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LEWISTON

L'ambiance était tendue. Et Lewiston n'aimait pas la tension. Il avait envie de disparaître dans ces moments-là. Il voulut gigoter maladroitement sur son siège, comme il le faisait toujours quand il se sentait mal, mais même ça il ne put le faire, car il n'y avait pas assez de place dans le van.

Finalement, il avait décidé de rester dans cette bande loufoque, celle qui lui faisait vivre tous les dangers qu'il avait essayés d'éviter. Il ne pouvait pas se l'expliquer.

Il s'était senti tellement seul, cette dernière semaine, que leur compagnie lui faisait du bien. Il n'irait pas jusqu'à dire qu'il avait enfin trouvé des amis, mais c'était des personnes dont la présence était réconfortante. Il se sentait en sécurité.

Il y avait sept autres passagers dans le van à présent : Novi, Lincoln, Indiana, Phoenix, Washington, une petite fille blonde qui s'avérait être Nevada, la sœur d'Alabama et un garçon qu'il ne connaissait pas.

Tennessee, puisque tel était son nom, avait l'air tout droit sorti d'une série anglaise alternative qui avait cessé d'être diffusée par manque d'audience. Et il semblait être encore plus blasé que Phoenix, ce qui était quasiment impossible.

Alabama faisait peut-être confiance à ce membre du Maelstrom pour l'avoir laissé venir avec eux, mais Lewiston émettait quelques réserves. On ne pouvait pas décider d'abandonner le côté obscur juste comme ça.

« Ça pue, ici. » geignit Nevada.

« Ferme-la ou je te balance hors du van. » la menaça Alabama.

Pour une raison que Lewiston ignorait, la jeune fille était d'une humeur encore plus acerbe que d'habitude. C'était donc ça, l'amour sororel ?

« Personne ne jette personne par la fenêtre. On pourrait se faire repérer. Et ce serait trop con, si près du but. » signala Novi en appuyant sur l'accélérateur.

Dans l'aube, Lewiston vit les immeubles de béton armé défiler les uns après les autres, perdant en étages plus ils s'éloignaient du centre.

Il crut apercevoir l'immeuble dans lequel il avait habité. La façade était presque noire à cause de la poussière, la porte défoncée et les vitres cassées. C'était dans cet immeuble qu'il avait passé les trois dernières années de sa vie et, pourtant, il ne ressentit rien en le voyant dans ce piteux état.

Est-ce qu'Upsurge lui manquerait ? Il se dit que non. Upsurge n'existait plus. Il n'avait aucune raison de rester.

Il regarda à l'horizon, mais il lui était impossible de discerner quoi que ce soit. Il n'y avait que des silhouettes floues qui semblaient loin, très loin, cachées derrière le smog.

Petit à petit, les immeubles furent remplacés par des maisons, auxquelles succédèrent les champs. Les herbes, d'abord courtes et jaunes comme la paille, s'allongèrent, devinrent plus sombres, tandis que la brume s'épaississait : ils entraient dans la Dead Zone. Les poils de Lewiston se dressèrent en franchissant ce lieu interdit.

Il se rendit vite compte que ce n'était pas une partie de plaisir. Ils avaient du mal à avancer. Le van s'immobilisait tous les cinq mètres à cause des crevasses et des plantes mortes qui se coinçaient dans les roues du véhicule. Et impossible de voir plus loin que le bout de son nez ; Novi avait beau utiliser les essuie-glaces pour effacer la buée, celle-ci se reformait toujours quelques secondes après. Pas étonnant qu'on n'y eût jamais mis les pieds. Ça ne s'appelait pas la Dead Zone pour rien.

UPSURGEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant