SLAD

Incassable ?

- Tu aurais pu y aller doucement avec lui, dit-il tout bas à son acolyte. On est censé l'entraîner, pas le tuer !

- J'aurais bien voulu te voir à ma place ! Tu as oublié qu'il était assis sur moi avec son pantalon plein de merde, en me tapant dessus ! Il était en train de souiller mes vêtements, et ses coups auraient pu les déchirer!

- Tu l'as bien cherché. Si tu l'avais moins provoqué, il ne se serait pas autant énervé.

- Faut savoir ce que tu veux ! N'oublie pas que le Spoth lui pompait petit à petit toute son énergie. Si on l'avait laissé faire, le gamin serait peut-être déjà mort.

- Pourquoi, ce n'est pas le cas ? ajouta Zed avec une pointe d'ironie.

Slad ne bougeait plus.

Il était resté étendu sur le dos.

A côté de lui, les morceaux de Spoths répandus dans toute la grotte n'étaient déjà presque plus que de la poussière grisâtre, de laquelle émanait une forte odeur de putréfaction ; comme un relent de souffre mêlé à celui d'un Ougneth en décomposition.

Le bras droit de Slad avait retrouvé son aspect normal, malgré l'aspect livide de sa peau.

Zed et Julian cessèrent de débattre et s'approchèrent de lui. Ils lui ouvrirent sa chemise, afin de vérifier qu'il ne restait aucune trace du Spoth. 

L'état de Slad inquiéta  Zed.

- Slad ? Slad, tu m'entends ?

- Il a fait une sacrée chute, ajouta Julian. 

Zed lui tata le pouls et ajouta :

- Je crois surtout qu'il a puisé dans ses réserves et qu'il a réussi son premier entraînement.

- Par contre, il s'est bien éclaté la main sur la roche, regarde ça ! 

La main de Slad saignait abondamment. On apercevait l'extrémité de deux phalanges à travers des plaies profondes.

- Il va avoir besoin de soin et de repos. Amenons-le près de la cascade, à l'entrée du tunnel. Julian, ajouta Zed, c'est à ton tour d'aller nous chercher un vers. Le môme va devoir reprendre des forces.

- Eh bien ses forces attendront que mes vêtements soient nettoyés. Avec cette odeur de fiente de Gahzinth, je vais faire fuir tous les vers de ce trou à rat !

- Puisque tu as fais tienne la délicate fragrance de notre jeune ami, je te laisse le soin d'emmener Slad avec délicatesse près de la cascade, si tu n'y vois pas d'inconvénient Julian. 

Zed tenta de dissimuler l'amusement que lui procurait cette proposition. Il ne fallait pas contrarier Julian s'il espérait que ce dernier porte Slad vers la cascade.

- Ca t'amuse hein ? protesta Julian. Tu as passé un bon moment, pendant que le gosse s'évertuait à dénaturer mes vêtements en s'agitant sur moi ? Ah ! Là, il ne fallait surtout pas intervenir !... Hein ?!!...  Julian était vexé. Sentant qu'il ne parviendrait pas à avoir le dernier mot, à moins qu'il ne soit impatient d'aller laver ses vêtements, il ne chercha pas à poursuivre la discussion.

- La prochaine fois, c'est toi qui t'en occupes, Zed. Moi je ne bougerai pas. 

Sur ces dernières paroles, Julian se leva. Il attrapa Slad par les bras et commença à le traîner vers la sortie. Slad émit un léger gémissement.

-Tu pourrais au moins le porter !  Zed prononça ces paroles de la manière la plus neutre et détachée possible. Aussi délicatement qu'on chercherait à ajouter quelques gouttes d'un vin exceptionnel à un verre déjà rempli à ras bord, en espérant ne pas le faire déborder.

Julian souleva alors le garçon. L'écoeurement se lisait sur son visage.

Zed crut un instant entendre son compagnon maugréer. Mais il n'en fut pas certain.

Il sortit le premier, afin de devancer les effluves nauséabondes de ses compagnons. Il jugeait qu'ainsi, il serait à une distance raisonnable pour son odorat.

Tous les trois se dirigèrent en direction du bruit que faisaient les trombes d'eau de la cascade à l'entrée du dédale caverneux.

Trop occupés à regarder où ils posaient les pieds et à oublier les émanations écoeurantes, ils passèrent à côté de la paroi rocheuse, encore ensanglantée par la main de Slad à l'endroit de l'impact.

Des gouttes se sang s'insinuaient dans une profonde entaille fraîchement creusée.