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Jay redresse son dos, ce qui fait craquer ses vertèbres. Tout en s'étirant, elle m'adresse un sourire de bienvenue. Je le lui rends et m'assois à côté d'elle. Elle pose l'imposant ouvrage devant moi et commence à me résumer ses trouvailles :

- Alors, j'ai réussi à décoder deux pages ! Leur complexité était bien plus élevée que les trois dernières, et ce, sans aucune gradation !

J'hoche la tête pour lui faire comprendre que je suis attentive.

- Ça reste des calculs, des équations et autres énigmes mathématiques, mais en plus d'être plus difficiles à résoudre ou réduire, j'ai l'impression que les inconnues sont de plus en plus rares et que chaque page lâche moins d'information que la précédente !

Le Grimoire des Mondes, comme nous l'avons nommé faute de mieux, contient en ses pages divers défis mathématiques que Jay et moi résolvions d'abord pour se distraire. Mais les énigmes sont très vites devenues beaucoup trop complexes pour moi, alors que Jay, dont l'intelligence et les connaissances dans ce domaine frôlent – du moins de mon point de vue – le génie, y voyait là un formidable terrain de jeu. Puis un jour, en jetant un œil sur une des feuilles où elle avait consigné ses calculs et résultats, j'ai remarqué une sorte de logique dans les inconnues qui demeuraient dans les solutions.

Les chiffres et signes dans le grimoire sont les mêmes que ceux de notre langue, mais là où nous utilisons des lettres pour signifier qu'il y a dans l'opération une valeur inconnue, il y est utilisé des signes que nous n'avions jamais vu. Au départ nous ne nous y étions pas attardées, quel que soit la forme que l'on donnait à ces inconnues, cela ne faisait aucune différence dans la manœuvre. Mais ce jour-là je réalisais que ces formes étaient les caractères d'une langue, et qu'ils semblaient avoir une logique dans leur répartition. Des mots ?

Depuis lors je me suis exercée à tenter de comprendre cette logique que je percevais en surface, puis à saisir cette langue étrange. Jay a peut-être un talent pour les nombres, mais je suis presque aussi douée dans les langues. Depuis toujours, je me suis montrée capable d'apprendre les codes et le vocabulaire d'un langage à une très grande vitesse. J'étais le genre d'enfant qui pouvait faire remarquer à son professeur qu'il avait mal orthographié un mot, sans craindre de se tromper.

Puis au bout d'un mois, j'ai enfin compris comment fonctionnait cette langue, bien que très différente de la mienne ! Et ce que j'imaginais était vrai : il y a un message caché dans les pages de ce grimoire. Fiction ou non, au fur et à mesure que nous le décryptions, le sujet apparaissait nettement. L'ouvrage traitait d'autres mondes.

Depuis, il est devenu notre obsession. Une échappatoire, puis la promesse, bien que sûrement chimérique, d'un nouvel espoir.

J'attrape les feuilles où Jay a consigné les résultats et leur provenance. Car les inconnues venant d'équations doivent être rassemblée entre-elles, et de même avec celles des fonctions etc. Le décodage est complexe par ces multiples règles, mais une fois acquises, cela deviens plus simple. Si tant est que l'on ne se trompe pas dans les problèmes mathématiques ou dans la traduction.

- Intéressant, je dis en traduisant ce que j'ai décodé sur les feuilles de Jay, ça parle d'autre chose là.

- Autre chose ?

- D'une personne.

Elle finalise son calcul et se penche de mon côté, intriguée.

- Comment ça ?

Je relis mes notes afin d'être sûre.

- On n'a pas encore décodé le contexte, mais ma traduction expose une personne qui...

Speiranaute [en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant