Chapitre VI : Une nouvelle course-poursuite

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En me réveillant, je constatais immédiatement que j'étais seul. La jeune femme blonde s'était envolée. Je me levais donc vivement et suivis sa piste. Ce fut facile. La porte entrouverte de la chambre était une invitation à sortir. Les longs couloirs du manoir étaient quasiment vides mais les rares humains que je croisais me regardaient étrangement. Je suivis son odeur déjà familière un court moment. Elle me mena au grand salon. Mon intrusion fit tourner la tête aux deux humains que j'avais croisés la veille. Ils étaient en compagnie d'une jeune femme aux longs cheveux châtains bouclés. Il me sembla bien qu'une horloge remplaçait un de ses yeux mais je n'eus pas le temps de m'en soucier plus longtemps. Déjà, celui-là même qui, hier, m'avait claqué la porte au museau (le rouquin), se dirigea vers moi.

- Coucou le chien, dit-il avec un grand sourire, moi, c'est Masky ! Désolé pour hier soir. Ça a du te faire sacrément mal !

Ses yeux d'un bleu outrageusement clairs se plongèrent dans les miens. On s'observa un moment puis il détourna son regard quand le deuxième humain vint vers nous.

- Toby Rogers, commença celui-ci, Proxy depuis 5 ans déjà, j'ai 21 ans. .. mais ça ne se voit pas... Enchanté !

Toby prit dans ses mains, qu'il avait petites, une de mes pattes et la serra en la secouant de haut en bas. Ne comprenant pas ce geste, je levais la tête vers eux et promenais mon regard sur l'un, puis sur l'autre. Ils éclatèrent de rires. J'avais fait quelque chose de drôle ? Masky fut le premier à sortir de son fou rire. Le rouquin essuya des larmes aux coins de ses yeux puis, tapant plusieurs fois sur sa cuisse, il m'invita à le suivre, ce que je fis, trop content de pouvoir enfin obéir à un humain. Toby nous suivit, toujours mort de rire. On traversa le salon. Arrivé le premier à l'une des extrémités de la pièce, le rouquin ouvrit une porte qui donnait sur une grande cuisine tout en longueur dans laquelle se mêlaient d'innombrables odeurs, toutes plus délicieuses et alléchantes les unes que les autres.

Immédiatement, Masky se dirigea vers un placard, l'ouvrit et en sortit un sac en plastique transparent contenant une masse rougeâtre. Lorsqu'il l'ouvrit, une attirante odeur de viande juteuse me fit approcher. Avec délicatesse, le rouquin déposa le contenu du sac (un morceau de viande ensanglantée et informe) à mes pattes. Je remuais ma queue tout en mangeant joyeusement. Soudain, une présence que je n'avais pas détectée malgré mes sens aiguisés m'alerta.

Je levais le museau. Je vis un homme, calé entre deux murs, parfaitement camouflé. Je n'avais jamais vu un humain pareil ! Son visage semblait être un mélange d'innombrables origines. Cet homme était aussi fascinant qu'effrayant. En effet, ses longs cheveux de jais en bataille, le long sourire malsain surligné de dents pointues et livides que dessinait sa bouche fine et, pour finir, son regard de fou, lui donnaient l'aspect d'un tueur flippant de séries policières. Il s'approchât de Masky et de Toby.

- Alors comme ça, c'est vous qui piquez ma bouffe, cracha-t-il d'une voix derrière laquelle pointait l'amusement, je n'apprécie pas trop.

Masky s'approcha de l'homme, le poussa en arrière et répondit :

- Dégage Eyeless Jack ! Je supporte déjà pas ta présence quand tu es loin de moi, alors ne t'approche pas !

Eyeless Jack plongea ses yeux d'un vert sombre et marécageux dans l'océan bleu de ceux de Masky. Le rouquin avait un regard empli de haine, il était prêt à exploser. Eyeless Jack, de son côté, fixait son vis-à-vis d'un œil joueur et amusé.

- Qu'es qui t'amuse, tarlouze, s'énerva Masky !

L'amusement dans les yeux d'Eyeless Jack disparut, il semblait blessé.

- Quoi, dit Masky en voyant l'effet de son insulte, t'assume plus ?

Eyeless Jack se mordit la lèvre inférieure et sortit de la cuisine. Je le regardais partir sans comprendre. Je finis de manger puis sortis de la pièce. Je marchais joyeusement, remuant la queue. J'étais heureux, sans aucune raison. Les couloirs tortueux de l'immense manoir s'offraient à moi, j'avais l'impression qu'ils me tendaient les bras. Le sol d'un bois sombre recouvert d'un tapis de velours rouge semblait me sourire. Les murs originellement blancs, devenus gris avec le temps, me regardaient affectueusement. J'étais heureux, juste heureux. Tout simplement !

À ma droite, plein de portes toutes identiques étaient ancrées dans le mur et dégageaient des dizaines de parfums tous différents. Soudain, une odeur qui ne m'était pas inconnue me titilla les narines. Je la reconnu immédiatement : l'assassin. Sans plus attendre, je plaquais ma truffe au sol. Je devais le retrouver et c'est en courant que je remontais sa piste. Plus je me rapprochais de lui, plus je sentais le sang bouillir dans mes veines. La colère montait en moi, rapidement. Je pouvais sentir l'adrénaline pulser dans mon corps.

J'étais proche de lui, tout proche. Il finit par apparaître dans mon champ de vision. Je voyais distinctement sa silhouette fine et presque féminine qui me tournait le dos. En une fraction de seconde j'étais à quelques mètres de lui. Lorsque je fus assez proche, je bondis. Mes canines étaient à deux doigts d'atteindre son cou lorsqu'il se retourna. Sous l'effet de la surprise, ses yeux eurasiens s'ouvrirent en grand et, durant une fraction de seconde, l'océan présent à l'intérieur me noya. Sa première réaction fut de tenter de me repousser en arrière à l'aide de ses bras dans une tentative de défense désespérée. Il réussit seulement à stopper mon attaque consistant à lui arracher la tête et à me faire tomber à quelques mètres de lui. L'assassin tenta de fuir. Je l'en empêchais en lui mordant profondément le mollet gauche. Il tenta de se débarrasser de moi en secouant sa jambe mais je raffermis ma prise. Je pouvais sentir mes dents s'enfoncer plus profondément dans sa chair. Ma victime poussa un gémissement de douleur et tomba en avant.

L'assassin se débâtit comme un damné, secouant violemment sa jambe pour que je la lâche. Je pouvais sentir la peur et la panique prendre possession de son être maléfique et je m'en délectais. Il finit tout de même, à force de cogner ma tête contre le mur, par me faire lâcher prise. Il se releva d'un bond avant que j'ai pu lancer mon prochain assaut. Il prit la fuite en s'appuyant contre le mur, je le suivis.

Le silence était lourd, tout comme l'atmosphère des longs couloirs qui abritait notre course-poursuite. Les seuls sons audibles étaient mes grognements et sa respiration saccadée. Je pouvais aussi entendre de rapides battements réguliers : son cœur (s'il en possédait un). D'un coup, il lâcha le mur et se mit à courir malgré son mollet à moitié déchiqueté. Les humains sont vraiment fascisants, même au bord de la mort ils trouvent la force de fuir le danger. Je voyais bien qu'à chaque fois que son pied blessé touchait le sol son visage se tordait de douleur. Malgré cela, il continuait à courir. Le pire, c'est qu'il allait sacrément vite ! Tellement vite que je commençais à avoir du mal à le rattraper. Comment faisait-il ? Je redoublais d'efforts, je devais le rattraper ! Ma gorge commençait à me brûler et le monde autour de moi devenait flou. J'avais l'impression que le vent nous accompagnait dans notre course. Je finis par arriver à son niveau. Je tentais de le mordre tout en courant mais il m'évita une nouvelle fois.

Nous étions désormais au niveau des deux escaliers parallèles menant au premier étage. L'assassin descendit rapidement celui de gauche puis se précipita dans le salon. Zut ! Il allait chercher de l'aide.

Smile Dog (origine) {TERMINER}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant