여섯

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Non. Taehyung examinait chaque recoin de son esprit, en vain. Il avait beau imaginer les lundis, jeudis, ou dimanches, il était certain de ne jamais l'avoir rencontré. Maintenant qu'il y pensait, peut-être qu'il avait déjà entendu parler de lui... Et puis non ! Crotte de bique ! Il n'avait jamais ouï dire qu'oncle Jo avait un fils.

Il était bouleversé. Contrarié. Irrité. Agacé. Cela n'aurait pas inquiété Taehyung, si son frère ne s'en était pas souvenu. Mais son frère se souvenait précisément de lui. Il l'avait même reconnu. Cela ne l'aurait pas inquiété non plus si ce fils en question n'avait pas été son voisin de table, le justaucorps. Le scotch. Alias « le garçon-le-plus-collant-gluant-conglutinant-au-monde ». Egalement appelé Jeon Jungkook.

***

Les deux frères étaient ensuite rentrés chez eux, à pas comptés.

Taehyung s'était endormi noyé dans ses préoccupations. Le café lui avait rappelé l'odeur de sa douce mère.

***

Le lendemain, il avait lu, allongé sur son balcon, toute la journée. Son frère avait lu à ses côtés. Ils vivaient dans leur bulle, une intimité immuable, impérissable. Souriants, émus, inquiets, ils vivaient leurs romans. Ils en avaient oublié l'heure du repas.

Ce jour là, Taehyung avait fait une crise. Il avait senti ses bras tomber, ses muscles capituler. Il avait été dépossédé de son corps. Il était conscient, comme la plupart du temps. Assez conscient pour entendre son frère renifler, tangible au froid. Le temps était alors immobile. La vie défilait parfois, devant lui, impuissant. Puis, doucement, sensiblement, il revenait à la vie, rappelé par la nature.

Taehyung avait essayé de cuisiner, mais tout avait encore brûlé. Ils avaient dévoré leurs assiettes noircies, accompagnés par une fantaisie en ré de Mozart, que Taehyung avait piochée, au hasard. Ils avaient beaucoup ri, ce repas, se remémorant un moment de la veille, dans le métro, entre autres.

Ils étaient ensuite sortis jusqu'aux bords du fleuve Han, pour flâner dans les brocantes journalières. Ils avaient renouvelé leurs stocks de romans, de recueils, de nouvelles et d'essais philosophiques – les préférés de Taehyung, et avaient déniché deux petites tables de salon, en bois, qu'un vieux aux poils gris donnait.

Ils faisaient souvent ce genre d'affaires.

Le soir, Taehyung s'était lavé. Il avait enfilé un jean et un sweat avant de coucher son frère. Il était déjà 19h30. Ce soir, il travaillait. Comme chaque fois qu'il repensait à sa mère, son cœur lui fit mal.

Il souffla et sortit dans le froid, se fondant dans la masse pullulante de la capitale.

***

Une fois arrivé dans le café, un homme lui avait remis son uniforme. L'oncle Jo était absent. Bien sûr qu'il allait investir ses samedis soirs autrement qu'à trimarder dans les pattes de ses employés, pourquoi n'y avait-il pas pensé ? Tous les serveurs portaient le même uniforme que le sien. Un pantalon cigarette noir, une chemise noire, des derbies noires, ainsi qu'une ceinture de cuir noir. Du noir quoi.

« - Salut » avait commencé l'un d'entre eux.

Taehyung n'avait pas répondu. Il n'avait pas écouté, en fait. Il était préoccupé, perdu dans ses pensées, fixant le plus petit des serveurs. Les deux se regardaient sans réserve, comme s'ils allaient se dévorer. De la haine. Du désir. Un désir de savoir. De dominer. De la curiosité et de la méfiance. Une mosaïque de sentiments ineffables, qu'aucun ne saurait décrire.

Taehyung le connaissait.

Ce garçon était l'ami du justaucorps. Le garçon au regard le plus sombre de tous. Oui, il le connaissait.

« - Jimin ? Tu le connais ? » 

Se nourrir de rêves. (vkook - taekook) (BTS)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant