle.
Abattu par ses propres coéquipiers. Un déserteur ? Pas un contaminé en tout cas. Je ne le fixe pas plus longtemps, son état est horrible.
Je m'arrête à l'entrée de la salle. La porte a été défoncée. L'odeur nauséabonde me saisit. L'odeur que j'ai rencontrée pour la première fois il y a quelques jours déjà. La première chose que je remarque, c'est ce garçon qui pleure. Il est assis à terre, recroquevillé. Je distingue vaguement une petite silhouette pressée contre lui. Il est recouvert de sang, et le petit corps continue de s'en vider. Mon cœur se déchire.
Puis mon regard larmoyant se tourne vers le conduit. Le conduit trop bas où je m'amusais à cacher les affaires de mes amis quand j'étais petite. Il est ouvert et du sang frais s'en écoule goutte à goutte. Mais la large trace écarlate qui tache le mur et forme une flaque en bas me montre cruellement que ce n'est qu'une source qui se tarit. Le cadavre de la professeure se trouve à côté, comme si on l'avait jetée après l'avoir tuée pour mieux accéder à cette issue de secours providentielle.
Je m'avance mécaniquement vers le tunnel sanguinolent. Je ne suis plus vraiment moi-même, sinon je prendrais mes jambes à mon cou et irai me cacher dans un placard. Mais au lieu de ça je me penche et découvre un vrai charnier, recule précipitamment et vomit toute ma bile.
J'entends de nouveaux coups de feu, dehors. Ils sont encore là .Ils ne partirons que lorsque nous serons tous mort. Bombarder ne suffit pas, il ne faut aucuns survivants ! J'entends du mouvement aux étages inférieurs. Et s'ils revenaient ?
Je me tourne vers le garçon, la peur au ventre. Je ne veux pas mourir comme ça. Pas sans essayer de survivre !
- Quel est ton nom ?
Si je dois l'interpeller, je veux pouvoir le nommer.
Il lève vers moi un visage ensanglanté, arborant un jeune cocard qu'il ne possédait pas quand il m'a bousculée devant le bunker. C'est ce gars-là. Il me fixe avec de grands yeux verts durs. Je suis saisie de pitié mais aussi de peur. Je crains qu'il réagisse mal après ce qu'il vient d'endurer. Mais il se contente de me répondre d'une voix monocorde :
- Ayden.
Je vais mourir aux côtés d'Ayden, m'apprend mon subconscient.
- Il ne faut pas que l'on reste ici, lui dit-je avec une douceur étonnante tant la panique m'obsède.
Il éclate en sanglots en caressant les cheveux poisseux de la fillette dans ses bras.
- Je ne veux pas la laisser ici !
Je m'accroupis à côté de lui.
- Allongeons-la à côté du mur. Il est tant qu'elle repose en paix. Il ne lui arrivera plus rien.
Je ne sais pas comment j'ai sorti ça. Ayden colla son front sur celui de la fillette en signe d'adieu et la posa. On met ses mains sur son ventre comme le veut notre coutume. Des bruits de pas se font entendre dans un des couloirs. Je lui agrippe le bras et nous nous cachons.
- Ah ouais, quand même...
- Il ne nous a pas laissé le choix, Gein. Il avait pété les plombs...
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Speiranaute [en réécriture]
Science FictionLes infinis. Enaëlle en a entendu parler avant la catastrophe. L'infiniment grand et l'infiniment petit sont officiellement connu. Mais elle, elle sait qu'il en existe un troisième : l'infinité de mondes. Et son propre monde est dévasté. Ces nuages...