5. They call me Crybaby

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Je me fraye rapidement un chemin dans la foule, jouant des coudes sans ménagement.
Nous habitons vers la place centrale du village, une place de choix si l'on s'en tient uniquement au point de vue social.
Mais je n'ai pas le droit de me plaindre. Cela est aussi une manière d'assurer nôtre position au sein de la hiérarchie : j'ai l'impression d'avoir entendu ce discours durant toute mon enfance. Il faut préciser que dans ma famille, la fierté et la force sont deux valeurs capitale.

Et en soi, il n'y a rien de vraiment très étonnant. En effet, mon père est à la tête de ce que nous pourrions qualifier de "Dojo du village". C'est le maitre d'arme par excellence pour résumer. Il forme les jeunes désirant passer l'examen dans le but de devenir chasseur la plupart du temps, et les entraine à devenir les meilleurs combattants possibles, aiguisant leur dextérité, que ce soit au maniement des armes blanches où des armes à feu. Et mes frères brulent tous de reprendre le flambeau. 

Je pousse donc la porte d'entrée et c'est le bruit des lames qui s'entrechoquent qui m'accueille, comme bien souvent.  Je traverse  la salle d'entraînement pour accéder à une nouvelle porte au fond, plus discrète, permettant d'arriver aux étages supérieurs de la maison, où nous vivons. Le rez-de-chausée étant entièrement employé au combat et à l'armurerie.
J'essaie de me faufiler discrètement. Je n'ai pas franchement envie de rendre des comptes maintenant. En plus, mes frères sont presque tous là, à s'entraîner en duo, ou à discuter de techniques, sous l'œil vigilant de notre paternel. Visiblement trop aiguisé, puisqu'il détecte ma présence et m'interpelle. Ce qui attire l'attention de mes aînés présents, qui évidemment se concentrent tous sur moi, cessant toutes autres actions. Exactement ce que je voulais. Merci papa !

-Alors Céléna ? me demande mon père, tandis que mes frères rient déjà doucement.

Je sais parfaitement ce qu'ils pensent en majorité : je ne suis qu'une fille, certainement bien trop faible pour être retenue par le jury. Après tout, je ne peux pas leur donner complètement tord. Ils sont tous en excellente condition physique grâce à l'entraînement que leur a toujours fait suivre nôtre père, et ont des corps qui font baver plus d'une villageoise. Et pourtant, ont tous échoué, ce que je ne comprend toujours pas.
A côté d'eux je suis frêle, même si on m'a aussi fait travailler une fine musculature depuis mon enfance. Exigence paternelle ...

-Et bien, c'était plutôt étrange je dois dire ... murmurais-je, presque pour moi même.

D'un geste du menton, mon père m'encourage à continuer. J'ignore donc les regards moqueurs que se lancent mutuellement Gyps et Torgos, les jumeaux, et poursuis.

-Je ne sais pas ... Il y a eu beaucoup d'allusions aux loups lorsque le jury a étudié mon cas. C'était assez déstabilisant. Ils m'ont dit que j'étais trop focalisée sur la famille et que cela risquait de me porter préjudice...car ça faisait de moi une personnalité peu ...

- Ils pensent que tu n'es pas en mesure de t'ouvrir aux autres et dans un groupe qui se doit d'être soudé, c'est probablématique. me reprend Hélias.

J'opine du chef, et regarde mon père. Malgré les reproches que l'on me fait, c'est plus fort que moi : j'ai besoin de son approbation. Entre mes frères et moi, il n'a jamais fait de différences sexistes et c'est toujours avéré être un très bon conseiller.

-Ce n'est pas vraiment une surprise. Tu le dis toi même, tu n'es pas très avenante et tu n'as pas de vrais amis sur lesquels compter. C'est à croire que tu veux te forger la même réputation que cette fille, Diane Fox ... ( Gallylauteur ) me fait alors remarquer Jared, tandis qu'étrangement, papa garde le silence.

D'ailleurs, il se contente juste de lui donner raison, hochant la tête. Et je ne peux retenir un soupire, parce-que je n'ai rien à répondre face à ces accusations, ô combien justes.

-Montes dans ta chambre et reposes toi.  Nous ne pouvons qu'attendre les résultats à présent. déclare finalement mon père, pour conclure tout débat.

Je grimpe donc les marches qui conduisent à ma chambre quatre à quatre, et ouvre la porte à la volée, avant de me laisser lourdement tomber sur mon lit et contempler le plafond, l'air vide. Parce-qu'à cet instant c'est exactement l'état dans lequel je me trouve. C'est alors qu'un petit gémissement étouffé parvient de sous la couette. Étonnée je me redresse et soulève ma couverture pour me rendre à l'évidence : Ian occupe déjà mon lit. En temps normal, j'aurais tout fait pour le chasser. Mais là, pour tout dire, je suis vraiment trop blasée. Je m'allonge donc à ses côtés, en silence. Mon frère a au moins l'amabilité de se décaler un peu pour me faire plus de place, et m'enserre par la taille.

-Hmmpf ... Alors ? demande-t-il d'une voix pâteuse et lourde de sommeil.

J'ai l'impression qu'il est toujours fatigué. C'est hallucinant à quel point il est feignant. Mais hormis le fait qu'il vienne squatter sans vergogne le lit des autres, Ian est quelqu'un d'agréable, assez soucieux des autres.

-Alors on verra ...je répond en baillant.

Je ne m'en était pas rendue compte. Mais c'est vrai que je suis épuisée. L'épreuve m'a rompue, car mine de rien j'ai du miser un peu sur l'effort physique. D'ailleurs, je me demande ce qu'il en était des autres. Oui, c'est seulement maintenant que je m'en préoccupe. Divagation dirais-je. Rapidement alors, je sombre dans un sommeil plutôt calme.

"Ce qui nous rassure du sommeil, c'est qu'on en sort inchangé."

Eye of the Owl - Fanfiction Code RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant