Chapitre II : Une odeur familière

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Je m'éveillais doucement, une lumière aveuglante me força à refermer les yeux. Je tentais de les rouvrir quelques instant plus tard, mais les refermaient immédiatement. Je secouais ma tête et avançais hors du faisceau aveuglant. Je vis les gens qui m'avaient adopté (je ne pouvais toujours pas les qualifier de maîtres) en train de s'activer autour de moi. Je les observais, j'étais habitué à les voir courir, mais aujourd'hui... cela me semblait différent. Ils étaient tout de noir vêtus. La femme s'approcha de moi, elle mit ma laisse autour du cou. Chouette, j'allais me promener !

L'homme rejoignit son épouse et, une fois ensemble, ils me firent sortir de la maison. Aujourd'hui, je les sentais différents : tristes, mal à l'aise et stressés. A quoi cela pouvait-il être du ? J'étais moi-même un peu perdu, du coup. Étrangement, au lieu de partir se promener sur les chemins de campagne comme nous le faisions tous les jours, nous prîmes la voiture. Je n'y comprenais plus rien. Déjà que ma situation actuelle m'échappait mais là, c'était vraiment n'importe quoi ! J'étais complètement perdu...

La voiture s'arrêta dans un grand parc. En son centre, on trouvait une église de style roman. Ils me firent sortir de la voiture. Enthousiaste, remuant la queue comme un fou, excité par les bonnes odeurs du dehors, je me précipitais hors de celle-ci pour aller découvrir ce nouvel environnement. Je me mis a renifler les alentours. Soudain, je senti l'odeur de la famille de mes maîtres. Alors, je me mis à courir vers eux. Ils étaient tous rassemblés autour de l'église et habillés de noir. Je me précipitais vers ma tante. Lorsqu'elle me reçut, elle me serra fort contre elle, comme si sa vie en dépendait. Des larmes coulèrent sur ses joues.

- Ho, mon petit Rocky... C'est horrible ce qu'il t'a fait, cet homme !

Ils vinrent tous autour de moi. Chacun avec sa propre expression : certains avaient peur, d'autre étaient amusés, ou dégoûtés, ou bien encore incrédules mais... tous avait pité de moi ! Je ne voulais pas de leur pité. Je suis un chien, moi, un animal fier ! Je me dégageais d'eux et partis explorer cet environnement. 

C'était vraiment grand et spacieux. L'endroit était bordé par une forêt dense et profonde. Après quelques temps à repérer et enregistrer toutes ses nouvelles odeurs, j'en senti une qui ne m'était pas inconnue : une odeur à la fois douce et agressive, finalement délicieuse mais aussi repoussante. Elle me rappelait l'odeur des larmes, de la terre fraîchement retournée et... du sang, de la douleur ainsi que de la haine, une haine froide mais brûlante, une haine forte et incommensurable : l'odeur de l'assassin ! Je courus dans sa direction, je devais le trouver, je devais le tuer, je devais venger mes maîtres ! L'odeur émanait d'un arbre situé juste à côté de l'église. Je reniflais partout autour de celui-ci mais je ne trouvais pas celui que je cherchais. Son odeur était bien présente, pourtant... Alors, l'idée me vint de lever la tête. Enfin, je l'aperçus : un homme, perché sur une haute branche de l'arbre, m'observait. 

Il avait entre 20 et 25 ans. Probablement eurasien, à en juger par ses yeux semi bridés mais d'un bleu glacé. Ses cheveux noirs d'ébène et ébouriffés lui donnaient un air sauvage. L'homme possédait une peau livide, trop blanche pour être naturelle. Mais le plus étrange, c'était sa bouche. Elle était... beaucoup trop grande. En fait, ses joues étais "ouvertes", comme découpées par une lame et on pouvait voir ses dents ! Concernant son corps : c'était l'exemple même de ce que les humains appelaient un corps de danseur ! Il était long, fin, grand, musclé sans trop l'être et bien proportionné avec de longues jambes fines. L'homme était habillé de vêtements simples : un sweat à capuche blanc, un pantalon noir et des baskets.

J'en étais sur : il s'agissait de l'assassin ! Je me mis à aboyer pour prévenir les autres qu'il était là. Il plaça un doigt devant sa bouche comme pour me dire de me taire puis monta plus haut dans l'arbre, d'une manière gracieuse et avec la précision d'un chat. Je voulus le suivre, je tentais de grimper dans l'arbre mais je n'y parvins pas. Alors que je redoublais d'effort dans les aboiements pour compenser ma frustration de ne pouvoir me saisir de lui, très vite. La famille de mes défunt maîtres vint voir la raison de mon agitation. Ils m'observèrent, puis regardèrent l'arbre de haut en bas sans rien voir. Comment était-ce possible ? Ils partirent tous les uns après les autres, pensant qu'il n'y avait rien. J'étais persuadé du contraire ! Je pouvais le sentir, moi, même s'il s'était soustrait aux regard en se blottissant dans les frondaisons.

Je relançais un regard vers l'arbre : rien. Je ne vis rien. Ma vue est beaucoup moins bonne que celle des humains, c'est un fait mais... son odeur était toujours là. J'arrêtais mes aboiements pour me concentrer sur mon ouïe. J'entendis sa respiration, elle était saccadée. Donc, il devait être en train de fournir un effort. Je m'approchais encore de l'arbre en observant avec insistance ses moindres recoins. L'assassin était bien là, accroché aux branches dans une position étrange. C'est-à-dire qu'il était complètement replié sur lui-même pour prendre le moins de place possible, les bras et les jambes s'accrochant d'une manière tout sauf naturelle à une branche. Je n'avais jamais vu un tel numéro de contorsionniste.

Je recommençais a aboyer, posant les pattes sur le tronc de l'arbre pour bien monter qu'il y avait vraiment quelque chose ici. Ils revinrent mais... au lieu de chercher dans l'arbre, mes "nouveaux" maîtres passèrent ma laisse autour du cou et m'emmenèrent loin de l'assassin. Je tentais désespérément d'y retourner, tirant de toutes mes forces, aboyant à m'en déchirer les cordes vocales mais ils ne voulaient rien entendre, rien voir.  Je le vis, l'assassin, toujours perché en haut de son arbre. Il me regardait, d'un œil empli de pitié. 

Smile Dog (origine) {TERMINER}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant