Les pensionnaires étaient rangées par âge , toutes en ligne. Les plus grandes d'abord, puis derrière, les plus jeunes. Sophie avait toujours trouvé cette organisation complètement insensée , étant donné que les petites du fond ne voyaient rien et n'étaient pas vues.
Mais évidemment, elle s'était bien gardée d'en faire la remarque. Toutes portaient l'uniforme de l'orphelinat: une robe rouge serrée à la ceinture par un ruban noir, longue jusqu'au genoux, des collants noirs épais, avec des ballerines vermillon. Sur leur tête se trouvaient des serre-tête noirs dont le noeud au-dessus du front contrastait avec la sobriété de la tenue. Seules les petites du fond n'avaient pas de noeux, justement pour qu'on sache qu'elles étaient nouvelles. En effet, quand on entrait à Ste Agnès, on avait rarement plus de sept ans. Tout ce petit monde discutait activement à propos des parents, chacune mourait d'envie d'être choisie. On resserrait sa ceinture, redressait son bandeau et se mettait dans une atitude de petite fille modèle. Et même si Sophie trouvait cela ridicule, comme elle aurait rêvé d'être à leur place! Elle observait tout cela de derrière le mur en songeant que jamais elle n'aurait la chance d'avoir des parents.
Le couple arriva. Il n'y eut plus aucun bruit. Les pensionnaires rangées avaient les bras le long du corps, la tête haute, les yeux fermés. Interdiction de regarder les adultes.Ceux-ci passèrent dans les rangs. L'homme avait la quarantaine, ses cheveux brun clair s'éclaircissaient sur ses tempes. Il portait une veste en queue de pie et un haut-de-forme noir. La femme était habillée d'une robe bleu foncé couverte de rubans et accessoires en tous genres, son parapluie repliée à la main. elle avait le teint très pâle et ses bijoux, colliers et bracelets, étincelaient de mille feux, tel un arc-en-ciel de pierres précieuses. Tous deux avaient le visage empreint d'un bonheur infini. La femme, le mouchoir à la main, avait les larmes aux yeux. Sophie retint son souffle.La fille qui serait adoptée aurai beaucoup de chance.
Les futurs parents longèrent la ligne de jeunes filles suivis de Mme Vatibois, mais ce n'était guère qu'une formalité car sans pousser plus loin leur examen, ils choisirent une des pensionnaires ddu premier rang (elle devait avoir dans les 15 ans) et s'en allèrent en la tenant par la main. Elle adressa un signe de la main à ses amies qu'elle ne reverrait peut-être jamais et disparu. Quand ils furent tous partis, la salle retentit de soupirs et de renflement. Un espoir encore déçu pour toutes ces filles dont le souhait le plus cher venait de passer devant elles.
"Mais au moins, songea Sophie, à elles l'espoir était encore permis."
Elle essuya une larme au coin de son œil et fit demi-tour pour retourner vacquer à ses occupations. Elle alla dans la cuisine et regarda la pendule. Il était déjà neuf heures du matin et en comptant que le déjeuner devait commencer à midi pile... oui,elle devait dès maintenant faire chauffer les fourneaux pour les cuisiniers qui n'allaient pas tarder à arriver et commencer sérieusement la vaisselle.
Soudain, un écho grave se fit entendre entre les murs de l'orphelinat. La cloche? Mais cela semblait impossible, deux fois en une seule journée, ça n'aurait pas de sens, ça n'était jamais arrivé ! Une deuxième sonnerie retentit. Il n'y avait pourtant pas de doute possible! Sophie hésita quelques instants mais céda à la tentation trop forte et courut de nouveau vers la grande salle pour assister à ce deuxième événement. Aujourd'hui, une autre fille quitterait donc l'orphelinat.
Les pensionnaires qui n'avaient guère eu le temps de se disperser s'étaient remises en lignes, mais pas exactement au même endroit, de sorte que de sa cachette, la jeune fille était incapable de voir ce qui se passait devant les colonnes d'orphelines. Elle s'approcha donc un peu, mais ne voyait toujours rien. Mais étant tout à fait décider à assister à la scène, elle remarqua que sur toute la longueur de la salle les fillettes avaient déposé leurs manteau de façon à créer un muret d'une hauteur suffisamment grande pour qu'elle puisse se dissimuler derrière. Elle passa donc discrètement le pas de la porte et glissa dans sa cachette. Elle avança à quatre pattes jusqu'au centre de la salle et observa ce qui se passait. Sophie vit immédiatement que quelque chose d'anormal se déroulait.
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Les Orphelines d'Esphalie
General FictionSophie est une adolescente vivant dans le royaume lointain d'Esphalie, près de la capitale, Antigo, où se mêlent ordre et anarchie, richesse et pauvreté, justice et corruption... Elle n'est de sa vie jamais sortie de l'enceinte de l'orphelinat Ste...