9. Flash Back

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Les familles des jeunes prétendants au titre de Chaperons et Chasseurs se pressaient sur la place centrale du village, dans l'attente des résultats. J'étais alors tout juste âgée de 10 ans , et c'était la première fois que nous nous rendions à la cérémonie annuelle de la remise des Diplômes. En revanche, nous savions tous pertinemment que dans les années à venir, ce rendez-vous allait devenir une simple habitude. Que tour à tour, nous allions être personnellement concernés. Parce-qu'après tout, c'est ce que nous nous étions promis.

Fébrilement, je cherchai des yeux mon frère aîné. Aujourd'hui nous allions enfin savoir si il allait pouvoir sortir découvrir le monde Extérieur, et la nuit précédente, j'avais amèrement pleuré en me convainquant de son départ. Pour moi qui avait toujours admiré mes grands frères, il ne pouvait en être autrement. J'imaginais déjà notre famille se morceler petit à petit.

Nous étions tous tirés à quatre épingles, et avions alors tous revêtus des tenues de cérémonie digne de ce nom. J'avais même fini par consentir à porter une petite robe de voiles bleutés, et à ramener mes cheveux en un chignon élaboré, après plusieurs longues minutes de négociations avec mes autres frères. Déjà à l'époque, je prenais un soin particulier à ne pas paraitre trop féminine. Cela revenait à assumer une certaine faiblesse selon mon point de vue. Au plus grand daim de ma mère d'ailleurs, qui pour sa part, était la grâce incarnée.
C'est donc entourée dans un losange protecteur formé par mes ainés, et suivant nos parents, que nous nous étions dirigés au travers de la fastueuse salle de remise des diplômes, retenant tous notre souffle, sans même nous en rendre compte.

Jared se tenait près du buffet, entouré de quelques un de ses camarades. Contrairement à eux, il était silencieux, et bras croisés sur le torse, les yeux vers le bas, il semblait observer quelque chose d'inexistant par terre. Trompeusement calme. Je l'avais bien senti, et pourtant je m'étais élancé à sa rencontre, drapée dans une fausse joie, et prenant de court les autres membres de la famille.

- JARED ! T'es trop beau comme ça !

Je m'étais blottie contre lui. Tellement enfantine et sotte. Et pourtant, de par cette attitude, mon grand frère s'était détendu. Parce-qu'indirectement, je venais de lui redonner cette importance et cette supériorité, qu'il n'était pas sûr d'obtenir lors de la remise des diplômes.

Nous avions ensuite attendu tous ensemble. Comme une vraie famille. Nous étions au complet, et le sourire rassurant et doux de ma mère nous apaisait comme jamais. Nous avions attendu un titre qui au final n'était jamais venu. Et petit à petit, l'impatience de Jared s'était transformé en déception. Et en dégoût de sa propre personne.

Je me souviens du silence. Ce même silence que nous allions connaitre et reconnaitre chaque année. Ce silence, qui après le décès de maman allait finir par nous oppresser, nous faire lentement suffoquer.  Ce silence qui règne dans ma chambre, baignée par la lumière rosée du jour qui pointe déjà.
Alors lentement, je me redresse dans mon lit. Seul le léger bruissement des draps et les battements plus où moins réguliers de mon coeur palpitant viennent perturber la tranquillité de l'instant. Et je reste ainsi. Encore bercée par le spectre du souvenir de la première remise des Diplômes à laquelle j'ai assisté. Je reste ainsi jusqu'à ce que la porte de ma chambre grince, signifiant la présence de quelqu'un. Je dévie mon regard, et dans l'ouverture de la porte, je vois le visage du benjamin de la famille, Jellal. Il me sourit doucement. Un sourire emplit de candeur et d'innocence. Ce même sourire que j'ai offert à Jared il y a 7 ans, jour pour jour. Et je sais pertinemment ce que cela signifie... Cette fois, c'est mon tour.

Alors lentement je me lève. Je revêt une tenue de cérémonie digne de ce nom. Je soigne mon apparence pour ne pas entacher la réputation de la famille. Cruel rituel annuel. Je sais pertinemment que les autres aussi, dans leurs chambres respectives, répètent ces même gestes. Et qu'aucun d'entre nous n'ose briser le silence qui nous est devenu coutumier. Sans même les voir je sais pertinemment ce qu'ils font.

Nous respectons les traditions malgré nous. On y trouve même peut-être une certaine complaisance. Un confort rassurant. Il y a juste à répéter indéniablement les mêmes gestes. Nul risque de se perdre en chemin. 

Cette fois, je pars seule. Sans être entourée du losange protecteur que mes frères forment autour de moi, la seule fillette de la famille. Je pars seule et ils me rejoindrons plus tard pour patienter avec moi et attendre le moment fatidique. Je pars seule car aujourd'hui JE tente MA chance.

Un oisillon finit toujours par prendre son envol et quitter le nid.

Eye of the Owl - Fanfiction Code RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant