Chapitre V : La photo

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Elle gravit les escaliers quatre à quatre comme si le diable en personne était à nos trousses. Je peinais à la suivre et j'avais l'impression qu'à chacun de mes pas que j'allais tomber de fatigue. A plusieurs reprises, mes pattes se dérobèrent et je faillis tomber. Nous arrivions finalement à la mezzanine géante qui faisait office de deuxième étage. Mais la jeune femme ne me lâcha pas pour autant, bien au contraire ! Elle resserra sa poigne sur la laisse et accéléra encore. La jeune femme aux yeux entièrement noirs traversa plusieurs couloirs tortueux bordés de nombreuses portes laissant filtrer de l'air. Passant près de chacune d'elle je remarquais l'odeur qui en faisait la caractéristique, provenant d'humains que je ne connaissais pas.

Nous finîmes par arriver près d'une porte qui devait contenir quelque chose de tout sauf d'humain. Il s'en échappait une odeur ancienne, pas désagréable du tout, au contraire. C'était envoûtant mais piquant. Cela agressait et caressait mes narines. Interloqué, j'essayais d'isoler les éléments qui la composaient. Une douce odeur d'herbe dominait. Pas celle souillée et sale des parcs au centre des grandes villes, non. C'était celle que l'on trouve aux confins du monde, une herbe sauvage et pure. Cette odeure était envoûtante. Ensuite, il y avait celles qui agressaient et piquaient ma truffe. J'en distinguais deux. L'une était la mort et l'autre le sang mélangés aux larmes. Je voulus m'arrêter pour mieux me concentrer mais la jeune femme me tenait toujours fermement et cela m'en empêcha. Je fus d'ailleurs très surpris car de mémoire canine personne n'était jamais parvenu à m'égaler ou à chercher à résister à ma force physique (en même temps, je mesure un peu plus d'un mètre au garrot).

Elle finit par s'arrêter devant l'une des portes, sortit une clé de sa poche et l'ouvrit. Elle donnait sur une jolie chambre aux murs et aux meubles entièrement blancs. Au centre se trouvait un lit à baldaquin qui était, lui aussi, de la couleur de la neige. Elle finit par me lâcher une fois qu'elle eut fermé la porte et se jeta sur le lit.

- Tu viens ou tu restes dehors avec 1% de chances de survie, le chien ?

Bien que ne comprenant pas un traître mot de ce qu'elle me disait, je m'exécutais en remuant la queue. Je me fichais bien de ce qu'elle pouvait raconter et n'avais aucunement besoin d'encouragement pour me coucher enfin. Cette endroit m'inspirait confiance et je dormais debout depuis un moment. Je me dirigeais donc vers un tapis au coin de la pièce, fis plusieurs tours sur moi-même sans pouvoir m'en empêcher malgré la fatigue pour, finalement, m'y coucher. Mes yeux s'alourdirent, mon corps se détendit puis je m'endormis.

~~~

Je fus réveillé en pleine nuit par des chuchotements provenant de l'extérieur de la chambre. J'ouvris doucement les yeux et me levais. La pièce était plongée dans une pénombre presque totale. Je me tournais vers la jeune femme, elle dormait à point fermés. Je m'approchais de la porte à pas de loups et entendis distinctement deux voix.

- T'es sur que c'est une bonne idée, dit une voix soprano masculine ?

- Mais ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii, répondit une voix enfantine.

Je pus discerner deux odeurs également. L'une sentait le savon pour enfant, l'autre était plus virile - probablement celle d'un parfum pour homme. Je m'assis sur mon arrière train et fixais la porte. Je l'entendis grincer. Elle s'ouvrit d'abord tout doucement et puis d'un coup quelqu'un l'ouvrit avec fracas. Je me la pris en plein dans le museau ! Je poussais alors un long couinement de douleur. A peine remis de la douleur et de la surprise, je titubais pourtant vers mes bourreaux, en jappant. Puis, proche d'eux à les toucher, je pris une posture martiale et me mis à les fixer sans ciller, le museau en sang. Mon odorat ne m'avait pas trompé, il y avait effectivement deux personnes : un homme d'une vingtaine d'années et un enfant. Je ne les distinguais pas bien dans l'obscurité mais je vis qu'ils avaient tous deux des yeux de glace magnifiques. Ceux de l'homme étaient plus clairs, frôlant presque le surnaturel. Il avait une chevelure rousse complètement ébouriffée qui semblait avoir était peinte par un artiste fou. L'océan de leurs yeux réunis me fixait avec étonnement.

- C'est quoi cette horreur, dit l'homme en me désignant d'un air dédaigneux ?

L'enfant sortit un appareil photo, le pointa sur moi puis prit un cliché.

- Toby, tu fais quoi, là ?! On est censée prendre Angel en photo pendant qu'elle dort, pas ce

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- Toby, tu fais quoi, là ?! On est censée prendre Angel en photo pendant qu'elle dort, pas ce... cette... enfin... ce machin...

Celui qui avait pris la photo, Toby, fixa le rouquin avec de grands yeux.

- Ce n'est pas "un machin", c'est un chien, dit-il !

- Et bah il est franchement moche, répondit une nouvelle voix teintée d'un léger accent américain.

Derrière eux, j'aperçus en effet un homme qui semblait être afro-américain, arborant un visage vidé de toute émotion. La jeune femme se réveilla.

- Les garçons, murmura-t-elle encore à moitié endormi ?

Le rouquin et Toby détalèrent. La blonde, encore à moitié endormi, fixa le seul qui était resté.

- Hoodie, dit-elle en s'adressant à lui ?

- J'ai l'impression que ces gros pervers de Masky et Toby voulaient te prendre en photo pendant ton sommeil.

Elle rigola.

- C'est quoi c'te merde, dit-il en me montrant du doigt ?

- Mon chien !

Elle s'approcha de moi et me frotta le cou gentiment. Hoodie me fixa un moment puis partit sans dire mot. Elle referma la porte de la chambre et soupira en se plaquant dessus :

- Rhaaaaaa, les garçons c'est vraiment tous les mêmes ! Si tu n'avais pas été là, ils l'auraient eu cette fichue photo. N'empêche, t'es un bon chien de garde...

La femme regarda mon museau.

-... mais t'es vraiment maladroit... ou stupide. Peut-être les deux.

Elle se pencha puis pris mon museau entre ses fines mains.

- Heureusement ce n'est pas grave, mais la prochaine fois évite de te mettre derrière les portes, Mongolito !

Je la fixais la langue pendante tandis qu'elle allait se recoucher. 

Smile Dog (origine) {TERMINER}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant