Le réveil de Sophie ne fut pas des plus agréables.D'abord, elle fut tirée de son sommeil par d'innombrables bruits de pas incessants. Songeant qu'elle devait être en retard et que les pensionnaires devaient toutes être réveillées, elle ouvrit grand les yeux. Elle ne vit d'abord qu'une chose blanche floue avant de recevoir un brusque coup de langue mouillé et râpeux en plein visage. Elle poussa un couinement de souris de surprise et recula le plus vite qu'elle pu en retombant chaque fois sur le dos. C'est ainsi qu'elle écrabouilla involontairement Louise qui dormait non loin derrière elle. Celle-ci lâcha elle aussi un cri de surprise en s'éveillant brusquement et frappa franchement la chose qui l'écrasait de la sorte, à savoir Sophie qui se prit une torgnole en pleine tête. Elle retomba sur le côté et bouscula un des moutons de la bergerie qui reculèrent en bêlant à qui mieux mieux, provoquant la panique de ses congénères.
Le vacarme réveilla Cécile qui fut plutôt surprise de se retrouver d'un coup dans un gros sac à patates à l'intérieur d'une bergerie remplie de ses moutons. Encore endormie, elle se demanda si elle n'était pas en train de rêver. L'odeur lui confirma que non. Soudain, elle entendit le bruit d'un verrou que l'on tire.
"Satanée porte de merde ! Que je lui en ficherais moi des verrous à toute épreuve!"
Les trois filles se turent. L'homme derrière s'escrimait pour ouvrir les deux battants de la porte. En proie à une panique totale, les trois filles sautèrent un leurs pieds et fourrèrent leurs affaires de nuit dans leur sac qu'elles prirent chacune sur leur dos. Il leur fallait trouver un moyen de partir ou de se cacher sinon elles pouvaient dire adieu à leur vie dans les bois...
Les trois filles crapahutèrent vers le fond de la bergerie, se frayant un chemin entre les grosses touffes de laine hivernale des moutons. Elles s'aplatirent dans la paille en plissant le nez, sans oser imaginer l'odeur qu'elles devaient chacune dégager. Derrière la porte, le fermier finit tout de même par réussir à ouvrir. Un grand courant d'air frais de fin février pénétra dans la pièce, faisant frissonner les jeunes filles, soulagées pour le coup de se trouver au milieu de la laine. Puis le fermier entra à en grommelant des grossièretés. Énervé, il commença à tirer les premières bêtes hors de la salle en les comptant une par une, le regard fixé sur ceux qui étaient déjà dehors. Mais l'ouverture était grande et des moutons s'échappaient dans son dos; il était donc obligé de les rappeler et de retourner souvent les chercher, non sans un mouvement d'humeur.
Sophie fit signe à ses amies de la suivre. Elle s'agrippa à l'un des moutons et en croisant les doigts le poussa à avancer dans le dos du fermier hors de la grange. Puis elle lui elle ramassa un bâton dans la paille et lui fouetta le derrière. Le mouton, bêlant autant qu'il pouvait, galopa (si tant est qu'un mouton puisse galoper) droit devant lui, tête baissée. Sophie se rua en arrière tandis que le fermier, furieux contre la pauvre bête s'éloignait pour lui courir après. Les trois filles sortirent alors en trombe de la bergerie et sprintèrent quelques minutes dans les champs avant de s'estimer hors de vue et de portée du fermier.
Enfin, elles s'arrêtèrent, essoufflées.
Elles s'assirent quelques instants sur une pierre. Cécile regarda autour d'elle. Elle était à la fois émerveillée et inquiète de ce qu'elle avait fait. Cependant, elle ne regrettait rien. Cela lui plaisait d'être un peu... clandestine, en quelque sorte! De vivre l'aventure ! Elle se demanda ce qu'elles allaient faire de la journée. Elle avait une entière confiance en Louise et Sophie, elles étaient tellement gentilles avec elle ! Elle avait enfin la sensation d'avoir de véritables amies.
Sophie sortit sa gourde d'eau glacée de son sac. Elle en but trois gorgée avant de la passer à ses amies et songea qu'il serai urgent de choisir un endroit à proximité d'une source d'eau où s'installer; sinon elles ne tiendraient pas une semaine. Mais elle se souvint qu'il était précisé sur la carte que la Clélie avait quelques affluents d'eau douce provenant des Montagnes Froides et se dispersant fans la forêt d'Ecclesmos. N'ayant pas eu l'occasion de le faire pour des raisons évidentes, Sophie s'étira avant de se résoudre à repartir. Elles avaient encore une longue route à faire et le plus tôt arrivées serait le mieux. La marche continua donc à travers champs. Elles ne se perdirent qu'une ou deux fois, ce dont Sophie n'était pas peu fière, et elles arrivèrent bientôt à la lisière de la forêt.
Elle restèrent quelques instants là à observer ce qui serai leur nouveau refuge. Sophie avait du mal à réaliser ce qui lui arrivait. Ce qu'elle avait osé faire. Elle songea que peut-être qu'elle allait enfin pouvoir être heureuse. Au fond d'elle-même, elle pensait bien qu'elle ne resterait pas toute sa vie a habiter dans la forêt, mais elle fit taire ses doutes et profita de l'instant présent.
Elle entra dans la forêt.
Elle entrait dans une nouvelle vie.
Elle entrait dans sa nouvelle vie.
Elle pénétrait dans un monde inconnu, qu'il lui tardait d'explorer et de découvrir. Une demi-heure de trajet supplémentaire en pleine forêt eut cependant raison de ses pieds et elle jugea qu'il était temps de s'arrêter. Louise avait attaché régulièrement des bouts de ficelle sur des arbres afin de pouvoir retourner sur leurs pas quand elles en auraient besoin. Sophie soupira de soulagement et jeta son sac par terre. Elle n'irait pas plus loin. C'est ici qu'elles s'installeraient , un point c'est tout.
Ses deux amies retirèrent leurs charges non avec moins de plaisir qu'elle et s'étirèrent.
Enfin.Sophie sortit à nouveau sa gourde et but à grandes gorgées avant de la passer à Louise et Cécile. Elle proposa à Cécile une sieste sur des branchages que la petite refusa, malgré les poches qui se creusaient sous ses yeux. Puis, Sophie sortit une feuille pliée en quatre de son sac et la regarda dans plusieurs sens avant de l'aplatir par terre devant elle dans celui qu'elle jugeait le meilleur. Les deux grandes montrèrent le plan à Cécile, qu'elles avaient dessiné dans la semaine précédant leur départ initial, bien qu'elles y aient ensuite apporté quelques modifications. Elles expliquèrent aussi la façon dont elles allaient procéder. Et elles se mirent au travail.
Elles travaillèrent presque sans interruption tout l'après-midi. Ce fut une tâche harassante mais Sophie songea qu'elle avait eu bien pire, comme occupation. Le soir venu, elles firent un feu et y mirent à chauffer une boîte de cassoulet. Elles l'engouffrèrent en quelques instants, et ce fut à peine si elles prirent le temps de prendre leurs couvertures de fortune avant de tomber dans les bras de Morphée.
Les deux semaines suivantes furent de cet acabit. Les journées de rêve qu'imaginait Sophie semblaient infiniment lointaines, elles crurent de nombreuses fois que tous leurs efforts se solderaient par un échec. Mais voilà, après une semaine de fatigue et de sueur, le résultat était là, devant ses yeux de la couleur du ciel, azur.
C'était époustouflant : une cabane dans les arbres située à plusieurs mètres de hauteur, de la taille d'une petite maison. Elle comportait trois parties, séparées par des sortes de paravent: la première était un dortoir d'environ quatre mètres sur trois avec trois paillasses disposées contre les parois, ainsi qu'une caisse en bois de hêtre, des étagères et quelques planches collées on ne sait trop comment perpendiculairement aux parois qui se voulaient être une commode . Partout, les irrégularités des perches qui avaient servi pour fabriquer le sol avaient été comblées avec de petits branchages, puis recouvertes de tissus et de branches. La deuxième pièce, était tout ce qui servait de cuisine, de salon et de salle à manger, bref, l'endroit ou l'on parlait et mangeait. Des rondins avaient été installés la pour faire des sièges et les jeunes filles avaient fabriqué une table avec une planche en écorces, quelques perches et d'autres rondins, qui étaient décidément bien utiles. Elles ambitionnaient aussi de construire un poëlle, une cheminée étant inenvisageable, mais elles n'en avaient pas les moyens. De l'autre côté de la pièce, la plus grande de la cabane, des tissus et des fougères avaient été mis comme tapis avec en leur centre une sorte de petite table basse. Enfin, la dernière pièce, qui n'était pas terminée, ressemblait vaguement à une salle de toilette, faute de contenir une baignoire, elle abritait une étagère sur laquelle était posée une bassine faite d'un bout de tronc creusé. Devant la cabane trônait une terrasse d'un mètre sur deux sur laquelle était posée une chaise, œuvre exclusive de Cécile. Pour y accéder, il fallait emprunter une échelle de cordes aux barreaux en bois.
Les trois filles étaient heureuses et satisfaites de leur travail, n'osant croire qu'elles avaient réussi une chose pareille.Cependant, leur peine était loin d'être finie.
Hey! Juste un petit mot pour remercier tous ceux qui lisent jusque là, ça me fait super plaisir de pouvoir partager ce que j'écris, même si ce ne sont que des rêves et des délires, j'espère que ça vous plaît! Donc
MERCIIIIIII! <3
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Les Orphelines d'Esphalie
Narrativa generaleSophie est une adolescente vivant dans le royaume lointain d'Esphalie, près de la capitale, Antigo, où se mêlent ordre et anarchie, richesse et pauvreté, justice et corruption... Elle n'est de sa vie jamais sortie de l'enceinte de l'orphelinat Ste...