Les Orphelines d'Esphalie

Chp.4: la rencontre

Décembre passa lentement. La neige restait. Il faisait de plus en plus froid dans l'orphelinat et Louise et Sophie étaient bien sûr celles qui en souffraient le plus. Elles étaient parvenues à dérober un peu de tissu pour se confectionner des mitaines qui étaient passablement inutiles d'ailleurs. Un matin, elles se levèrent comme à leur habitude dans les cinq heures du matin, fatiguées et les membres endoloris par leurs travaux de la veille. Elles se traînèrent brumeusement jusqu'à la cuisine où elles commencèrent à préparer le repas des pensionnaires et une heure plus tard, reçurent la visite de contrôle de Malika qui ne manqua pas de les houspiller par rapport à leur mine affreuse et à leur teint blafard. Heureusement, elle repartit bien vite en jurant et traitant les jeunes filles de tous les noms d'oiseaux qu'il serait incorrect de rapporter ici...

Or, quelques minutes après son départ, Louise et Sophie entendirent quelque chose. Des bruits de pas. Ni ceux caractéristiques des hauts talons de la directrice, ni les coups d'éléphant de Malika. C'était de tous petits pas de fourmi, discrets et quasiment silencieux. Puis la porte grinça tout doucement et s'ouvrit. Les jeunes filles se rapprochèrent, à la fois curieuses et inquiètes. Et une petite tête apparut dans l'embrasure, suivie bientôt du corps qui allait avec.

C'était une petite fille. Elles avaient des cheveux raides d'un blond éclatant, de beaux yeux bleus éclairaient son visage d'enfant aux traits fins. Elle portait le chemise de nuit blanche de l'orphelinat et avait ses bras serrés contre son ventre. Elle frissonait.

"Bonjour, dit-elle de sa petite voix fluette, vaguement inquiète. Comment vous vous appelez?

Les deux filles restèrent muettes d'étonnement. Jamais une pensionnaires ne leur avait adressé la parole, encore moins sur ce ton. Et pour Sophie, c'était la deuxième fois en 14 ans qu'on lui demandait son prénom, c'est pourquoi Louise réagit en premier:

-Moi? Ben euh Louise... et elle c'est Sophie... mais comment... Je veux dire, qu'est ce que tu fais là? Tu devrais partir, vraiment, tu...tu vas t'attirer des ennuis!

Mais la petite fille resta plantée sur ses jambes au milieu de la pièce, l'air frigorifiée mais décidé. Et alors, à la grande surprise des deux autres, elle demanda:

- Tu veux être ma maman?

Louise fut prise de court et ne su plus quoi répondre. Être sa maman? Mais c'était pas possible ça! On devient pas maman comme ça! Elle la connaissait même pas cette petite!

- Parce que moi je n'ai plus de maman, continua-t-elle. Il paraît qu'elle est partit au ciel quand je suis arrivée sur terre... Dis, est ce que c'est loin le ciel?

-Alors là, fit Sophie, plus loin que ça tu...

-C'est loin, la coupa Louise, sentant le manque total de diplomatie de son amie. Mais regarde on peut quand même le voir d'ici. .. donc ne t'inquiète pas...

-C'est vrai, répondit la fillette avant de changer brutalement de sujet. Vous savez, les gens ne sont pas gentils ici. Est ce qu'ils sont pareils partout?

- Bien sûr que non! repondit Sophie. Il y a plein de gens gentils sur terre. Le tout c'est d'être au bon endroit. Parce que tu vois, ici...

-Il n'y a que vous qui êtes gentilles. Vous savez, ce serait super de partir! S'en aller très loin passer derrière la grosse porte en bois... Ce serait pas si compliqué! Lança-t-elle d'un air rêveur.

Les deux filles se regardèrent sans comprendre quand soudain des pas se firent entendre dans le couloir. Des talons hauts.

C'est à peu près là qu'elles perdirent le contrôle. La petite fille cria quand elles se jetèrent sur elle et l'attrapèrent par les bras pour la tirer dans un placard, mais celle-ci se dégagea et tenta de courir vers la porte. Sophie la rattrapa au dernier moment et la tira vers elle. Elle ouvrit un petit placard presque vide au ras du sol et la plongea dedans avant de le refermer sans ménagement. Elle n'avait aucune envie de se retrouver à essuyer une nouvelle punition à cause d'une fillette irresponsable. Même si elle était mignonne à croquer!