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ALABAMA

Quel est votre état d'esprit, actuellement ? Choqués ? Horrifiés ? Je peux tout à fait comprendre.

Peut-être que vous vous êtes dit "quelle fin dramatique !" ou "c'est vachement con, si près du but".

Peut-être que vous avez essuyé une larme qui perlait sur votre joue et avez balancé votre livre à travers la pièce, fou de rage.

Peut-être que vous vous êtes mis en position fœtale, vous jurant de ne plus jamais feuilleter un seul livre de votre vie, car cette activité s'apparentait plus à de la torture qu'au plaisir.

Ou alors, peut-être que vous vous en fichiez. Parce que vous ne m'aimiez pas, ou que vous saviez que je ne pouvais pas mourir de cette manière puisque j'étais trop cool pour ça.

Si c'est la dernière option, vous aviez raison ; j'étais vivante, et j'allais foutre encore quelques branlées avant la fin.

Ce n'était pas la balle qui m'avait mise à terre, mais Olympia. Voyant le sort qui m'attendait si je ne bougeais pas, elle s'était ruée sur moi et m'avait aplatie contre le gravier.

J'atterris du côté de mon bras blessé, et ma mâchoire rencontra la pierre d'une manière pas très cordiale. Bref, c'était atroce, mais je me dis que ma mort aurait été plus atroce encore. Alors je serrai les dents et me relevai avec l'aide d'Olympia.

« Est-ce que tu vas bien ? » fit-elle en époussetant sa blouse d'infirmière.

« Oui, merci. » marmonnai-je à contre-cœur en me massant la joue.

En plus d'être resplendissante, elle devait se montrer amicale. Ces personnes parfaites pensaient-elles à nous, misérables créatures remplies de défauts ?

Puis, je me dis qu'elle m'avait sauvé la vie, et que je devrais me montrer reconnaissante au lieu de me plaindre. Alors, ravalant ma rancœur, je m'efforçai à lui dire :

« Je le pense vraiment. Merci. Sans toi, je serais morte. »

Une nouvelle balle ricocha contre le mur de l'horloge.

« Dépêche-toi ! » cria Washington à l'adresse d'Indiana, toujours occupé à crocheter la serrure.

« Je fais ce que je peux. » grogna-t-il.

D'autres balles déferlèrent, auxquelles Novi et Tennessee avaient du mal à répliquer. Nous fûmes bientôt entourés d'une dizaine de personnes qui resserraient petit à petit le cercle. C'était sûrement tous des membres du Maelstrom qui voulaient prendre leur revanche — on leur avait quand même collé une sacrée raclée dans leur repaire, il y avait de quoi être rancunier. Très vite, nous nous retrouvâmes acculés, le dos collé contre la tour de l'horloge.

Malgré leurs capacités, Novi et Tennessee ne tiendraient plus longtemps tout seuls. Je devais faire quelque chose. Me servant dans le sac d'armes de Novi, je pris un pistolet au hasard.

Je le soupesai. Il était petit mais très lourd. L'acier était glacial, et je mis plusieurs secondes à trouver une position confortable à cause de mes doigts gelés. Une fois que je l'eus trouvée, j'alignai l'arme devant moi. Mais, au moment d'appuyer sur la détente, je fus prise de vertige. Des frissons parcourent ma peau et mon échine. J'avais un goût âcre dans la bouche, la langue pâteuse et une boule dans le ventre. Tennessee avait peut-être raison. Je n'avais pas assez de cran.

Obnubilée par mes pensées, je baissai ma garde. Une balle perdue me manqua de justesse. Je restai paralysée quelques secondes.

Je me ressaisis. Soit ils me tuaient, soit je les tuais avant.

UPSURGEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant