Épilogue : Innocence Lost

64 5 11
                                    

Base militaire de Rome, Territoire de la Fédération, 18h35 heure locale

L'amiral DuMasson était rentré depuis quelques jours à Rome, où il avait pu faire son rapport détaillé sur ce qui avait été baptisé la Bataille de l'Océan Indien. Si la récupération du vaisseau et du Stolas s'était avéré un échec, il avait eu un autre butin à proposer à ses supérieurs ; une prisonnière, une pilote de l'Alliance qui avait couvert la retraite de leur flotte et s'était ainsi isolée du reste de ses troupes, facilitant grandement sa capture.

Mais même une fois sa machine rapatriée sur son vaisseau amiral, la calmer n'avait pas été une partie de plaisir. La jeune femme s'était avérée plus que dangereuse, tuant à mains nues les deux soldats qui étaient venus la récupérer. Bien vite, l'amiral en avait conclu que cette pilote était une Psytype capable de télékinésie, aussi avait-il préféré l'endormir à l'aide d'une seringue tranquillisante tirée par un sniper, assez loin de ses ondes psychiques.

Depuis, elle avait été retenue prisonnière dans une des cellules spéciales du vaisseau amiral, pieds et poings liés. Après quelques jours, l'amiral avait fini par proposer de lui délier les pieds sous bonne conduite ; la jeune fille avait accepté et tenu sa promesse. Lorsqu'ils étaient arrivés à Rome, elle était toujours dans sa cellule, mais complètement libre de ses mouvements.

Cependant, une fois arrivée, ses poings avaient à nouveau été liés et un casque opaque isolant les ondes psychiques lui avait été équipé afin de minimiser les risques lors de son transfert.

Elle avait été transportée dans un camion, puis avait été escortée par deux gardes jusqu'à sa destination.

La prisonnière était désormais seule dans une salle. Ses ondes psychiques isolées et sa vue masquée, elle n'arrivait pas à en déterminer la taille ni si elle était seule ou au milieu d'une foule. Elle tremblait depuis son arrivée. Ne plus ressentir les ondes psychiques pendant aussi longtemps était si inhabituel ; c'était comme si on la privait d'un sens à part entière.

— Quel est ton nom ?

Elle avait redressé la tête en provenance de la voix. Elle semblait venir d'un microphone, rendant l'évaluation de la distance de son hôte indéterminable. Elle déglutit sa salive :

— Yang Shao Lan.

Un court silence succéda à sa voix. Elle tremblait de froid et de peur. Qu'allait-il lui arriver ? Où était-elle exactement ?

— Tu es une Psytype, n'est-ce pas ?

Elle ne parla pas. Elle hocha seulement lentement la tête, partant du principe que son interlocuteur la voyait.

— Expérience... MindGate 9 ?

Elle fronça les sourcils. Comment la Fédération connaissait-elle cette expérience ? N'était-ce pas un secret même au sein de l'Alliance ?

— Sujet 12.

— Sujet... 12 ? répéta la jeune femme sans comprendre.

— C'est ton nom, Sujet 12. Ton vrai nom.

Actionné par un mécanisme à distance, le casque se fissura de bas en haut, et, après une seconde, se fendit, laissant chaque moitié tomber au sol tandis que la jeune pilote plissait les yeux devant la lumière qu'elle avait face à elle.

La salle était vide, sombre, et la seule source de lumière était un projecteur braqué sur elle.

— Tu vas maintenant travailler pour nous, Sujet 12, dit calmement la voix qu'elle n'avait toujours pas identifiée.

Que voulaient-ils dire ? Jamais elle ne travaillerait pour la Fédération ! Et d'ailleurs, pourquoi le ferait-elle ?

— Les Artificials Psytypes ont été conçus pour être des armes, Sujet 12. Et comme toutes les armes, leur allégeance varie selon celui qui la tient.

— Je ne suis pas un objet ! s'énerva la jeune fille.

— Un objet ? Non. Une arme ? Oui. Et pour ta gouverne, sache que les Artificials Psytypes peuvent être... reprogrammés. Leur mémoire peut être altérée, remplacée, voire effacée complètement.

A ces mots, Shao Lan tressaillit. Ils allaient l'altérer ? Lui faire oublier ? La reprogrammer comme une vulgaire machine ? Mais alors qu'elle allait réagir, elle ressentit à nouveau les ondes psychiques d'un puissant Psytype près d'elle. Après quelques secondes à résister, elle tomba à genoux en hurlant de douleur. Dans son crâne qu'elle avait réussi à saisir entre ses mains défilaient d'innombrables images, des images qu'elle n'avait pourtant jamais vues. Elle revoyait une guerre, une autre guerre. Elle voyait la mort et des enfants en sang. Leurs corps étaient étalés, encore chauds. Elle voyait des soldats, des Comets, des explosions. Elle sentait les larmes sur ses joues, les coups de couteaux dans sa chair, le feu lui brûlant les entrailles.

Elle criait, toujours plus fort, emplissant la salle de ses hurlements de douleur. Puis, au bout de plusieurs minutes, elle se tut et s'immobilisa. Elle resta un moment à genoux, le regard fixe, puis tomba à terre, ses mains relâchées devant son visage ; sa bouche légèrement entrouverte et le regard sans vie.

« Va... lur... »



Projet Stolas I - Wings of MetalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant