En vers... et contre le sol !

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Zed s'avança volontairement et rapidement vers Slad malgré le poids de la lourde charge qu'il portait sur ses épaules.

Slad n'eut pas le temps de se redresser pour s'asseoir que Zed lui projeta l'énorme corps du vers ensanglanté avec hargne.

- Et je ne veux aucun reste ! Vous avez intérêt à tout avaler ! lança t-il sèchement aux deux compagnons sur un ton visiblement agacé. Puis il alla s'adosser un peu plus loin contre une paroi humide sans rien ajouter.

- Foutre de Gnohl ! Espèce de clochard sénile !! Enfoiré !!!... semblait-on entendre de sous le corps imposant et moribond du gros vers suant par tous les pores de ses replis visqueux. Slad était écrasé sous la masse du gigantesque animal qui semblait encore en vie.

- Putain ! Et en plus il est pas mort ! Gnnfff !! Sortez-moi de là bande de sous merdes !

Julian qui s'était retourné pour observer la scène ne pouvait contenir un sourire exprimant toute la satisfaction et le plaisir qu'il prenait à assister à cette scène inattendue et jubilatoire. Il observait, amusé, le pauvre Slad tentant tant bien que mal de se débattre avec la bête mais surtout tentant de s'extraire de sa masse écrasante. D'un œil de connaisseur, Julian avait dès le début remarqué la nature de la prise particulière de Zed. Il avait anticipé avec satisfaction la réaction de son ami suite à l'intervention naïve de Slad ; comme un enfant peinant à dissimuler sa joie et son impatience dans l'attente du résultat d'une mauvaise blague préméditée sur une cible désignée.

Il ne put s'empêcher de lâcher un rire gras et sardonique.

- Mmppfff ! Gnaargghh... et en plus ça te fait rire ! cria Slad plus distinctement à Julian, tout en dégageant péniblement sa tête qui devenait enfin visible de son compagnon de route qui restait assis sur son rocher à se repaître de la scène cocasse sans en manquer une miette.

- Tu ne bougerais même pas ton gros cul pour venir m'aider !

- Excuse-moi, dit Julian en cessant de rire un court instant, mais j'ai des problèmes de vue dans les endroits sombres et j'aurais besoin de VERRES oculaires pour cela... Et il se remit à rire de plus belle.

- Mmppfff ! C'est pas le moment de faire de l'humour ! Éructa Slad dans une diction qui se faisait plus difficile. Viens me sortir de là-dessous ! J'arrive plus à respirer !

- Bon, lui répondit le petit dodu tout en refermant son livre et en conservant son sourire moqueur sur son faciès bonhomme, ... j'accepte de te donner un coup de main si tu me promets de ne plus remettre en cause la fiabilité de mes portails, ni de m'appeler sale râleur.

- C'est pas le, gnnmmff..., moment de marchander ! Ce lombric putride pèse son poids !

- Alors ?... J'attends...

- Si j'étais toi petit, je ne discuterais pas. Zed venait de sortir de son silence et semblait retrouver le sourire en voyant Slad dans une telle situation.

- Ok ! Ok ! C'est bon ! Viens m'aider maintenant ! S'impatienta Slad en tentant de cracher le liquide visqueux qui dégoulinait sur son visage et s'insinuait dans se narines.

- Dis-le, ajouta Julian qui se tenait désormais debout à côté de la scène et toisait Slad de haut.

- Je ne critiquerai plus tes portails !

- Et ?...

- Et quoi ?!!!

- Il manque quelque chose mon petit Slad, précisa Julian en affichant son sourire dominateur.

- Tu n'es pas un sale râleur ! Voilà ! Allez, bouge ton cul maintenant !

- Ah oui ! Au fait, en parlant de cul, j'ai une gros cul, Zed ? demanda posément Julian à son ami.

- Non pourquoi ? répondit Zed.

- Probablement que mon ouïe me fait parfois défaut, ajouta Julian, mais il m'a semblé que Slad avait parlé de gros cul tout à l'heure, concernant mon noble postérieur... Et puis ce sale morveux pourrait me demander de l'aide poliment, précisa t-il en prenant un malin plaisir à faire durer la scène.

- Je crois qu'il ne va plus tenir très longtemps, l'interrompit Zed d'un ton laconique.

- Ok, j'ai compris. C'est bon, dit Julian. »

Tout en prononçant ces mots, il s'avança de quelques pas vers le vers qui recouvrait le corps de Slad puis sembla se concentrer quelques secondes. D'un geste bref mais intense, il frappa le vers à l'aide de son livre qu'il posa ensuite sur le sol. Le vers ne bougeant plus, il s'accroupit près de la tête de Slad et commença à s'en saisir et à tirer tout son corps vers lui.

- Aahh ! Mais t'es fou !!! s'écria Slad. Arrête ! Tu veux m'arracher la tête ou quoi ?!!!

Julian lâcha prise toujours aussi calmement pour se concentrer cette fois-ci sur les membres de son camarade. Il dégagea une à une ses épaules et ses bras. Julian saisit alors ses avant-bras tout en le tirant avec force en arrière.

Ce dernier se dégagea péniblement et poussa un ouf de soulagement. C'est avec difficulté qu'il reprit son souffle, couché sur le sol.

Julian ramassa son livre et tout en le rangeant dans sa vieille besace il ajouta :

- Oui je sais, c'est un ouvrage assommant !

Puis il se tourna vers Zed :

- Mais qu'est-ce qu'il t'a pris de lui jeter ce gros vers ? Tu sais bien que notre nouvel ami a des petits bras...

- Je n'ai pas pu m'en empêcher ! Après avoir cherché un bon moment un Blamot des cavernes, j'ai dû me rabattre sur un vers Thédêpam ühr. C'était bien ma veine ! Tu connais la résistance à la magie de ces bestiaux... Donc tu peux t'imaginer que ce n'était pas un parcours de santé. Et voilà que l'autre idiot me demande si j'ai fait bonne chasse alors qu'il était tranquillement allongé à faire sa sieste ?!

- Je ne faisait pas ma sieste, ajouta Slad en se relevant péniblement. Je ne pouvais pas savoir. T'as failli avoir ma peau ! Tout ça pour une question anodine ?

- Si un jour tu combats l'un de ces vers, dit Zed, tu comprendras espèce d'inculte, ce que c'est ! Et crois moi, ils t'en feront voir des vertes et des pas mûres !

- Il est mort au moins ce gros tas de graisse ? demanda Slad tout en lui assénant quelques coups de pieds.

- Oui, je pense qu'il a son compte, répondit Julian qui ajouta avec impatience : Alors dis-moi Zed, quelle couleur a pris le vers lorsque tu l'as irradié ? Je veux savoir !

- T'auras cas le chasser toi-même pour le savoir. Si tu as la chance d'en trouver un...

- Je veux savoir si cela vérifie la théorie de la variation chromatique des fongus spongiformes cavernicoles soumis aux radiations spectrales, dont je parlais à Slad quand tu t'étais absenté.

- Julian ! Rien ne prouve que le Thédepâm fasse partie de la catégorie des fongus, c'est encore prématuré comme conclusion !

- Mais enfin Zed ! tout concorde .. d'après l'historique de la genèse du fongus on peut tout de même affirmer le lien de parenté entre le champignon primal et une déclinaison sous forme de ver ....

- Tu oublies le facteur probant de mutation magique en milieu marécageux Julian... ajouta Zed le sourire en coin.

- Ahh le fameux ! Julian devenait écarlate et commençait à postillonner ! Tu ressors encore cette théorie fumeuse sur l'altération magique c'est ca ! Et après tu m'accuses d'aller vite en besogne !?

Slad médusé, assista impuissant à une joute oratoire entre les deux comparses. Finalement, voyant que le débat pourrait pouvait encore durer, il décida de les interrompre.

- Hum, humm, se risqua-t-il.

Zed et Julian braquèrent leur regard vers le pauvre Slad en même temps.

- Bien nous continuerons cette discussion plus tard, mangeons donc ce ver avant qu'il ne refroidisse.

SLADOù les histoires vivent. Découvrez maintenant