Chapitre I : Dans les flammes...

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Je voyais mal, tout était sombre, noir. Une odeur de fumée, de feu et de cendre brouillait mon odorat et je n'entendais que le crépitement des flammes. La maison, ma maison brûlait... Je réussis, après plusieurs tentatives, à me lever et je m'avançais ensuite difficilement vers l'escalier menant au deuxième étage, là où dormaient mes maîtres. La fumée embuait mes yeux, l'odeur nauséabonde pénétrait mes narines rendant chacun de mes pas douloureux mais... je devais sauver mes maîtres ! L'escalier était face à moi. En fournissant un effort colossal, je franchis la première marche, puis la deuxième. À la cinquième marche je m'effondrais, ma tête tournait, ma peau brûlait, mon corps entier me faisait souffrir le martyre. J'étais en train de mourir et je le savais.

* *

*

Lorsque je me réveillais, quelqu'un m'avait porté jusqu'au jardin. Une femme était penchée au-dessus de moi. Elle avait posé ma tête sur ses cuisses. Son air était triste, voire inquiet. Dès qu'elle vit s'ouvrir mes yeux, un sourire resplendissant se dessina sur son visage. Elle murmura :

- Tu es vivant !

Elle avait l'odeur du feu, de la cendre et... d'autre chose. Une odeur de sang : celui de mes maîtres ! J'avais instantanément reconnu cette odeur malgré mon état pitoyable. Je tentais de bouger mes pattes, mais mon corps tout entier me faisait souffrir et refusait de me répondre. Mes membres en particulier me faisaient mal à hurler et j'éprouvais la sensation horrible d'avoir les dents et la peau à l'air libre.

- Pauv' bête, dit un homme en m'observant d'un regard empli de pitié. J'pensais pas qu'il allait survivre, l'cleps !

Je ne compris pas un traître mot de ce qu'il venait de dire mais... je détestais le regard qu'il m'avait  lancé. Il était plein de pitié envers moi. Après quelques temps et un effort considérable, je parvins enfin à me tenir sur mes pattes. La femme était partie éteindre les flammes qui dévoraient ma maison, enfin, plutôt ce qu'avait été ma maison car maintenant ce n'était plus qu'un tas de cendres, de bois et d'autres matériaux qui m'étaient inconnus. Avec une grande difficulté, je parvins à faire un pas, puis un deuxième et un troisième jusqu'à marcher parfaitement en direction d'odeurs que je ne connaissais que trop bien, celle de mes maîtres, ma famille.

Les humains autour de moi paraissaient s'affoler, courant partout, manquant de me bousculer dans leur course folle. Je me sentais vraiment mal face à tous ces gens, face aux humains en général, toujours pressés, toujours en train de courir partout, tout le temps.

J'arrivais face à quatre draps. Je savais pertinemment ce qu'ils recouvraient : ma famille ! Je sentais leurs odeurs mêlées à une autre fragrance. J'y distinguais l'affreuse odeur de la mort. Alors je devais l'admettre. Ils étaient là, devant moi, morts. J'étais seul maintenant ; seul et abandonné dans ce monde qui bougerait, désormais, sans moi. Que faire d'autre que de m'effondrer là, sur place, pour attendre ma propre mort ? Je m'allongeais près des draps, posais ma tête au sol. Je ne pus retenir un hurlement continu. Il ne me restait plus rien d'autre à faire que cela : hurler, pleurer sur mon sort, comme un vulgaire chien des rues, ce que j'étais devenu, tout compte fait. Après quelques minutes passées à me morfondre, je sentis une odeur inconnue émaner des corps. Elle était à la fois douce et agressive, finalement délicieuse mais aussi repoussante. Elle me rappelait l'odeur des larmes, de la terre fraîchement retournée et... du sang, de la douleur ainsi que de la haine, une haine glaciale mais torride, une haine forte et incommensurable. J'en étais sûr : cette odeur ne pouvait être que celle de l'assassin ! Je cessais instantanément de hurler. C'était en effet de la haine qui emplissait tout mon être, maintenant.

Après quelques temps à fixer cette scène macabre, je sentis une main se poser sur ma tête. La jeune femme qui s'était occupée de moi plus tôt était revenue. Son sourire était doux et elle me caressait tendrement. Je me sentais terriblement triste mais elle me rassurait malgré moi. Cette main me faisait du bien...

Ce qui se passa ensuite m'échappa totalement. Je me laissais balloter par les évènements, trop triste, trop désespéré pour retenir quoique ce soit. De toute façon, j'étais dans un tel état que plus rien ne pouvait me toucher.

De fait, après cet événement tragique, les voisins et amis de mes ancien maîtres m'ont recueilli. Ils s'occupaient très bien de moi mais quelque chose me manquait : une famille. Ils me soignaient, me nourrissaient mais ils ne pouvaient en aucun cas remplacer ce qui m'avait été arraché violemment : ma famille avait péri, un point c'est tout, et elle me manquait en permanence.

Dans la rue les gens m'observaient d'un œil étrange. Ils avaient de quoi : suite à l'incendie, une partie de ma peau avait brûlée, ainsi que la chair recouvrant mes dents. J'étais devenu un monstre et, dans ma ville, on me surnommait : Smile Dog ! Ce surnom humiliant, la mort de mes maîtres, cette vie ennuyeuse et vidée de sens, toute cette souffrance, je la devais à lui : l'assassin. Je m'étais juré que, si je le retrouvais, je lui ferais payer au centuple ce qu'il m'avait fait subir !




Smile Dog (origine) {TERMINER}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant